29 juin 2008

La douche irlandaise


Le Non irlandais au traité de Lisbonne, fait apparaître au grand jour une fois encore, le fossé gigantesque qui sépare l'Europe des Peuples de celle que les dirigeants cherchent à leur imposer avec opiniâtreté. En la circonstance, le référendum populaire paraît une gageure insensée, cristallisant par nature des mécontentements de toute nature et souvent hors sujet. Mais il a un mérite : montrer qu'on ne peut espérer convaincre sans un minimum de clarté et d'enthousiasme.
Or l'idée européenne à ce jour en est tristement dépourvue. Pour tout dire, elle est à l'image de la substance bureaucratique dans laquelle elle plonge ses fondements juridiques : une sorte de gros machin mou, sans forme, sans direction, englué dans un limon glissant de standards et de normes.
Comment les citoyens pourraient-ils donner à ce monstre froid et indifférent, la légitimité de gouverner leur existence ?


Le projet de Constitution proposé dans un premier temps, et rejeté en 2005 par la France et les Pays-Bas, était avec ses 448 articles et ses quelques 250 pages, un véritable assommoir à électeurs. Au moins portait-il, au sein d'un prolixe et incompréhensible jargon, quelques ferments d'union. L'Europe avait un Hymne, un Drapeau, une Devise et même un Ministre des Affaires Etrangères.
Plus rien de cela hélas ne subsiste dans le traité de Lisbonne, abusivement qualifié de « mini-traité ». Tous les emblèmes fédérateurs ont été supprimés et il ne reste qu'un texte lourd de plus de plus de 150 pages, censé modifier et non remplacer les traités de Rome et de Maastricht. Certes on n'y compte plus que 7 articles mais ils se répartissent en plus de 350 dispositions de droit primaire, auxquelles s’ajoutent 13 protocoles et 59 déclarations !

Inutile de chercher dans cette rhétorique procédurière le moindre élan, ni même un quelconque dessein commun. On ne tente ici de fédérer de manière contractuelle, qu'une nuée d'égoïsmes nationaux, crispés sur l'obsession de profiter au maximum du système tout en lui abandonnant le moins possible de « souveraineté »... La France donne le ton, en ramenant à tout propos son prétendu merveilleux « modèle social », ses ambitions universelles en matière de « Droits de l'homme », et sa volonté farouche de préserver coûte que coûte une Défense Nationale indépendante.

Résultat, à l'exception notable de la monnaie unique, nous n'avons de l'Europe que le pire : des normes et des règlements tatillons, comme s'il en pleuvait, qui vitrifient dans l'uniformité notre manière de vivre, qui interdisent à la diversité de se manifester dans ce qu'elle a de meilleur, qui semblent se moquer des initiatives locales, et qui s'avèrent incapables dans le même temps, de cimenter un édifice cohérent.
Qu'est-ce donc qu'une Europe qui ne peut adopter une politique de défense commune ? Qui ne sache tenir une position fermement définie au sein du concert des nations ? Qu'est-ce qu'une Europe qui s'exprime de manière cacophonique, et qui par exemple, s'accroche à ses deux postes au Conseil de Sécurité de l'ONU, par lesquels elle affirme trop souvent la position sectaire voire parfois contradictoire de deux pays ? Qu'est-ce qu'une Europe qui ne cesse d'élargir ses assises géographiques alors qu'elle ne maitrise toujours pas ses fondements institutionnels, et ne sait pas véritablement où elle veut aller ?

On serait bien tenté de voir dans le logo adopté à l'occasion de la présidence française, le symbole piteux de cette déconfiture : des étendards qui pendent comme de vieux torchons au milieu de symboles nébuleux...

En définitive la douche irlandaise pourrait être bénéfique si tant est qu'on veuille enfin donner à ce genre d'avertissement la portée qu'il mérite.
Mais saura-t-on le faire ?

17 juin 2008

De l'enfer au paradis avec le Blues

Dans deux mois cela fera vingt ans que Roy Buchanan aura quitté ce monde. Aujourd'hui un DVD ressuscite quelques instants de sa vie, filmés le 15 novembre 1976 au cours d'un concert à Austin, Texas. Occasion quasi unique de s'imprégner de la musique de cet extra-terrestre de la guitare de blues.

