27 avril 2007

Stratégie insulaire ?


Etonnante stratégie que celle de François Bayrou.
Alors qu'il ne cesse de parler de rassembler, et qu'il se présente comme le fédérateur tant attendu, il ne parvient qu'à vider inexorablement de sa substance son vivier d'origine l'UDF... au profit de celui de Nicolas Sarkozy ! (et c'est ce dernier que certains accusent de "diviser" et de "faire peur"...) Depuis quelques mois jusqu'à ce jour, on ne compte plus les ralliements et pas des moindres : Christian Blanc, André Santini, Simone Veil, Valéry Giscard d'Estaing, Pierre Méhaignerie, Gilles de Robien, Pierre Albertini...
Il est difficile pour autant d'évoquer une redistribution politique car de la Droite traditionnelle vers le Centre, les mouvements sont plutôt rarissimes. Facteur aggravant pour lui, le « leader orange » ne peut se targuer d'aucun ralliement significatif à partir de la Gauche ou du Centre Gauche en dépit de quelques timides propositions faites par Michel Rocard et Bernard Kouchner avant le premier tour.
Et c'est ce moment précis, alors qu'il vient de rater son pari de figurer au second tour de l'élection présidentielle, que François Bayrou choisit pour annoncer la création d'un grand « Parti Démocrate ». Quelle mouche l'a donc piqué ? Avec qui diable peut-il sérieusement envisager de constituer une telle force de novo ? Et pourquoi prend-t-il un tel risque de saborder ce qui reste d'UDF si près du scrutin législatif ?
On a beau dire que les électeurs se moquent des mouvements au sein des appareils des partis, il paraît illusoire d'imaginer l'émergence aussi rapide d'une réelle alternative politique, basée sur la simple ferveur populaire. Le score de Bayrou au premier tour paraît témoigner davantage d'un effet de conjoncture que d'un réel enthousiasme pour un projet solide et novateur. Et tout cela peut très vite fondre comme neige au soleil en laissant le Béarnais gros jean comme devant.
Eu égard à l'incapacité du Parti Socialiste à se régénérer, il était sans doute envisageable de propulser sur l'échiquier politique une formation social-démocrate comme en possèdent de nombreux pays. Il eut fallu pour cela y songer depuis plusieurs années, et tenter d'arracher dans les deux camps traditionnels un certain nombre de bonnes volontés (et sans doute avoir des convictions un peu plus précises).
Au lieu de cela, François Bayrou a cultivé avec opiniâtreté une indépendance hautaine qui le mène aujourd'hui au faîte de sa popularité mais aussi à une sorte de splendide isolement. Curieusement il semble avoir un penchant pour le chant d'une Ségolène subitement tout miel pour lui.
Pourtant, on serait enclin à penser que son intérêt passe par l'échec de cette dernière. Que peut-il espérer de sa victoire : un ou deux strapontins bancals dans une coalition hétéroclite dans laquelle il perdra son âme en même temps que son prétendu non-alignement ?
S'il veut avoir une chance de mettre en oeuvre
derrière son panache blanc, cette fameuse recomposition, qu'il appelle de ses voeux, il lui faut avant tout mordre par lui-même sur l'électorat de gauche. Or la défaite du PS pourrait lui offrir cette occasion en portant le coup de grâce à un parti bien mal en point depuis quelques années en raison de l'absence d'idées nouvelles et d'incessantes guerres entre petits chefs. Il lui serait alors loisible de séduire de ce côté (encore faudrait-il qu'il parvienne à conserver avec lui au moins une partie du Centre Droit...).
Quant à l'idée d'un débat médiatisé avec Ségolène, voilà une bien extravagante idée ! Comment imaginer qu'il s'agisse d'autre chose qu'une manoeuvre grossière (et peu démocratique) pour tenter de faire oublier que le second tour se jouera sans lui. Qu'elle soit jugée opportune par des socialistes vindicatifs qui sentent l'Histoire se dérober sous leurs pieds, rien d'étonnant. Tout ce qui peut éclipser le rival qui leur donne de si douloureuses coliques est bon à prendre.
Mais que fera Bayrou lorsque ce soufflet sera retombé et qu'il se retrouvera tout seul avec la gueule de bois, sur son île déserte ?

