22 novembre 2009

Contes de la folie ordinaire


Le Foot, est devenu comparable aux jeux du cirque. Le déluge médiatique autour de la main de Thierry Henry (aussi soudain qu'éphémère), est à la mesure de la déraison qui touche ce microcosme, et d'une manière générale, le monde contemporain. La débilité des médias et des journalistes apparaît en de telles circonstances assez colossale, qui vont jusqu'à interroger le Président de la République sur la portée de l'évènement ! N'étaient ce délire verbal et les excès financiers vertigineux qu'elle sous-tend, cette main, qui n'a vraiment rien de celle d'Adam Smith, ne me ferait ni chaud ni froid. Mais grâce à ce petit but qui ouvre à l'équipe de France la perspective de disputer la Coupe du Monde, l'entraineur va toucher un jackpot de près d'un million d'euros. Quant aux joueurs, même ceux qui ne faisaient jusque là que de la figuration sur le banc de touche, empocheront paraît-il plus de 250.000 euros chacun ! Tout cela n'est pas la faute à une main, et pas davantage au libéralisme. C'est juste insensé.
Ailleurs, mais dans le même théâtre dénué de bon sens, on flétrit une entreprise qui n'avait rien trouvé de plus original que de distribuer de l'argent dans la rue, au motif que l'ordre public s'en est trouvé altéré. Tout en minimisant l'extrême violence dont se sont rendues coupables les brutes imbéciles accourues pour tout casser, à l'annonce de cette manne. Pour stupide que fut l'idée de départ, rien ne justifie les dégradations et le déchainement de barbarie, vus ce jour là. Affligeant et inquiétant spectacle, évoquant des mœurs vraiment primitives... Quel est donc l'intérêt d'un débat sur l'identité nationale, lorsque le quotidien est à ce niveau d'abjection ?
Pendant ce temps, le verdict de l'affaire AZF tombe enfin. Huit ans après le drame qui coûta la vie à 30 personnes, et fit des centaines de blessés. Problème : en dépit d'une très longue enquête, on ne sait toujours pas bien ce qui s'est passé ! Le tribunal en a tenu compte, mais la colère populaire se déchaine. Peu importe que la firme pétrolière ait déjà versé plus de 2 milliards d'euros pour dédommager les victimes, peu importe qu'on ne soit pas parvenu à élucider les causes de la catastrophe. Cela ne peut être un aléas, c'est forcément un crime. Il faut un coupable et TOTAL a le profil idéal. Le monstre, désigné dès le jour même des faits, doit être condamné.
On avait déjà vu cette soif de vengeance, ce parti-pris aveugle vis à vis d'entreprises incarnant semble-t-il par axiome, le mal. Les laboratoires pharmaceutiques endossent régulièrement ce rôle. Ils furent par exemple condamnés pour avoir provoqué la sclérose en plaques, par le biais du vaccin contre l'hépatite B. Tout portait à croire pourtant, qu'il n'y avait aucun lien entre les deux, mais en vertu d'un principe de précaution poussé à l'extrême, leur culpabilité fut tout de même prononcée, discréditant dans le même temps, un traitement essentiel dans une maladie grave. Il ne faut pas trop s'étonner que le doute se saisisse des foules, au moment où on leur demande de se faire vacciner en masse contre le virus H1N1, responsable d'une simple grippe, par un produit qui peut paraît-il provoquer la neuropathie de Guillain-Barré,...
Au terme de deux mois de cavale, Jean-Pierre Treiber est capturé. La réaction de Roland Giraud le père d'une des victimes plus que probables de ce sinistre individu, est hautement significative : « j'ai très mal vécu ce qu'ont fait les médias, tous les médias qui ont transformé en pantalonnade cette horreur et je me réjouis que les services de police aient enfin réussi ».
La tendance a faire des brigands des héros romantiques est ancienne et s'inscrit dans ce qu'on pourrait appeler la « fascination du pire » (pour reprendre le beau titre d'un mauvais livre de Florian Zeller). C'est assez niais en général, mais lorsque s'ajoute la complaisance manifestée ces dernières semaines à propos de Treiber, cela devient effectivement obscène.
Image : Masque Grotesque en grès émaillé, par Jean Carriès (1855-1894)

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