17 mai 2011

Au fou !

Grand chahut au Sénat il y a quelques jours à peine, alors qu'un texte de loi réformant les procédures relatives à l'organisation de la psychiatrie, était en train d'être discuté depuis le 10 mai.
En cause, la réforme des dispositions qui ont notamment pour but de pouvoir soigner contre leur gré les patients souffrant de troubles mentaux, faisant courir un risque immédiat pour eux, ou leur entourage.

Suite à quelques drames retentissants, le gouvernement a en effet décidé de renforcer les dispositions classiques, en les élargissant notamment au contexte de l'ambulatoire. Le projet de loi a dans le même temps pour objectif de faciliter l'hospitalisation demandée par un tiers (HDT), en limitant à un seul au lieu de deux, le nombre de certificats médicaux requis. Il propose également d'instituer une période de surveillance de 72 heures, avant de prononcer l'hospitalisation d'office (HO), relevant elle d'un représentant de la force publique. D'une manière plus générale, il contient également des mesures visant à contrôler plus étroitement la sortie de ces derniers patients, et donne le droit au préfet de s'y opposer s'il estime que le malade représente un danger pour autrui, même si les médecins ont un avis contraire.

Sans rentrer plus avant dans le détail technique du texte, avec lequel il est naturellement permis de manifester des désaccords tant le sujet est complexe et délicat, ce qui frappe c'est la virulence et l'aspect peu rationnel de l'argumentation brandie par l'opposition. Notamment celle d'un groupe de pression, paraît-il animé par des psychiatres, intitulé le Collectif des 39 .

Au premier abord, et à les entendre vociférer qu'il s'agit d'une « extension inadmissible du contrôle étatique des populations », on pourrait imaginer une bande d'énergumènes ultra-libéraux, partant en guerre contre le Big Government.
On constate bien vite qu'il n'en est rien. Sic dixit le journal Le Monde, c'est "la gauche [ qui] est très hostile à un projet qu'elle juge "sécuritaire"...
De fait, on voit dans la rue, des gens habituellement plus enclins à réclamer des régulations, des contraintes, et des lois, surtout lorsqu'il s'agit de lutter contre les dérives de l'horrible libéralisme !

A côté d'outrances verbales ridicules évoquant rien moins qu'une plongée dans la nuit sécuritaire (!), on perçoit une dialectique d'inspiration nettement plus idéologique que scientifique. Par exemple, dans les propos du psychiatre Guy Baillon, relayés par Mediapart: "Cette loi est une campagne de « stigmatisation » de grande envergure! Une loi raciste! Marquant leurs noms du sceau du danger et de la peur."
L'air est connu. Tout comme ce genre de harangue rétrograde, dans le plus pur style syndical : Il est possible de faire reculer le pouvoir ! Un premier pas a déjà été franchi. Continuons notre combat..."

Derrière l'anti-sarkozysme devenu désormais rituel dès que le Président de la République est soupçonné de vouloir faire bouger un tant soit peu l'ordre établi, se profile en réalité, une argumentation assez imbécile qui fait froid dans le dos, venant de praticiens pourtant censés incarner la raison. Elle n'est pas sans rappeler le mouvement de colère insensé et très partisan, des magistrats lorsqu'ils furent tancés par le Chef de l'Etat après le drame de Laetitia.
Le pire est que ces censeurs intransigeants  si prompts à vomir leur fiel, n'ont comme trop souvent, pas grand chose à proposer comme solution alternative.

Sur le fond, même si la problématique s'avère extrêmement délicate, rien ne saurait plus la desservir qu'un rejet sectaire et sans nuance de toute proposition, dicté par un a priori partisan.
On a beau dire par exemple comme certains, que "les personnes ayant des troubles psychiques graves ne commettent pas plus de crimes que la population générale", est-ce une raison pour les laisser livrés à eux-mêmes lorsqu'ils passent à l'acte ou risquent de le faire ? Surtout lorsque l'on prétend dans le même temps que les malades mentaux sont par nature irresponsables, et qu'ils ne doivent en aucun cas relever de l'emprisonnement qui attend tout repris de justice !

En la circonstance, les psychiatres font preuve d'une étrange légèreté pour ne pas dire inconséquence, lorsqu'ils dénient aux préfets le pouvoir de maintenir en internement des patients potentiellement dangereux.
Qui donc, selon eux devrait assumer la responsabilité des délits ou crimes qui seraient commis à la suite d'une erreur ou d'une négligence, puisqu'eux-mêmes s'en dédouanent habituellement ?
Quel psychiatre a émis ne serait-ce qu'un regret à l'occasion de la décapitation au sabre, par un malade sorti un peu vite, de deux infirmières à Pau il y a quelques années ? Quel psychiatre s'est interrogé lorsqu'un détraqué en permission n'a rien trouvé de mieux, que de découper sa pauvre mère en morceaux, puis de les balancer à tous vents par le balcon de son appartement ?
Quel psychiatre a fait état du moindre doute lorsque la malheureuse Laetitia a subi à peu près le même sort atroce il y a quelques mois ?

Une fois encore, on ne peut qu'être effaré par l'emballement idéologique et la politisation manichéenne qui empoisonne désormais tout débat dans notre pays. En témoigne encore, la récente affaire concernant le RSA, au cours de laquelle une malheureuse proposition d'astreindre à 5 heures hebdomadaires de "service social" les allocataires, déclencha une levée de boucliers hallucinante de la part de gens qui se gargarisent à tout bout de champ de solidarité et d'altruisme...

1 commentaire:

Philippe POINDRON a dit…

Comme c'est juste. On le voit bien encore ici, le propre de l'idéologie est d'être insensible au sort de l'homme concret et de regarder dans son cerveau avant de regarder la réalité. Ces gens de l'opposition réclament des contrôles de plus en plus rigoureux (et en ont du reste instaurés de fort nombreux quand ils étaient aux affaires) pour tout ce qui touche aux URSSAF, aux impôts, au droit du travail, aux licenciements, etc. Ils ont créé des commissions de toutes sortes, des comités Hyppolyte et Théodule aurait dit le général, pour surveiller, encadrer, conseiller, refuser ou accepter d'attribuer des subventions, en fonction de leurs affinités politiques. Leur fond de commerce est la méfiance systématique envers toutes "les couches sociales" censées ne pas voter à gauche (artisans, professions libérales, agriculteurs, tous ceux qui n'entrent pas dans la grande catégorie des salariés, décrétés par eux "prolétaires exploités"), et le débridé le plus total vis-à-vis de tous ceux qui peuvent servir leur intérêt, lequel est essentiellement la prise du pouvoir. Ils détestent les esprits libres, ils détestent ceux qui vivent de leur travail sans passer par leurs subventions, allocations, et aides de toutes sortes. Je ne crois pas, comme vous, cher Pierre-Henri, que les nouvelles dispositions relatives à l'HDT soient liberticides. Le sont bien davantage celles qui obligent les parents à mettre leurs enfants dans des écoles publiques connues pour leur violence, faute pour eux de pouvoir les inscrire dans une école privée (trop éloignée, ou supposée très à tort trop coûteuse, alors que toutes ces écoles pratiquent le système de la péréquation pour fixer le montant de l'écolage).
Nous crevons de ces têtes d'oeuf, de ces cultureux, de ces grands penseurs creux qui pérorent dans les brasseries du quartier latin. Le mieux est de les ignorer et de militer pour une vraie liberté, celle d'habiter sa vie sans leur concours. De toute urgence, relisons le libelle d'Etienne de la Boétie, le fameux "Discours de la servitude volontaire". Il y a des moments où la désobéissance civique est une mesure de survie.