Avec son air d'aimable plouc rêveur, il n'avait pas son pareil pour se délester sans en avoir l'air, d'incroyables lignes mélodiques, mélange de bends montant jusqu'au ciel comme des gémissements idéals, et d'harmoniques stridulantes déchirant avec délectation les tripes, le tout dans un style aérien, foisonnant de frénétiques "chicken pickin" .
Dans sa fabuleuse reprise de Hey Joe, même après avoir entendu Jimi Hendrix, on ne peut qu'être subjugué par les sublimes envolées suraiguës, ponctuées de brutales descentes en vibrato, au sein desquelles il place quelques mots à peine chuchotés, sortis en ruminant de sa barbe nonchalante.

Hélas, il ne resta pas longtemps au meilleur de sa forme. L'alcool, les frustrations, la pression médiatique et commerciale instillèrent progressivement en lui un poison mortel, qui l'usa prématurément.
Il galvauda souvent son talent, erra dans d'obscures et sordides impasses, ternissant parfois même sa nature de gentil garçon.
Au cours d'une soirée trop arrosée, un peu trop d'excitation, et il finit au poste de police, en cellule de dégrisement. C'est là que le 14 août 1988, à l'issue d'un raptus inopiné, profitant d'un moment d'inattention de ses geôliers, il se pendit avec sa chemise... Il avait à peine 49 ans.

A porter à son crédit, il reste quelques bribes du Paradis qu'il crut peut-être entrevoir par instants.
Avec ces images ressurgies du passé, on pourrait presque les palper au bout de ses doigts, le long des cordes torturées de sa guitare : Roy's Bluz, Sweet Dreams, The Messiah...

15 juin 2008

Obamania


Les Français sont vraiment incorrigibles. Ils seraient 84% à souhaiter la victoire de Barack Obama à l'élection présidentielle outre atlantique. Un consensus aussi peu nuancé laisse imaginer qu'ils n'ont décidément pas compris grand chose à la démocratie, en particulier américaine.
Il faut dire qu'au niveau d'information où ils se trouvent, un grand nombre d'entre eux doivent être surpris qu'Obama ne soit pas déjà installé à la Maison Blanche, tant la lutte l'opposant au sein du Parti Démocrate à Hillary Clinton, était manifestement assimilée dans leur esprit au match final pour le poste de président.

