19 janvier 2009

S'il n'en reste qu'un...


De la belle brochette de présidents rassemblés à la Maison Blanche lors d'un déjeuner organisé avant son départ par l'actuel occupant des lieux, combien laisseront une réelle empreinte dans l'histoire ?

S'il ne devait en rester qu'un, pas grand monde aujourd'hui ne parierait sur la personne de George W. Bush assurément. A peine plus d'un quart des Américains conservent paraît-il, une image favorable de lui. En France, je n'ose imaginer être quasi le seul à en dire encore du bien. Qu'importe après tout, quitte à passer pour le dernier des Mohicans, je persiste et signe, à l'instar de Maurice G. Dantec, qui dans Le Point n'est guère embarrassé de donner une opinion tranchant avec le consensus généralisé.

Un fait est certain : au moment de quitter la Maison Blanche, M. Bush peut se lamenter sur au moins un échec : il n'aura pas réussi à endiguer le flot des idées reçues qui l'ont assailli et poursuivi depuis le tout début de son mandat, et jusqu'à son terme.
Il partait avec un lourd handicap. Au moment de prendre ses fonctions en 2000, l'opinion publique le considérait comme l'héritier idiot et inculte d'une famille détestable, enrichie dans le commerce du pétrole. Il était qualifié par les mêmes, de « boucher texan » au motif que l'Etat dont il était gouverneur (élu et réélu), était celui qui comptait le plus grand nombre de condamnations à mort.
Huit ans après, les critères de jugement ne se sont guère affinés. M. Bush est désormais aux yeux de ces censeurs sans nuance, le « plus mauvais président de l'histoire des Etats-Unis ». Son bilan est rituellement présenté comme désastreux, catastrophique, et toutes ses actions résumées d'un seul qualificatif : épouvantable gâchis.

Au bout du compte, ce qui frappe le plus dans le destin étonnant de cet homme, c'est la haine féroce qui s'est sans cesse acharnée sur lui. Rien n'y a fait. Quelque action qu'il fit, elle l'a accompagné avec une incroyable constance.
Fait au moins aussi étonnant elle ne l'a jamais empêché d'agir « comme si de rien n'était », ni même de recueillir, envers et contre tout, de beaux succès populaires. Deux ans après son élection, qu'une foule déchainée qualifiait de « volée », il était solidement et sans ambiguïté légitimé par le scrutin de mid-term en 2002. En 2004, à l'issue d'une campagne marquée par un des plus formidables déferlements d'hostilité primaire jamais vus, au moment où l'aventure irakienne tournait à l'enlisement, il était réélu brillamment.

Sans refaire l'histoire de ce double mandat, plusieurs caractéristiques qui en font un épisode à nul autre pareil, méritent d'être soulignées :
Présenté comme un personnage plutôt falot et sans envergure, M. Bush aura été confronté à des circonstances extrêmement difficiles. Il prit ses fonctions dans le contexte d'une crise économique sévère, hérita du problème irakien qui n'en finissait pas d'empoisonner la Communauté internationale depuis dix années, reçut de plein fouet le choc du terrorisme islamique qui avait prospéré à l'abri de l'angélisme clintonien et onusien. A peine eut-il le loisir d'enregistrer quelques succès sur ces fronts qu'une nouvelle crise financière venait assombrir l'horizon.

A côté du parcours semé d'embûches de George Bush, celui de Bill Clinton pourrait passer pour une vraie sinécure : porté par une vague de prospérité à laquelle il n'était pour rien, il ne connut de vraie crise interne que celle engendrée par ses frasques extra-conjugales avec Monica Lewinsky, et à l'extérieur, celle de l'ex Yougoslavie, qu'il solutionna, non sans une certaine efficacité, à coup de bombardements. Certes il eut au moins la sagesse de ne rien entreprendre qui put compromettre le cours favorable des évènements, mais cela le conduisit à une sorte d'inaction qui l'amena entre autre, à minimiser la menace représentée par Al Qaeda et à renier l'essentiel de son programme, notamment toutes les mesures sociales qui font d'habitude vibrer si fort le puissant lobby intellectuel des bobos gauchisants.

George Bush, lui, fit tout son programme et bien au delà.
Pour enrayer les effets du krach de 2001, il procéda aux réductions massives des prélèvements obligatoires qu'il avait annoncées. Les amis de l'impôt hurlèrent comme toujours qu'il favorisait les riches. N'empêche, des emplois furent créés par millions et la croissance américaine resta bien au dessus de celle de nombreux pays européens dont la France. Certes les Etats-Unis sont aujourd'hui lourdement endettés, et à nouveau en crise, mais ils ont gardé une réactivité qui leur permet d'être relativement optimistes. Le taux de chômage qui avoisine les 7,5% est pour eux catastrophique mais il serait qualifié de succès en France...
S'agissant du terrorisme, il est incontestable que l'Administration Bush a accompli une oeuvre considérable. Aucun attentat ne s'est reproduit sur le sol américain depuis celui, effroyable, de 2001, et surtout, la cohésion des organismes chargés de lutter contre ce fléau a été considérablement renforcée. Grâce aux liens internationaux que son administration a également contribué à resserrer, l'information circule beaucoup plus vite et beaucoup de machinations ont même pu être annihilées dans l'oeuf, principalement en Europe.

