19 juin 2009

Un printemps américain (11)


Mercredi 15 avril. Ce matin sur Baltimore, la météo n'a pas tendance à s'arranger. Il pleut et il fait même assez frais. Temps de musée pourrait-on dire...
C'est l'occasion en mille de retourner à Washington DC pour y découvrir la
National Gallery. Vivante illustration du mécénat à l'américaine, elle fut créée en 1937 grâce aux collections et au support financier de Andrew W. Mellon.
Ce personnage étonnant fut à la fois collectionneur avisé, banquier, industriel, philanthrope, enfin homme d'Etat, et non des moindres. Il occupa en effet durant trois mandats présidentiels, le poste de secrétaire d'Etat au Trésor. Aujourd'hui, la National Gallery continue d'administrer ses collections et d'autres qui sont venues s'y adjoindre, avec un savant dosage de fonds publics et privés. Elle est ouverte toute l'année 7j/7 et l'entrée est gratuite.


Comme la dernière fois nous prenons le bon vieux Marc train, pas rutilant mais économique et pratique. Dans Union Station nous tombons en plein tournoi national de Monopoly ! Curieux endroit et drôle d'époque pour se livrer à des spéculations immobilières, même en jeu...
Dehors l'air est presque hivernal. Le sol est moiré des reflets de la dernière averse. Un vent cinglant nous oblige à nous emmitoufler. A la sortie de la gare, toujours aussi belle, je remarque une réplique exacte de Liberty Bell. En réalité, j'apprendrai que chaque Etat en possède une. Nous avons donc celle du District of Columbia sous les yeux.

En traversant le parc qui longe Constitution Avenue, nous nous arrêtons un moment devant le Taft Memorial. Il s'agit d'un grand parallélépipède de pierre dressé verticalement, dont l'extrémité supérieure est creusée de sept logettes ou sont accrochées les cloches d'un impressionnant carillon. Devant, est érigée une statue en pied de
Robert A. Taft. Bêtement j'imagine dans un premier temps qu'il s'agit du président de la république mais mon ami me détrompe : en réalité c'est le sénateur.
Fils du premier, il fut distingué en 1957 par un comité spécial mené par John F. Kennedy, qui en fit l'un des 5 meilleurs sénateurs de l'histoire américaine.
Ce monument lui rend hommage avec ces quelques mots gravés dans le marbre : « Hommage du peuple à l'honnêteté, à l'indomptable courage, aux principes élevés de libre gouvernement symbolisés par sa vie. »
.

Parmi les faits marquants de cette destinée, on retient sa lutte acharnée contre la bureaucratie et les gaspillages. Il batailla notamment contre beaucoup d'initiatives du New Deal qu'il jugeait inutilement dispendieuses...
On lui doit aussi d'avoir jeté les bases d'un dialogue social moderne et assaini avec les syndicats. Plus curieusement, et comme par fidélité aux principes de George Washington, il compta également parmi les défenseurs les plus opiniâtres du non interventionnisme au moment de la montée du Nazisme puis du Communisme en Europe et s'opposa à la création de l'OTAN qu'il estimait trop provocatrice face à Staline...
Bien qu'il jugea excessifs les procès de Nuremberg, il appela toute sa vie de ses voeux la création d'un tribunal International. Aujourd'hui encore un club très actif continue de faire vivre les principes de sa philosophie politique.

Nous continuons notre route vers le Musée. Dans les parcs publics que nous traversons, se détachent dans la grisaille ambiante les fleurs délicates des arbres de Judée et de splendides cornouillers (dogwood).
Nous apercevons le Capitole derrière les jets d'eau de la Senate Garage Fountain. L'élément liquide retombant en cascade, est comme une nacre fluide qui mélange ses nuances subtiles avec les teintes grises et lourdes du granit et du ciel.


La National Gallery est un vaste ensemble à l'architecture contrastée. L'aile Ouest, la plus ancienne est de style antique athénien, l'aile Est datant de 1978 est au contraire composée de structures géométriques ultra-modernes. Les deux corps de bâtiment sont reliés par une galerie souterraine dotée d'un tapis roulant sous un éclairage futuriste, une vraie oeuvre d'art en soi.
Dans l'entrée sous verrière, d'immenses mobiles de Calder oscillent doucement et au mur des formes abstraites signées Motherwell sont comme de lourds papillons noirs .
L'endroit préféré de mon ami est la salle consacrée aux peintres français autour du thème de l'impressionnisme : Small French Paintings. Il s'agit d'une très intéressante collection qui comprend outre quelques prestigieux chefs de file tels Monet, Renoir, ou Pissaro, également quelques précurseurs comme Corot, Boudin, ou bien d'autres compagnons de route plus ou moins proches : notamment Degas, Vuillard, Derain...

Au gré des salles nous découvrons certains artistes américains originaux : Cattlin et ses portraits d'indiens dans des camaïeux de couleurs ocres, George Bellows dont on propose des vues de New York, à l'aube de l'ère industrielle.
Le temps passe vite hélas, nous ne pouvons naturellement explorer à fonds les richesses du Musée. Je retiens toutefois entre autres, quelques beaux spécimens de la peinture hollandaise que je photographie à la volée : trois sublimes portraits de Vermeer (femme écrivant, jeune fille à la flute, jeune fille au chapeau rouge), quelques paysages signés Ruysdaël, un saisissant autoportrait de Rembrandt...
Au moment de notre visite se tient précisément une très belle expo de paysages hollandais et flamands du XVIè et XVIIè siècle.
Nous traversons également de belles salles en forme de jardins intérieurs, agrémentés de fontaines, de colonnes en marbre, de plantations et de sculptures élégantes.
D'une manière générale, les oeuvres sont remarquablement bien mises en valeur. Contrairement aux musées de Florence par exemple, sombres, surchargés et croulant sous les dorures, la présentation est ici aérée, lumineuse, reposante.

De retour à Baltimore, nous terminons la soirée dans un restaurant-pub très prisé, le Mama's On the Half Shell. Au menu, des huitres frites et de plantureuses coquilles Saint-Jacques sur un lit d'épinards, le tout arrosé de Budweiser. Un des très bons souvenirs gastronomiques du séjour, dans une ambiance détendue et néanmoins très animée.
En sortant, nos amis nous offrent de délicieuses et onctueuses crèmes glacées, dont une seule suffirait à nourrir une famille entière...


3 commentaires:

MC a dit…

Bonsoir, je n'ai pas encore lu tous vos articles sur votre voyage aux US mais il semblerait que vous avez fait vraiment énormément de choses, et profité un max de ce qui vous était offert dans un laps de temps finallement assez court..
C'est toujours avantageux d'être reçu par des "locaux"..
Merci de votre temps consacré à raconter votre voyage.
MC

MC a dit…

Je précise - en me relisant- Quand je dis avantageux, je ne parle pas de finances!!
Je parle du gain de temps pour les tuyaux divers (déplacements, visites incontournables, etc...).
Plus la connaissance du mode de vie local.
A plus
MC

Pierre-Henri Thoreux a dit…

Merci beaucoup pour ces commentaires. Ce furent effectivement 15 jours bien remplis. Tellement que deux mois après j'en suis encore à les raconter (plus que 2 jours hélas...).
Une expérience fascinante et une très belle histoire également. Je ne connaissais personne aux Etats-Unis, mais grâce à la magie d'internet j'y ai désormais des amis merveilleux, et je me souviendrai longtemps de leur accueil si chaleureux !