La Presse, de plus en plus mauvaise, caricaturale et pour tout dire idiote, porte sans aucun doute une part de responsabilité dans cette évidente méconnaissance des faits tant elle a induit le doute, en focalisant pendant des semaines ses projecteurs sur ce combat fratricide, le montant en épingle, et lui donnant l'apparence d'une campagne électorale, alors qu'il ne s'agissait que d'une primaire. Et pour finir, la désignation d'Obama, comme candidat démocrate, bien qu'elle s'apparentât à une sorte de victoire à la Pyrrhus, a été saluée comme un événement historique, ouvrant une nouvelle ère pour le Monde, à peu près unanimement par tous les médias réunis...
Derrière les chiffres, on peut s'interroger sur les raisons d'un tel engouement. Première tentation, celle d'y voir en creux les effets de la détestation anti-Bush qui sévit en France. Obama n'est pas issu du parti de George Bush, donc il jouit d'un préjugé favorable. Au surplus, il prône le retour des troupes stationnées en Irak, ce qui est assimilé de manière réflexe, à une preuve d'intelligence.
Au surplus, il est noir, il est jeune et incarnerait paraît-il le « changement ». Le mot est un des plus galvaudés en matière politique mais il fait toujours son effet aux oreilles de foules un peu niaises. Quand on creuse, il s'avère difficile de mettre derrière le terme, quelque projet concret. Alors inévitablement ressurgissent les vieux, très vieux démons de la pensée prétendue « progressiste » : on évoque la redistribution des richesses par l'impôt, une plus grande justice sociale, le mythe de l'assurance maladie universelle...
Pour ma part, je n'ai pas d'a priori contre Obama, plutôt de la sympathie, mais j'ai quelques doutes :
Sa couleur de peau n'est à mes yeux pas un argument. A ce jour aux USA, la plus haute fonction après celle du président est tenue par une femme noire, Condolezza Rice. Elle n'a jamais revendiqué ces particularités comme étant des qualités en soi, et George Bush qui l'a nommée pas davantage. Elle fait son job sans palabre ni forfanterie et personne ne remet en cause le sérieux de son travail et ses compétences, c'est le plus important. En tout état de cause, par rapport à cette petite révolution au sommet de l'Etat, le caractère "historique" de la désignation d'Obama doit être relativisé.
S'agissant du programme du candidat, le moins qu'on puisse en dire c'est qu'il est plutôt flou, très fluctuant, et un brin démagogique. Retirer les troupes d'Irak rentre dans la dernière catégorie. Cinq ans après le début de l'intervention, au moment ou ce pays semble rentrer enfin dans une phase de progrès et de stabilité, après que 4000 soldats soient morts pour ça, ce serait de la bêtise à l'état pur que de tout abandonner. Comme Obama est tout sauf idiot, il y a fort à parier qu'il ne ferait pas ce qu'il annonce, donc qu'il ment.
Quant à l'Iran, qui constitue un des problèmes les plus aigus du jour en matière de politique internationale, la position d'Obama est étrange. Un jour il veut « ouvrir la porte » au dialogue (ce qui a déjà été fait par l'Administration Bush), mais l'instant d'après affiche un résolution sans faille pour mettre en oeuvre, « tout ce qui sera en son pouvoir », pour empêcher le pays des Ayatollahs de posséder l'arme nucléaire. Tout, c'est à dire la guerre ?
S'agissant du programme pour l'Amérique, bien que ses contours soient encore bien incertains, il est probable qu'il sera basé sur un plus grand interventionnisme étatique. Alourdissement de la fiscalité, subventions et aides sociales, mesures protectionnistes, et peut-être une nouvelle tentative pour instaurer un régime d'assurance maladie obligatoire, promesse non tenue autrefois par Clinton. Sur tous ces sujets, peu de nouveauté en réalité et la crainte de voir se recroqueviller les Etats-Unis sur eux-mêmes, ce qui ne serait bon ni pour eux, ni pour nous...
Pour toute ces raisons, la candidature de John Mc Cain, qui conjugue expérience, courage, sagesse et bon sens, apparaît à l'heure actuelle une meilleure manière de sortir de l'ère Bush. Mais encore faudrait-il, pour pouvoir en discuter sereinement en France, qu'on accepte de laisser tomber le panurgisme, les certitudes et l'esprit partisan...

06 juin 2008

Beaucoup de bruit pour pas grand chose


Le nombre important de réformes entreprises par le gouvernement rend parfois difficile la compréhension de la logique qui les sous-tend. C'est peut-être pourquoi, tantôt on accuse le Président de la République de mettre en oeuvre une politique ultra-libérale, tantôt au contraire de s'en tenir à un conservatisme pusillanime.
Tout de même, certaines prises de position officielles ne laissent pas de surprendre. Deux exemples tirés de l'actualité sont particulièrement révélateurs de ce malaise.

La proposition de suppression de la publicité sur les chaines de télévision publique est de ce point de vue édifiante. Réclamée à grand cris depuis longtemps par des gens qui estiment qu'elle met sous la pression de l'audimat les programmes, et contribue à en détériorer la qualité, elle est aujourd'hui qualifiée par les mêmes de cadeau fait aux chaines privées et de coup de poignard assassin pour les chaines d'Etat.
En dehors de tout parti pris idéologique, le fait est qu'on se demande l'intérêt d'une telle mesure. D'ailleurs la raison pratique n'a toujours pas été donnée. En tout cas, le prétendu cadeau paraît bien galvaudé tant la publicité est déjà devenue envahissante dans les médias. L'overdose est proche et chacun s'est habitué grâce à la télécommande, à zapper les « réclames ». On voit mal comment on pourrait encore en augmenter la quantité. Trop de publicité tue la publicité. Reste la possibilité de faire payer plus cher les prestations du fait que les annonceurs auront désormais des débouchés plus réduits. C'est pour le moins hypothétique. Surtout si les Pouvoirs Publics décident de surtaxer ces profits...
En l'occurrence, sauf à vouloir délibérément les asphyxier, le problème le plus grave est de trouver des financements de substitution pour les chaines publiques. Rien ne paraît satisfaisant. L'augmentation de la redevance paraît vraiment anachronique avec notre époque et serait vécue comme un nouvel alourdissement des charges fiscales pesant sur les malheureux contribuables. Faire jouer le principe des vases communicants grâce à des taxes ponctionnées à d'autres sources (fournisseurs de téléphonie, d'internet, ou TV privées) serait complètement absurde. D'un côté on aurait des prestataires privés obligés de faire feu de tout bois pour assurer l'audience, de l'autre une télévision publique vivant en parasite, et définitivement à l'abri de toute émulation. Au total, on assisterait sans doute à une détérioration générale de la qualité : racolage et médiocrité d'un côté, nombrilisme et confidentialité de l'autre.
Non vraiment il s'avère impossible de suivre le fil du raisonnement du Chef de l'Etat en la circonstance. Et on ne peut que se lamenter du temps perdu par les commissions spécialement nommées pour réfléchir à la mise en oeuvre de telles mesures, qui tournent en rond tant l'argumentation s'apparente à une casuistique stérile.
Et si le problème de fond n'était pas la pléthore de chaines publiques ? Est-il vraiment nécessaire de maintenir plus de 5 chaines généralistes, sans compter leurs nombreux pseudopodes régionaux ou internationaux ?