On glosera encore longtemps sur l'intervention militaire en Afghanistan et encore plus sur celle en Irak. Mais même si les motifs et les explications donnés étaient quelque peu galvaudés, même si des erreurs ont été commises (la bannière prématurée et plutôt niaise « Mission Accomplie !», et surtout la gestion de l'après-guerre), il s'est agi dans les 2 cas de campagnes militaires brillantes. Surtout, elles ont permis à deux pays tyrannisés d'accéder au statut de nation libre. Leur avenir dépend désormais avant tout d'elles-mêmes, mais aussi de l'aide que voudra bien leur apporter la communauté internationale. Rien ne serait pire que d'abandonner la partie. Même s'il persiste des menaces, et si l'islamisme reste un danger inquiétant, le Moyen Orient change. La Libye et la Syrie ont édulcoré leur dictature. Beaucoup de pays et d'émirats du Golfe entrent de manière éclatante dans le XXIè siècle, convertissant la manne pétrolière en fascinants projets architecturaux, touristiques et culturels.

En matière sociale, contrairement au dogme qui fait de M. Bush un chantre de l'ultra-libéralisme marchand, un certain nombre d'actions significatives furent menées à bien. Celle dont il est le plus fier est le vaste programme de lutte anti-SIDA et anti-paludisme en Afrique. Jamais l'Etat américain n'avait lancé d'opération de si grande envergure financière. Peu de gens le reconnaissent mais les témoignages de personnalités peu suspectes de connivence, telles que Bob Geldof et le chanteur du groupe U2, Bono sont éloquents.
On pourrait également évoquer dans son pays, les mesures prises en matière de Santé, pour améliorer la prise en charge des médicaments (Medicare), et celles destinées à améliorer le niveau éducatif des enfants par le programme No child left behind.

Au total, le bilan de George Bush est loin d'être aussi calamiteux qu'on le présente habituellement. Au surplus, ce président qui a été copieusement insulté, calomnié et accusé à tort des pires turpitudes, a toujours conservé dans toutes les situations, un remarquable fair play. L'épisode récent du lancer de chaussures en Irak a permis une nouvelle fois d'en attester. Il n'a jamais pratiqué l'injure ou le mépris, n'a guère eu recours à la démagogie, et n'a notamment jamais renié ses convictions au risque d'être impopulaire. Son parler a toujours été simple et franc. Face à la crise actuelle par exemple, contrairement au président français faisant de grands moulinets moralisateurs et accusateurs à l'encontre du libéralisme et du capitalisme, il a réaffirmé lui, son attachement à la liberté d'entreprendre et a justifié l'aide de l'Etat par le seul souci pragmatique et l'urgence de la situation, en se gardant de brandir la moindre considération idéologique.
En matière d'entourage professionnel ses choix plutôt avisés, ont toujours répondu à un souci d'efficacité plus que d'épate. A ce titre, il restera celui qui a offert à une femme exceptionnelle, Condoleeza Rice les hautes responsabilités qu'elle méritait, de la manière la plus naturelle qui soit. Sans doute Barack Obama doit-il un peu de son ascension historique à cette manière décomplexée et sans tabou d'agir.
George Bush laissera également à ses proches l'image d'un dirigeant accessible, aux manières dénuées d'artifice ou de clinquant. Les témoignages de son tailleur et de son cuisinier (des Français installés aux Etats-Unis), qu'on a pu voir sur M6 il y a quelque temps, étaient de ce point de vue révélateurs. Il se comportait avec eux comme un simple citoyen, attentif aux moindres détails de leur travail et soucieux de leur famille.

George Bush a très certainement commis des erreurs. Il a démontré des lacunes et s'est rendu coupable de graves maladresses. A cause d'un tempérament à l'emporte pièce, il a sous estimé ou négligé un certain nombre de problèmes; Il a peu contribué à enrayer l'infernale inflation bureaucratique qui menace tous les pays développés. Il serait injuste toutefois de ne pas lui accorder quelques circonstances atténuantes, eu égard à la complexité de la tâche. Si l'histoire lui rend justice en admettant qu'il a fait son devoir honnêtement et qu'il ne s'est pas rendu indigne de sa fonction ça ne serait déjà pas si mal.
Sa plus grave responsabilité fut celle d'avoir engagé les troupes américaines en Irak et donc causé la mort de plus de 4000 d'entre eux. S'il s'avère qu'ils sont tombés pour procurer une vraie émancipation aux Irakiens, personne ne pourra dire que les Etats-Unis ont fait autre chose que poursuivre leur mission de toujours, à savoir faire rayonner la liberté sur le Monde. Et ce ne sera que justice rendue à la mémoire des soldats...

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