08 novembre 2008

Au dessous du Volcan


Il y a quelques semaines sortait enfin en DVD un titre très attendu. Rarement en effet, on ne vit oeuvre littéraire portée à l'écran avec autant de bonheur et de pertinence, que ce parcours halluciné tiré du roman de Malcolm Lowry (1909-1957).
John Huston
(1906-1987) parvint à le sublimer sans en dénaturer l'esprit, grâce à une mise en scène parfaitement maîtrisée, à la fois rigoureuse et profondément poétique.
Il faut préciser qu'il fut aidé par des acteurs littéralement habités par leurs personnages, en particulier Albert Finney et Jacqueline Bisset.
A la veille de la seconde guerre mondiale, au Mexique, à Cuernavaca, non loin du monumental Popocatepetl, on suit le combat aristocratique mais désespéré, livré par un consul britannique désabusé, à la fin d'une carrière chaotique, contre tous les démons existentiels « qui chargent de leur poids l'existence brumeuse ». Autant dire qu'incommunicabilité et impossibilité d'être constituent les ressorts principaux de ce sombre récit...
En resserrant l'intrigue sur trois personnages principaux et en lui conférant une implacable chronologie, le cinéaste magnifie tout en la disciplinant, la forêt de symboles que forme le livre de l'écrivain anglais.
Cette luxuriante descente aux enfers prend en effet une signification aigüe, tout en conservant l'exubérance et la magie originelles. Le Mexique est omniprésent dans ses excès, ses arcanes, et sa magnificence, à la fois mystique (la fête des morts), brutal (les sinarquistes), indicible (une veille femme jouant aux dominos avec un coq), et vulgaire (le nain cupide et libidineux).

Dans ce monde qui s'écroule et qui chatoie, imitant les frondaisons illuminées d'une jungle baignée de soleil, Geoffrey Firmin porte sa solitude et ses remords comme une tunique de Nessus, tissée des aléas de la vie. Le poison est dans toutes ses fibres, au sens propre comme au figuré : l'alcool ronge son corps, l'incurable spleen dévore son intellect et jusqu'à son énergie amoureuse.
Toutes les tentatives que fera Yvonne, son admirable épouse, pour le comprendre et le reconquérir, se briseront sur cet irrémédiable fatum. Yvonne est résignée. Elle se sait entrainée sans retour mais elle essaie de trouver la force de remonter le courant. Jusqu'au bout elle veut croire que quelque chose peut encore contrarier le destin et lui redonner l'espoir de jours apaisés. Quand elle comprend qu'il n'y a rien à faire c'est déjà trop tard... La vie est tragique, l'amour est désespéré, c'est bien là le fin mot de cette histoire à l'envoûtant parfum de déchéance mortifère.

Autour de ce sombre karma, Hugh le troisième larron, le frère et peut-être un peu l'amant, vibrionne comme les désirs, illusions, et petits soucis qui peuplent la vanité de l'existence. Il résonne de l'actualité du monde, il est en mouvement, passe le plus clair de son temps en voyages et croit se passionner pour les grands problèmes de son temps. Il est pétri de bonnes intentions mais son âme est pâle et inconsistante. Même s'il semble percevoir par instant le drame qui se noue, il lui reste extérieur.
Revisité par Huston, au crépuscule de sa vie, ce récit est d'une limpidité biblique et d'une force tragique digne du théâtre antique. Il illustre parfaitement l'adage qui veut que les chants les plus désespérés soient aussi les plus beaux.
A ceux qui auraient été rebutés ou désarmés par la touffeur du livre, il est recommandé d'aborder un tel chef d'oeuvre par le biais de ce film exceptionnel. Ils en sortiront profondément et durablement bouleversés.

2 commentaires:

namaki a dit…

J'ai lu ce livre il y a bien des années à l'époque où je découvrais la vie et ce dont je me souviens c'est bien cette oppressante atmosphère. La fête des morts m'avait beaucoup marquée et j'ai gardé comme une impression de labyrinthe qu'est sans doute la vie ...

namaki a dit…

J'ai reçu un prix et je me permets de te l'offrir à mon tour ... c'est le Premio dardos ..
Tu peux venir le récupérer sur mon blog ;-)