24 avril 2007

De la nature dévoyée du credo anti-libéral


La France terre de paradoxes, cultive opiniâtrement, surtout lors des grandes échéances électorales, un rite étrange, nourri de croyances archaïques et de craintes fantasmatiques.
Cette religion, accrochée à la vieille souche marxiste-léniniste, n'en finit pourtant plus de s'effriter en exhalant de pestilentiels remugles, au dessus d'un jus d'épandage nauséabond où surnagent comme de dérisoires falots fumants, les vestiges figés d'illusions évanouies.

Mais faisant fi de leurs désastreuses erreurs passées, les prêtres de cette foi obtuse continuent d'ânonner leurs antiennes éculées, comme de vieux calotins égrenant compulsivement leurs chapelets. Et plus ils sentent l'avenir leur échapper, plus ils deviennent sectaires et venimeux.
Cette manière de penser, crispée sur une idéologie défaite, incapable du moindre effort de rénovation, tente de pérenniser envers et contre tout une vision névrotique et rétrograde de la société. Et, forte des chimères démagogiques instillées sans relâche depuis des décennies dans les cervelles, elle parvient encore à entretenir un semblant de rayonnement, basé sur des a priori réducteurs et une haine féroce pour tout ce qui dévie de ses dogmes arrogants quoique moribonds. Grâce à ses innombrables relais médiatiques et à la complaisance veule et masochiste de bourgeois farcis de mauvaise conscience, elle exerce une police permanente sur les esprits et continue d'asséner comme vérités révélées ses contresens diaboliques.

Elle semble avoir définitivement refusé de confronter ses grands principes au verdict de l'expérience et du pragmatisme, et comme l'avare serre jalousement ses trésors inutiles dans des coffres obscurs, elle maintient enfermées ses rogues certitudes derrière les murailles grises d'une dialectique de plus en plus étriquée. Mais à l'image des bandelettes sur une momie, ses imprécations revanchardes ne défendent plus qu'un corpus sans vie, en voie de dessiccation. Son coeur est devenu un caillou noir et ses aspirations soi-disant altruistes sont pétrifiées dans une gangue égocentrique qui se dégrade en anathèmes de plus en plus approximatifs. Plus rien ne trouve grâce à son regard de poisson mort.
Dans son aveuglement incurable, elle refuse obstinément de voir la liberté qui forme le terreau du libéralisme. Assise sur les belles espérances des Lumières, elle ne croit ni au génie humain, ni à l'initiative individuelle et n'imagine le contrat social que dans l'omnipotence étatique, le planisme administratif et la bureaucratie procédurière.
Ses dignitaires enturbannés qui méprisent le petit peuple du haut de leurs snobs salons dorés se vantent avec un pharisaïsme insolent de n'aimer pas les riches et encensent de louanges hypocrites l'Impôt qui fait la charité des uns avec l'argent des autres...
A la manière de comptables filous qui confondent leur portefeuille avec la caisse de l'entreprise, ils démolissent les repères établis, et bousillent par leur mauvaise foi inoxydable toutes les problématiques auxquelles ils s'attaquent. Assimilant par exemple leur engagement politique à la vertu immanente, ils se croient autorisés à donner à tour de bras, des leçons de morale aussi doctrinaires que celles de l'Inquisition. Mais leurs oeillères idéologiques bornent désespérément le champ de leur imagination. Ils n'ont aucun sens de la perspective, aucune notion pratique, et noient sous des peurs irrationnelles quelques uns des plus beaux progrès de la civilisation technique. Plutôt que d'en prôner une maîtrise éclairée et responsable, ils opposent des veto moyen-âgeux à ce qui participe de l'émancipation réelle du genre humain, tout en qualifiant d'avancées, de sordides bricolages scientistes, pourvu qu'ils satisfassent leur éthique froidement matérialiste.

