27 décembre 2012

L'Amérique de Hopper

Edward Hopper (1882-1967), c'est l'Amérique !
Une vision parmi d'autres sans doute, tant ce pays est protéiforme, mais une vision tout de même, et des plus rémanentes.
C'est à la fois l'originalité, la force et le mystère de ce peintre étonnant. Il n'est pour s'en convaincre que d'aller voir les toiles de l'artiste que le Grand Palais expose en une éblouissante rétrospective (du 10/10/12 au 28/01/13). 
Le fait est que les scènes et les paysages représentés par Hopper ne peuvent témoigner que de la vision d'un Américain. Aucun Européen sans doute, n'aurait pu traduire de cette manière ce Nouveau Monde étrange, déroutant, splendide, effrayant.
Hopper à mes yeux, c'est avant tout une lumière crue, qui tombe d'un seul bloc sur des formes bien nettes, quasi sans nuance. Il y a dans les scènes statiques et muettes que transcrit le peintre une clarté presque aveuglante, qui éclabousse et frappe d'un seul coup la rétine et l'esprit du spectateur. Le tableau prend immédiatement possession de celui qui le regarde.
C'est à cela, entre autre, sans doute, qu'on reconnaît le très grand artiste. Mais il y a également dans cette peinture, une part de mystère.

Comment classer Hopper ? A quel courant le rattacher ?
La question, quoique souvent posée, est probablement vaine. Comme le dit le petit discours de présentation de l'exposition: « Romantique, réaliste, symboliste, et même formaliste, Hopper a été enrôlé tour à tour sous toutes les bannières. » 


Il fit ses premières armes à Paris, à peu près au moment où l'impressionnisme jetait ses derniers feux.
Les toiles de cette époque s'inscrivent plutôt dans la lignée des paysages si simples et si puissants d'Albert Marquet (1875-1947).
Dans le rendu, dans les angles de vue, on sent qu'on se situe à la charnière entre deux mondes, l'ancien et le moderne. Il faut dire que la photographie est déjà là avec ses contrastes crus et ses cadrages lapidaires. Bientôt le cinéma viendra encore un peu plus bousculer les paradigmes picturaux. Cette révolution fut déroutante pour nombre de peintres qui s'égareront dans des fuites abstraites, des déconstructions cubistes, ou bien des chimères symbolistes ou maints délires évanescents.
Rien de cela avec Hopper. Il reste solidement accroché à un art classique, solide, mais dont l'académisme rigoureux ne ne le cède en rien à l'audace.
Hopper, lorsqu'il revint au pays natal, tout chargé des canons artistiques européens, eut quelques difficultés d'adaptation. « Tout m’a paru atrocement cru et grossier à mon retour. Il m’a fallu des années pour me remettre de l’Europe ».


Pourtant, un de ses éminents mérites fut de bâtir sur sa culture classique, un art novateur, et de contribuer grandement à l'émergence d'une forme d'expression nouvelle, typiquement américaine.

Il y a évidemment, parmi les oeuvres présentées à Paris, les célèbres compositions urbaines dans lesquelles la solitude prend une dimension « métaphysique » pour reprendre une expression si opportune trouvée par un ami blogueur.
Mais plus qu'à ces tableaux à la beauté immobile et glacée, si souvent commentés, j'ai été particulièrement sensible aux aquarelles, dont j'ignorais l'existence. C'est en elles me semble-t-il que la maturation d'un art nouveau s'est faite. Elles expriment avec force, élégance et simplicité, une nature rustique, mais généreuse et sereine.
Une fraîcheur et un dépouillement que n'auraient sans doute pas désavoués les poètes et philosophes transcendantalistes. Hopper est un peu à la peinture ce que Walt Whitman fut à la poésie. Un lyrisme puissant se dégage de ces œuvres, la confrontation de la nature sauvage avec la froideur arrogante du monde technique, et de ce choc, naît une étrange combinaison de solitude, d'égocentrisme, mais également de distance par rapport au monde :
"One's-self I sing, a simple separate person
Yet utter the word Democratic, the word En-Masse...
"

