26 mars 2009

L'Esprit du Blues










Au cœur de la nuit bleue monte l'esprit du Blues
Comme une longue plainte à la puissance douze.
Plainte mélancolique avançant d'un pas lourd
Elle écorche en douceur le silence alentour.
Sa stridence cuisante avive les blessures,
Mais le feu jaillissant de ces pures morsures
Emplit l'âme ébahie d'une onde ivre d'amour
Qui s'imprègne du noir pour monter vers le jour...
Mimant d'un vieux Delta le cours des eaux trainantes
Elle descend amère au bord de tristes pentes
Et sa chanson suave engloutit dans son flux,
Des diables ténébreux gavés d'espoirs déçus.
Mais en elle le spleen se mélange à la joie,
Jamais elle ne trahit celui qu'elle côtoie.
Sa caresse brûlante en traversant le corps
Fait monter le chagrin tout en rendant plus fort.

Les malheurs de la vie, l'échec, l'humeur jalouse
Ou bien les trahisons d'une infidèle épouse
Toutes ces vilénies, ce cafard, ce remords
Sont peu de chose en somme en face de la mort.
Et lorsque fatigué de penser au tragique
L'esprit se livre entier à cette âpre musique
Il comprend par magie son sens en un éclair
Et pour lui dans la nuit, tout enfin devient clair.

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Hommage à l'esprit vivace du Blues, deux disques récents :


The Mannish Boys, Lowdown Feelin' superbe compilation de standards peu connus mais interprétés par une joyeuse bande, sous la houlette inspirée de Randy Chortkoff qui ne contribue pas peu au chant et à l'harmonica (une très belle et puissante composition à son actif Rude Groove). Tout ce petit monde est absolument excellent et produit un Blues aux intonations incroyablement authentiques, variées et savoureuses : du vrai Delta Groove comme dit la pochette. Au chant on retient Bobby Jones, Finis Tasby et Johnny Dyer. A la guitare le remarquable Kid Ramos. Parmi les invités Little Sammy Davis notamment dans une ballade très émouvante : When I leave. Une fontaine de Jouvence pour surmonter la morosité ambiante.

Alain Bashung : Bleu Pétrole. Après que soient envolées les dernières fleurs tombées par milliers sur l'artiste au moment où un destin cruel l'arrachait à la vie, reste pour l'éternité ce superbe album. On y compte bon nombre de compositions originales envoûtantes auxquelles la patte de Gaétan Roussel n'est pas pour rien (Je t'ai manqué, Résidents de la République, Hier à Sousse, Sur un trapèze). Elles sont magnifiées par la voix de stentor, plus belle et profonde que jamais, du desperado chanteur un peu ténébreux, et pour parfaire l'ouvrage par des arrangements musicaux touchant au sublime, à la fois puissants et intimes (dans le poignant Tant de nuits, par exemple). L'hommage à Gérard Manset est également de toute beauté (comme un lego, Il voyage en solitaire), ainsi que celui à Léonard Cohen (Suzanne). La maladie était hélas déjà dans sa chair mais Alain Bashung lui donne une vraie gifle avec cet enregistrement parfait qui lui procure une stature de commandeur bien méritée.

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