Ces cuistres qui ne comprennent rien du monde réel, le rejettent avec dédain. Après avoir voulu imposer à l'univers entier le morne et brutal totalitarisme collectiviste, ils déclarent une guerre stupide contre le libre-échange, et le fédéralisme démocratique au nom d'une alter-mondialisation prétentieuse et destructrice. Pire, en brandissant le droit des nations à disposer d'elles-mêmes, ils avalisent les plus affreuses tyrannies et refusent à des peuples martyrs la liberté dont ils profitent égoïstement, sans avoir rien fait pour la mériter.

Cette doctrine qui emprunte l'essentiel de sa quincaillerie conceptuelle au vieux socialisme révolutionnaire, a répandu partout ses poisons pernicieux déguisés en grandes idées généreuses. Mais à force de donner du bonheur une vision emphatique qui n'aboutit en règle qu'à la tristesse et à la désolation, ces sophismes trompeurs font de moins en moins illusion et laissent apercevoir à travers le voile qui se déchire, leur vraie nature faite d'intolérance et de ressentiment.
Les yeux trop longtemps abusés semblent se dessiller enfin. Là où les armes et la dictature ont fini par devenir impuissantes à les garder, les remparts de la forteresse mordent la poussière par pans entiers sous la pression de populations assoiffées de liberté. Les uns après les autres les fiefs soumis au carcan se libèrent et voient enfin le jour autrement qu'à travers les barreaux d'une doctrine désespérante.
Même en France les grands étendards se ratatinent comme des chiffons dérisoires, durcis par le jus aigre des rancoeurs accumulées et le sang desséché des combats perdus.
L'élection présidentielle voit encore s'aligner 11 candidats sur 12 se réclamant peu ou prou de ces conceptions obsolètes, de ce rejet primaire du monde, mais l'idéal a rétréci comme une peau de chagrin.

Le programme de ces tartufes bornés se réduit au misérable slogan « Tout sauf Sarkozy » qu'ils répètent apeurés en agitant fébrilement leur vieilles crécelles. Accrochés à leurs chaires qui s'effondrent, ils tentent désespérément d'enfermer dans leurs pièges sémantiques usés, le seul qui ait osé utiliser des mots neufs, et briser quelques tabous.
Mais tout ça sonne de plus en plus faux et le royaume arrogant d'antan se transforme en microcosme lilliputien.
Encore un peu de patience et le bocal se refermera peut-être sur ces derniers résidus lyophilisés, qu'on pourra ranger alors définitivement au musée, dans le rayon des horreurs déconfites...

18 avril 2007

Intemporalité de la beauté

Il y a quelques jours à peine, en parcourant les vastes allées du Giardino di Boboli, devant le Palazzio Pitti à Florence, je tombai en arrêt devant une statue. Immédiatement elle me rappella une aquarelle de John Sargent (1856-1925). Je la photographiai pour emporter la trace de cette impression de déjà-vu.

Lorsque de retour d'Italie, je compulse les ouvrages consacrés à ce peintre américain imprégné d'Europe, je retrouve sans hésitation la déesse Cérès couronnée de lauriers et tenant à la main une brassée de céréales.

Détenue par le Brooklyn Museum, cette oeuvre est datée de 1907.

Etonnante et minuscule coïncidence. 1907-2007 : un siècle exactement sépare les deux regards. Tant de tumultes séparent ces instants, tant d'horreurs barbares, tant d'illusions et de vanité. Et pourtant autour de cette silhouette altière, règne une tranquillité inchangée. On entend le pépiement intemporel des oiseaux et la lumière traverse l'ombre des cyprès majestueux avant de frapper le marbre froid sur lequel elle se répand en flaques mobiles d'une blancheur éblouissante.