Il y a très peu de mouvement dans l'univers de Hopper. On ne voit pas âme qui vive dans ces robustes bâtisses dominant sereinement, tantôt de vastes et rudes plaines, tantôt une ample perspective maritime dont le bleu s'étale avec un curieux mélange d'opulence et de légèreté. Parfois un bateau esseulé tangue en glissant pesamment sur les nappes océanes...
Avec le temps, la palette de Hopper s'est chargée de substance. Le trait s'est alourdi à mesure qu'il cherchait à saisir à la manière d'un objectif, la fugacité de l'instant.
Curieusement le temps semble s'être étiré, ralenti, jusqu'à s'immobiliser, tandis que l'atmosphère exprime une théâtralité de plus en plus empesée


L'effet semble paradoxal pour décrire un pays en pleine effervescence, dont le mouvement et la rapidité de l'instant, figurent parmi les traits dominants.
A certains moments, l'artiste qui décrit si bien l'aspect massif et inquiétant des façades néo-victoriennes des lourds immeubles et villas, semble vouloir pénétrer les murailles à la recherche de la vie.
Comme le dit mon ami Jeff, on dirait qu'il ôte les murs pour nous montrer sous une lumière crue les gens qui vivent derrière.
Cela donne ces fameux noctambules (nighthawks) nonchalamment accoudés à un bar, comme dans un thriller crépusculaire, ou bien des scènes intimistes mettant en scène de pâles personnages, vus par son œil inquisiteur, comme figés dans l'hébétude.
La chair est ici triste et impersonnelle. Est-elle le reflet d'âmes en peine ? S'agit-il d'un miroir renvoyant l'inanité d'existences vouées au confort matériel ? Est-ce l'expression de l'étrangeté, voire de l'absurdité du monde ? Faut-il imaginer dans ces tableaux, de petits drames dérisoires tirés d'un quotidien trop banal, dans lequel les êtres ne parviennent plus à communiquer ? Ou bien faut-il voir dans des personnages en proie aux longs ennuis, le signe prémonitoire de la fin des romans, des épopées et des légendes ? Avec en filigrane la fin de l'Histoire, et l'asphyxie lente d'une société normalisée, assujettie à la technique et au progrès, mais ayant perdu toute fantaisie, toute aspiration...
En somme, le peintre n'a pas fini d'interroger. Et c'est très bien comme cela...

21 décembre 2012

Des gens formidables !

A Gérard Depardieu,

 Les Socialistes sont des gens formidables !
Avec eux, tout s’éclaire, tout devient beau, tout devient désirable.
Avec eux, c'est l'avènement de la liberté, de l'égalité, de la fraternité.
Du moins, c'est ce qu'ils prétendent avec suavité.
Mais il y a loin de la coupe aux lèvres...

S'ils ont le sens du bonheur, c'est du leur et rien d'autre
Et le cœur, s'ils l'ont sur la main, ce n’est pas le leur, c’est le vôtre.
Ils peuvent vous faire les poches, et même la peau,
Ce sera toujours pour le bien de l’Humanité
Dans la lie de laquelle ils se vautrent avec avidité.

Ils confondent allègrement démocratie et démagogie
Et lorsqu'ils échouent à gagner par les urnes
Les faveurs du Peuple enivré de leur dialectique séraphique,
Ils répandent les haines, les divisions, la lutte des classes
Et la dictature du prolétariat, pour lequel ils ont un mépris crasse.

Ils ont un sens de la probité unique en son genre.
Quoiqu’ils fassent, c’est toujours vertueux, par hypothèse.
Dès qu'ils sont majoritaires, ils s'arrogent tous les droits.
Jusqu'à celui de se prévaloir de leurs propres turpitudes
Et d'ourdir leurs manigances au nom du Progrès.

