26 juillet 2007

Like a rolling stone

Cet été la chaîne intello Arte a décidé de remonter le temps. Elle revient quarante années en arrière et plonge les téléspectateurs au coeur palpitant des années soixante. Dans un flot de vapeurs psychédéliques, ressurgissent les souvenirs éblouis d'une époque magique. On se remémore tout à coup les délices épicuriens qui accompagnèrent la vague sans précédent de plénitude et de croissance marquant l'après-guerre. Un étonnant foisonnement artistique tous azimuts. Oh bien sûr tout ne fut pas génial. Au cinéma Le Lauréat valait surtout par la prestation décalée d'un nouveau comédien prometteur, Dustin Hoffman et plus encore par la musique aérienne de Simon et Garfunkel. Même chose pour Je t'aime, moi non plus dont le slow lascif gainsbourgien allait s'insinuer dans les oreilles comme une irrésistible invitation à céder au Power of Love.
Cette ère fut avant tout musicale. Les comédies du même nom devinrent à la mode chez les hippies. Hair fut à la fois un hymne et un symbole. Comme Baudelaire, les nouveaux romantiques en plus des poèmes et des chansons, se mirent à adorer les « toisons moutonnant jusqu'à l'encolure ».
On vit au cours de gigantesques rassemblements estivaux toute une jeunesse hirsute et bigarrée s'abandonner avec insouciance à une extase collective, une sorte de féerique carpe diem semblant ne jamais vouloir finir. « Trois jours d'amour et de musique » promettaient les organisateurs du festival de Woodstock...
Cette année 2007, les vestiges redeviennent pour un moment réalité. L'île de Wight en juin fut le théâtre d'une réédition du mythique concert de 1968. On y vit même devant une foule enchantée quelques revenants : Donovan et les Rolling Stones.
Mais si les papys ont encore du jus, peuvent-ils ranimer la flamme ?
L'Histoire passe rarement deux fois les mêmes plats. Après que l'esprit du temps se soit enfui, il ne reste que son empreinte un peu défraîchie. C'est sympathique mais désuet comme tout ce qui a vécu tout en se vidant de sa substance.
Mais la relève est là. Amy Winehouse, avec son allure déjantée et sa belle voix meurtrie s'empare de la musique soul. Paolo Nutini, âgé d'à peine 20 ans, James Morrison de 2 ans son aîné, réinventent la ballade dans le genre éraillé.
Sauront-ils créer de nouvelles formes d'expression pour s'élever au dessus du statut d'épigones ?
Tout cela ne peut hélas faire oublier les drames, la drogue, les overdoses qui décimèrent une bonne partie des rêveurs des sixties. Comme si la recherche éperdue du bonheur devait se payer de son lot de malheurs.
En 1967 à Monterey éclatait dans toute sa splendeur le génie impétueux de Jimi Hendrix. Malheureusement il fut météorique. Ses frasques, débordant de vitalité, d'exubérance et d'inventivité se consumèrent en quelques années comme un panache incandescent, brûlant jusqu'à son coeur cristallin de comète.
Il périt dans les flammes de la passion comme sa guitare, sacrifiée à la fin du concert. Ce jour là, il avait montré à la fois la vigueur et la richesse de son infaillible sens de l'improvisation, mais aussi révélé qu'une indicible grâce l'habitait. En réinterprétant Like a Rolling Stone de Bob Dylan, il le transcenda littéralement. Quarante ans après, ces instants capturés par la caméra de D.A. Pennebaker n'ont rien perdu de leur force suggestive. Cette seule prestation suffirait à la gloire de l'artiste tant elle est intense, brillante et légère à la fois. A la manière d'un djinn : « de ses doigts en vibrant s'échappe la guitare ». On pourrait ajouter, « et son âme... »

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