Devant cette scène, l'oeil de Sargent fut comme un prisme qui décomposa les rayons du soleil en traits multicolores, transformant ces contrastes graciles en une sorte de délicate extase expressionniste. L'éclat de la Renaissance colorant les vestiges du monde antique en quelque sorte...

17 avril 2007

Retour vers le passé...


Après une semaine d'évasion en Italie, retour dans la gangue hexagonale.
Il est vrai que pendant 7 jours j'étais sorti de cet univers borné. Aucune nouvelle de la France. Pas de télé, pas de radio, pas de journal. La tête uniquement peuplée des collines ensoleillées de la Toscane. Les vignes et les oliviers déroulant leur doux tapis sur ces paysages ondoyants jusqu'aux lointains veloutés, ponctués par les silhouettes sombres et silencieuses des cyprès hiératiques...
Plus dure est la chute.
Premier avatar : grève des « aiguilleurs du ciel » parisiens qui chahute quelque peu le voyage vers la mère patrie. Vol annulé au départ de Florence, obligé de changer d'aéroport en catastrophe, direction Pise pour un autre avion qui lui non plus ne part pas, attente, nouveaux retards, incertitude, puis enfin départ... Confusion à l'arrivée à Roissy. La routine quoi.
Cette pagaille ne donne qu'un entrefilet dans l'édition du « Monde » du jour.
Et pour le reste, beaucoup d'encre mais rien de nouveau sous le ciel d'une campagne électorale qui tire en longueur, sans imagination, sans conviction, sans idée. Douze candidats pour rien ou quasi.
Sarkozy va se recueillir rituellement à Colombey sur la tombe du grand Charles « pour faire oublier son atlantisme » (journal de France 3). Son autoritarisme mâtiné d'ultra-libéralisme « qui fait peur » s'arrête à l'ISF que même la Suède vient d'abolir.
Ségo voudrait que chaque Français possède son drapeau tricolore et chante la Marseillaise au petit déjeuner. Et elle jacte sur Bush comme s'il incarnait Satan !
Bayrou s'accroche à sa bulle de néant, paraît-il fédérateur, en évoquant les personnalités éminentes et audacieuses de gauche qui seraient prêtes à le rejoindre mais qui préfèrent prudemment garder l'anonymat en attendant le moment fatidique. La question fondamentale du moment : ces tractations obscures sont-elles les prémices d'une alliance UDF-PS ?
Le Pen rabâche de plus en plus laborieusement ses refrains névrotiques et le conglomérat hétéroclite de la Gauche anti-libérale continue d'éructer sa haine du monde réel.
Dans un flots de sarcasmes tristes, me revient à l'esprit la chanson de Jacques Dutronc : Merde in France (cacapoum) !

04 avril 2007

World Trade Center


Oliver Stone donne une vision extrêmement sobre, presque dépouillée des atroces événements survenus le 11 septembre 2001 à New York. Une fois n'est pas coutume, le cinéaste "engagé" n'interprète pas les faits. Il se borne à en montrer l'absurdité, à travers le destin haletant de 2 policiers arrivés tout de suite sur les lieux, et dont la vie tranquille bascula tout à coup dans une horreur absolue et inexplicable. L'exercice était extrêmement délicat. Le risque était grand en effet de tomber dans le film catastrophe spectaculaire, ou bien de se laisser aller à des digressions grandiloquentes, voire de céder à la théorie obscure du complot qui fit tant de ravages dans les cervelles obsédées par l'antiaméricanisme. Même si le scénario n'évite pas certains clichés un peu "mélo", il reste fort car très proche au sens le plus physique qui soit, du drame que beaucoup d'êtres humains ont vécu ce jour là.

02 avril 2007

A chacun sa vérité


On peut avoir de la sympathie pour Al Gore qui a beaucoup contribué au magnifique développement de l'internet. On peut être totalement convaincu de l'impérieuse nécessité qu'il y a de protéger notre planète, et penser qu'aucun effort n'est inutile s'il contribue à préserver la qualité de l'environnement.