La pauvreté et le malheur forment le terreau sur lequel ils prospèrent
Mais plus que de biens il leur faut des pauvres d'esprit
Et en matière de misère, celle de l'intellect n'a pas de prix.
Pour l'entretenir, ils ont inventé une mécanique infernale :
La machine à décerveler qu'ils nomment Education Nationale !

Ils répètent qu'il suffit d'appauvrir les riches pour enrichir les pauvres
Mais s'ils parviennent sans peine à réduire le nombre des premiers,
Jamais au grand jamais, la masse des pauvres ne diminua,
En quelque endroit du monde où ils sévissent,
Et on ne voit s'enrichir personne, sauf leur Nomenklatura.

Aujourd'hui l'un des leurs, un satrape en gants blancs,
Un héros de la cause, à la forme et au goût d'igname,
Embourgeoisé dans le juteux exercice de la spoliation étatisée,
Se croit autorisé à conchier et à traiter de « minable »
Celui qui ose regimber devant l'inepte échafaud fiscal.

Prolétaire et mauvais garçon, devenu sublime histrion
Celui-ci n'eut pas besoin du socialisme pour s'émanciper.
Il porte avec son talent et ses excès, une certaine idée de la France
Mais il n'a plus besoin de cette mère ingrate et revancharde
Sa vraie patrie, il l'emmène où il veut, à la semelle de ses souliers.

Non, son génial cou de colosse décidément ne ploiera pas
Sous la hache imbécile de ces barbouilleurs de lois.
Sa colère homérique devrait réveiller les foules asservies
Et leur faire comprendre enfin la seule réalité qui soit :
Les Socialistes sont des gens fort minables...

10 décembre 2012

Abolissons le mariage !

L'expression peut paraître provocatrice, au moment où le gouvernement planche sur un projet de « mariage pour tous », mais il n'en est rien. Au demeurant, il n'est pas dans la nature de ce blog de jeter des pavés dans la mare...
Car à bien y réfléchir, qu'est-ce donc que le mariage, si ce n'est un vague bout de papier contractuel, générateur de quelques droits républicains et de menus avantages fiscaux, mais surtout de pleins d'ennuis, qui selon les statistiques, attire de moins en moins de gens, et se termine souvent assez mal.

 
Il n'est d'ailleurs pas étonnant que M. Hollande s'intéresse de près à la question : il n'y connaît fichtre rien ! Bien qu'il fut en ménage avec Ségolène Royal qui lui donna 4 enfants, bien qu'il parade désormais, fier comme Artaban, sous les ors des palais nationaux, flanqué de sa turbulente compagne du moment, il n'a jamais cru bon de sceller par un quelconque pacte, ses amours. Il est donc « normal » qu'il conseille la chose à tout le monde...


Bien sûr, chacun l'aura compris, il n'est question ici en l'occurrence, que de l'union civile, conclue « devant monsieur le maire », comme on dit. Rien à voir naturellement avec le mariage religieux avec lequel on semble le confondre plus ou moins consciemment, comme pour créer et entretenir la controverse, des plus scabreuses.


Ce dernier transcende en effet les lois éphémères de la République. Il s'inscrit dans une foi qui lui confère, à condition d'y croire, le sceau du sacré et de l'irréversibilité. Seul la mort peut le défaire. Ça donne évidemment le vertige (mais ne règle pourtant rien face à l'éternité...)
Du mariage religieux, il n'y a en tout état de cause, rien à dire de nouveau. Personne n'est obligé de s'y soumettre, et les joies et les responsabilités qu'il donne à ceux qui s'y engagent sont peu négociables ici bas, même par un gouvernement "démocratiquement élu"..
Il n'est évidemment pas surprenant que les réactions hostiles les plus vives au projet gouvernemental proviennent de celles et ceux pour lesquels la foi religieuse est la plus forte. Sans doute ont-ils l'impression qu'en cherchant à galvauder ce qui pour eux s'inscrit dans le rite, on cherche à les atteindre en tant que croyants et à flétrir les plus hautes aspirations de l'âme.