Second sujet de perplexité, l'affaire retentissante du mariage annulé pour non virginité de l'épouse. La première réaction est la stupéfaction. A notre époque, un tribunal de la République peut donc déclarer nulle une union sur de tels critères ! C'est bien la meilleure !
A l'écoute de madame Dati, bien que surprenantes, de telles décisions de justice répondent en fait à un souci de pragmatisme, permettant de protéger certaines personnes embarquées contre leur gré dans des mariages arrangés. De fait en l'occurrence les deux époux souhaitent l'annulation de leur mariage. Soit, mais alors, pourquoi saisit-elle le Parquet dès le lendemain, pour casser la décision du Tribunal ?
Et surtout, comment se fait-il que deux conjoints, d'accord sur la nécessité de se séparer, ne recourent pas tout simplement au divorce à l'amiable ?

De toute manière, dans les deux cas, il n'y avait manifestement pas là de raison pour déclencher un tel tohu-bohu, dans lequel s'emmêlent, selon une fâcheuse habitude, toutes sortes de considérations religieuses, idéologiques, partisanes, et pour tout dire bien futiles...

05 juin 2008

Le Soleil se lève aussi sur Mars


Pendant que de misérables combats font rage sur notre planète, que d'infimes problématiques remuent en tous sens le microcosme médiatique, et que, faute de bonne volonté, tant de misères bassement terre à terre restent sans réponse, la NASA continue quant à elle son petit bonhomme de chemin dans l'espace.
Le 25 Mai 2008, la petite sonde Phoenix se posait en douceur quelque part dans la région arctique de la planète Mars.
Ça n'intéresse plus grand monde tant il faut désormais du sordide, du conflictuel, pour capter l'attention de foules gavées. Mais pour celui qui s'arrête un moment, c'est quand même bien fascinant. A l'image d'une fleur, qui inscrit sa beauté infinitésimale dans une sublime et mystérieuse harmonie, l'univers avec ses magnifiques guirlandes de lumière, illumine la nuit des temps, à la manière d'un gigantesque point d'interrogation. Cette petite sonde qui a parcouru plus de 270 millions de kilomètres à travers le cosmos, pour tenter de trouver quelques réponses, c'est magique...
Sur Mars, le soleil apparaît bien petit lorsqu'il se lève ou qu'il se couche. A peine s'il crée une lueur perçant l'obscurité brune. Photographiés lors de l'expédition Pathfinder, deux monticules sur l'horizon noir, les Twin Peaks, créent l'illusion d'un monde presque humain. Comme une vague alanguie, presque immobile dans le petit jour, ou bien les contours d'un paysage fait de collines et de vallées accueillantes.

Mais ce monde est sans vie. Lorsque le jour se lève, le doute n'est plus permis. C'est un désert rocailleux qui surgit sous l’œil extraordinairement précis de la caméra. Tout au plus un peu de glace sous la poussière qui recouvre le sol, et de profondes entailles dans la roche, confluant vers des vallées désertiques, qui témoignent qu'il y a très longtemps, de l'eau a probablement coulé en torrent sur la planète rouge.
Difficile de ne pas rêver tout de même. Tant de mystères, tant de richesses enfouies, tant d'énergie dans ces mondes lointains.
Saurons nous domestiquer ces ressources un jour ? Pourrons nous maitriser un peu de ce formidable univers qui nous entoure ?