Mais il est tout aussi possible de ne pas adhérer complètement au scénario catastrophe sur papier glacé, présenté par l'ancien vice-président américain au sujet du réchauffement climatique. Pour ça, il faut évidemment une certaine audace tant le thème s'inscrit dorénavant comme un nouveau pont-aux-ânes de la correction politique, à l'encontre duquel il est devenu inconvenant d'émettre ne serait-ce qu'une réserve. On risque fort à ce jeu d'être pris pour un suppôt de l'utra-libéralisme, ou bien pour un valet des infâmes lobbies pétroliers et autres sataniques incarnations du capitalisme (dont tout un chacun profite pourtant sans vergogne).

Au départ pourtant l'évidence s'impose certes à tous : l'activité humaine, c'est certain, influe sur la biosphère. Et nul ne peut décemment contester que l'Humanité ait par ses progrès techniques, quelque peu chamboulé l'équilibre naturel qui prévalait avant qu'elle ne commence à bricoler sa galopante civilisation industrielle. Chaque être humain connaissant la fable de l'apprenti sorcier doit donc légitimement s'inquiéter pour l'avenir, car jusqu'à preuve du contraire, nous n'avons qu'une seule planète à notre disposition.

Ce constat posé, les attitudes divergent.
Certains prophètes de l'apocalypse semblent passer un peu rapidement sur le fait que l'Humanité qui bricole dangereusement, c'est nous tous. Ce sont nous tous qui avons besoin de chauffage en hiver, qui apprécions le confort que procure la fée électricité, qui trouvons bien pratiques les automobiles, qui prenons plaisir à partir en vacances en avion, et qui n'aimons guère payer cher toutes ces merveilles dont nous sommes tellement gavés qu'elles ne nous émerveillent même plus.

Avant donc de songer à savoir si le réchauffement climatique est néfaste, avant de battre sa coulpe en se tapant le cul sur la glace fondante, il est nécessaire de mettre en balance tout ce que nous avons gagné en qualité de vie, à ce prix.
Et avant de penser à déterminer ce à quoi nous serions prêts à renoncer au nom d'un danger hypothétique, il faudrait être certain que cela soit absolument nécessaire pour enrayer les drames que les oiseaux de mauvais augure nous annoncent.
Les projections des experts sont des modèles mais on sait bien que la réalité infléchit le plus souvent ce qui paraît prévisible. Il y a quelque temps c'était le trou dans la couche d'ozone qui constituait la pire menace à court terme. Aujourd'hui on n'en parle même plus...
Après tout, lorsque nous aurons brûlé tout le combustible fossile caché dans les entrailles de la Terre, le taux de dioxyde de carbone dans l'atmosphère devrait commencer de baisser. Mais peut-être aussi que les efforts menés depuis de nombreuses années pour trouver des sources d'énergie moins polluantes seront couronnés de succès, avant même l'épuisement de ces réserves. Enfin l'évolution naturelle du climat pourrait elle-même s'opposer qui sait, à la tendance induite par l'activité humaine. Selon certains savants, nous serions au seuil d'une nouvelle période glaciaire...
Ce n'est donc pas parce que plusieurs milliers de publications scientifiques démontrent l'existence d'un réchauffement du climat, et qu'elles l'attribuent à l'homme, que la fin du monde doit s'inscrire pour autant comme conséquence inéluctable.

D'ailleurs, le réchauffement lui-même, s'il a certainement des effets indésirables, en a peut-être aussi de bénéfiques. Le premier qui vient à l'esprit au sortir d'un hiver doux, est qu'il a permis d'économiser près de 5% en note de chauffage, donc en consommation de gaz et de fuel... Il pourrait, en modifiant la répartition des pluies, donner de l'eau à ceux qui en manquent et rendre certains déserts fertiles. En définitive, comme tout changement, il risque fort de faire à la fois des heureux et des malheureux. Si la météorologie était une science exacte et le climat un phénomène naturel stable, constamment bienfaisant, et facile à commander, il serait légitime d'exiger qu'on fasse tout pour ne pas le dérégler. C'est loin d'être le cas, par conséquent ne cassons pas ce que nous avons eu tant de peine à construire, sans y réfléchir à deux fois.