Même si l'on peut comprendre leur sentiment, il est pourtant difficile de suivre leur raisonnement, lorsqu'on estime important de ne pas mélanger loi divine et lois humaines.

On peut néanmoins y être plus sensible qu'au tombereau de sottises, et de provocations insanes en provenance du camp adverse, celui des "progressistes" et des "égalitaristes" ! Du point de vue de ces derniers, le débat apparaît même d'un tel comique, d'une telle bouffonnerie qu'il doit faire se retourner Molière dans sa tombe. Que des gens, soi disant libérés des aliénations réactionnaires prennent la défense d'une institution aussi représentative de l'ordre bourgeois, ne manque pas de sel...


En l'occurrence, la palme du conformisme pense-petit, bien que difficile à attribuer, pourrait revenir au magazine Les Inrocks. A la manière de M. Prudhomme, il affichait avec une fatuité grotesque et un indicible mauvais goût son engagement, croyant notamment très malin et audacieux de faire de la surenchère, en réclamant pour les homosexuels tout et tout de suite : mariage, adoption, procréation...
 
Ceux qui au nom de l'émancipation ne cessent d'oeuvrer à la désintégration progressive des repères traditionnels structurant la société, revendiquent aujourd'hui le "mariage pour tous", véritable chef-d'oeuvre de tartuferie contemporaine. Alors que le nombre d'unions classiques est en baisse (il a été divisé par deux en quelques quatre décennies), et qu'on enregistre désormais chaque année un divorce pour 2 mariages, quel troublant paradoxe que de vouloir en étendre le principe à des populations hors norme, par nature.

S'il ne s'agit que de donner un cadre légal à des schémas de vie commune non conventionnels, pourquoi ne pas améliorer le PACS (Pacte Civil de Solidarité) dont le succès ne se dément pas, plus de 10 ans après sa création ? Pourquoi d'ailleurs ne pas en élargir les prérogatives à d'autres cas de figures ? En quoi des frères et soeurs vivant sous le même toit constituent-ils une option “familiale” plus choquante qu'une communauté d'homosexuels ?

Il y aurait beaucoup à dire lorsque les canons traditionnels bornant la morale et la bienséance volent en éclat. Il y a sans doute un grand risque de propagation du non-sens à tous les étages de l'organisation sociale, mais en définitive, qui peut affirmer avoir raison lorsqu'il s'agit de défendre ou au contraire de détruire les modèles ancestraux ?
Mais qu'au moins, on se garde de tomber dans l'hypocrisie. ou la niaiserie. Après tout, si l'Etat était plus soucieux des libertés individuelles, et si le peuple était vraiment constitué d'individus pleinement responsables, on pourrait prôner l'abolition pure et simple du mariage civil et laisser aux seuls croyants le soin de se mettre en conformité avec leur religion.
Quel bonheur ce serait ! On pourrait ainsi chanter, à l'instar de Georges Brassens, et de sa "non-demande en mariage" :
J'ai l'honneur de ne pas te demander ta main,
Ne gravons pas nos noms au bas d'un parchemin...

20 novembre 2012

A quand la fin du sommeil dogmatique ?

A l'heure où l'on apprend que l'agence Moody's dégrade à son tour la note de la France, le récent ouvrage de Nicolas Baverez, "Réveillez-vous !" trouve un nouvel écho, si cela était nécessaire.
Son diagnostic sur la situation de notre pays est tranchant comme une lame. Les saillies aiguës comme des dagues. Et le tableau, sombre comme un abîme...
Nicolas Baverez n'est certes pas un optimiste de nature. La période n'y incite pas de toute manière, et la solidité de son argumentation, la cohérence des analyses impressionnent. Mais il persiste dans le titre de l'ouvrage une once d'espoir, sous conditions. 
Même s'il paraît bien mince au regard du constat quasi désespéré, sur quoi repose-t-il ? Avant tout du bon sens, et du réalisme, ce qui n'exclut pas à certains endroits quelques menues contradictions...


Relativiser la mondialisation
Au rythme où vont les choses, Nicolas Baverez annonce que « La France quittera les dix premières puissances du monde à l'horizon 2030 ». Sans doute cela pourrait paraître excessif. Pourtant, contrairement à ce qu'on entend seriner lorsque est évoqué le modèle social français, rien n'est jamais acquis. L'Argentine figurait parmi les 10 premières puissances économiques du monde dans les années 1930, avant de faire faillite au début des années 2000.
A l'inverse, la Corée était un des pays les plus pauvres de la planète dans les années cinquante. Aujourd'hui sa seule partition du sud, soumise à l'horrible capitalisme, est dans ce peloton de tête !

En définitive, on peut s'étonner de voir la mondialisation si décriée, alors qu'elle lève les blocages, ouvre les frontières et abat les murailles. Elle laisse en somme sa chance à tous. A chacun de s'en saisir.
En attendant le point d'équilibre, on assiste évidemment à un gigantesque et un peu inquiétant tourbillon, un vaste système de vases communicants. Qu'en sortira-t-il ? D'ici 2050 la part de la Chine dans les échanges mondiaux pourrait progresser de 8,2 % 20,2, celle de l'Inde de 2,1% à 9,3%, celle de l'Afrique de 2,6 à 13%, celle de l'Amérique Latine de 7,7 à 7,9% tandis que celle de l'Europe passerait de 25 à 8,6% et celle des Etats-Unis de 26,5 à 10,3%... 
Dans un monde libre, les cartes sont rebattues sans cesse. Rien n'est jamais perdu, rien n'est jamais acquis. Après avoir été détruite par la guerre, divisée par l'impérialisme socialiste, l'Allemagne réunifiée et modernisée au terme d'énormes efforts, assume désormais seule le leadership de l'Europe...


La zone euro en danger
D'une manière générale, le constat fait par Nicolas Baverez dépasse largement le cadre de notre pays. Il concerne l'ensemble européen. Selon lui, « la zone Euro, extrêmement fragilisée, est devenue une menace majeure pour l'économie mondiale. Son éclatement pourrait conduire à une grande dépression, comparable à celle des années 1930. »
Plusieurs nations sont au bord du gouffre à l'heure actuelle, mais la France s'en rapproche dangereusement, et pourrait-on dire inéluctablement, eu égard à l'insouciance apparente des politiques menées par les dirigeants. En la matière, ils se suivent et se ressemblent...

La sottise des rengaines anti-capitalistes
Le fond du problème est que « La France et les Français se mentent à eux-mêmes ». Qu'elles soient de droite ou de gauche, les stratégies mises en œuvre par les Pouvoirs Publics, communient dans un même credo anti-libéral et anti-capitaliste: « A force de s'enivrer d'antilibéralisme, la France a perdu le goût et le sens de la liberté. La devise de la République a été pervertie. La liberté, que la France a contribué à inventer en 1789 est dénoncée comme contraire à l'égalité et ne cesse d'être laminée par l'étatisme. » Au plan de la politique économique, ce n'est pas mieux : « convertie au modèle du tax and spend qui a ruiné la Suède dans les années 80, elle s'achemine vers une faillite de grande ampleur. »
Face aux enjeux majeurs auxquels est confronté le pays, « La campagne présidentielle de 2012 n'a produit ni idée nouvelles, ni stratégie de sortie de crise ». Or en démocratie, on a les dirigeants qu'on mérite. C'est au peuple français dans son ensemble, que revient la faute « d'avoir congédié le réel pour mieux s'enfermer dans l'utopie et les mythes du passé »