Mr Gore a peint son tableau d'un noir un peu trop absolu pour être vraiment crédible et son titre évoque plus la polémique que l'action citoyenne. Rien ne vient pondérer le schéma effrayant qui, après beaucoup d'autres du même genre, annonce ni plus ni moins la fin du monde. Certes l'augure affirme pour positiver, que tout n'est pas encore irrémédiable et qu'il ne tient qu'à nous d'inverser la tendance.
Mais face à des prédictions cataclysmiques, il oppose des solutions alternatives plutôt timides, si l'on excepte l'idée d'une récession économique d'inspiration malthusienne, dont l'application à l'ensemble du globe paraît relever de l'utopie et qui risquerait fort d'occasionner beaucoup plus de malheurs qu'elle ne résoudrait de problèmes.
Au surplus, Mr Gore n'est peut-être pas la personne idéale pour instruire ce procès. Il fut pendant 8 ans le vice président d'une administration qui s'illustra surtout par des voeux pieux et des bonnes résolutions en matière de protection de l'environnement. Cette relative inaction ne l'empêche pas aujourd'hui de faire porter le chapeau aux gens qui lui ont succédé au pouvoir. Il en profite au passage pour ressortir sa rancoeur tenace et totalement hors sujet, d'avoir perdu les élections de 2000, et insinue que la victoire lui fut volée, en dépit des nombreux recomptages, qui tous confirmèrent le succès, certes très court, de son adversaire .
Facteur aggravant, Mr Gore n'est manifestement pas le premier à suivre ses propres conseils. On sait par exemple que sa maison consomme vingt fois plus d'électricité qu'un foyer américain moyen. De même il serait intéressant de savoir s'il voyage en appliquant scrupuleusement les recommandations qu'il dispense si généreusement aux autres. Il y a fort à parier qu'il soit plus habitué aux intérieurs feutrés des limousines et des jets qu'à ceux des trains ou du métro...
Enfin lorsqu'il assure verser à des organismes censés protéger l'environnement, l'équivalent en dollars de ce qu'il consomme en énergie « sale », on ne peut que s'insurger. Lui et les gens suffisamment riches pour se le permettre, trouvent donc normal de s'acheter par le biais de ces « carbon credits » une bonne conscience, tout en continuant à polluer comme si de rien n'était ! Si ce n'est pas du pharisaïsme, on se demande de quoi il s'agit...

En définitive, l'homme a souvent détruit autour de lui, il a souvent été l'artisan de ses propres malheurs. Mais dans la plupart des cas, ce fut lorsqu'il était soumis à une réglementation excessive, bureaucratique, sans contre-pouvoir ni liberté de critiquer. En un mot sans responsabilité. Et s'il s'est rendu coupable de désastres écologiques, il s'est également montré capable de remettre en valeur des régions dévastées par les aléas du climat ou de vivifier des déserts. Enfin, s'il ne parvient pas à empêcher certains catastrophes naturelles, il en prévient les effets néfastes de plus en plus efficacement.
Les sociétés démocratiques aimant la liberté et la responsabilité, représentent la meilleure garantie de préservation de l'environnement, car elles laissent libre cours aux dénonciations et avertissements, même les plus virulents. Bien qu'ils s'avèrent parfois excessifs voire un tantinet malhonnêtes, ils maintiennent une pression médiatique sur le sujet. Si les individus se comportent en citoyens responsables nul doute qu'ils pourront eux-même changer le cours des choses en évitant les gâchis et en favorisant l'émergence de cercles vertueux économiques. Il n'est pas nécessaire de jeter des anathèmes pour cela car c'est l'affaire de tous.