Les médias y participent largement en colportant complaisamment des niaiseries qui semblent faire hélas consensus. On trouve dans l'ouvrage quelques exemple de cette désinformation plus ou moins consciente.
On nous dit souvent que les grandes entreprises, coupables de faire d'énormes bénéfices et de choyer leurs actionnaires, ne paieraient pas, ou quasi, d'impôts. Or, « en 2011, les groupes du CAC40 ont versé 40 milliards d'euros d'impôts contre 36 milliards de dividendes ! »
Combien de fois entend-on le couplet rabâchant que dans le monde cruel du capitalisme, les pauvres ne cessent de s'appauvrir tandis que les riches continuent de s'enrichir. Un seul exemple met à mal cette antienne fumeuse : « La Chine représente le quart de la croissance mondiale et a vu le niveau de vie de sa population passer de 278 à 6200 dollars par habitant depuis 1980. »
Mais comment faire sortir de leur surdité ceux qui ne veulent pas entendre et qui cherchent par pure idéologie, «à ranimer la lutte des classes.../... et miment les très riches heures des révolutions passées en s'inventant de nouveaux aristocrates à pendre à leurs lanternes ?»


L'ombre d'un doute
Le propos de Nicolas Baverez n'est toutefois pas exempt de cette curieuse tendance à la rétractation, lorsqu'il s'agit de plaider pour le modèle libéral, capitaliste. Il y comme une réticence à affirmer les thèses.
Alors que l'essentiel du discours consiste à flétrir l'Etat-Providence, notamment dans sa tendance à la bureaucratie et à la réglementation à tout va, l'auteur ne peut s'empêcher de fustiger dans le même temps « les mythes de l'auto-régulation du capitalisme, de la toute puissance des marchés... »
Au sujet des Etats-Unis, il s'attaque principalement à la « politique néo-conservatiste » qui aux yeux de quantité d'observateurs incarne justement le modèle capitaliste, et qui selon lui, aurait « sapé leur puissance au fil de 2 longs conflits enlisés, affaibli leur économie, miné la confiance des citoyens dans la Constitution et déligitimé leur leadership ». outre la contradiction, c'est faire peu de cas du mouvement des Tea Parties, réclamant justement le retour à l'esprit des Pères Fondateurs de cette constitution.


Perspectives
A la fin de son ouvrage, Nicolas Baverez esquisse quelques perspectives d'actions susceptibles d'inverser la tendance qu'il déplore. Il les décline selon trois axes qu'il qualifie de pactes.
Au titre du pacte productif, il réaffirme la nécessité pour la France de « faire le choix du capitalisme, car l'entreprise est la clé de la croissance, de l'emploi et de l'innovation, et donc de la puissance de l'Etat et de la souveraineté de la nation » Au passage, il enterre « le schéma keynésien d'une croissance tirée par des dépenses publiques financées par la dette »
Il insiste sur l'importance qu'il y a de maîtriser le coût du travail, donc de limiter le poids des charges sociales qui le plombe. Il considère notamment que le financement des allocations devrait relever de l'impôt (TVA ou CSG) et non des charges pesant sur l'entreprise. Le hic est qu'il ne s'appesantit guère sur l'accroissement des impôts que cela impliquerait pour les citoyens. Il n'y a pas non plus de réelle réflexion sur la nature de ces charges ni sur l'utilité réelle de ce qu'elle couvrent.

S'agissant du pacte social, où cet aspect des choses pourrait être évoqué, Baverez en reste à des principes très généraux. Il s'alarme de la centralisation et de la bureaucratisation extrêmes de l'Education Nationale, il remet même en cause l'autonomie des universités mise en œuvre par Nicolas Sarkozy car il la juge « fictive ». Mais il ne précise pas comment avancer (privatisation?)
S'agissant du système de santé, il en reste à un quasi statu quo : « La santé doit mêler une assurance obligatoire financée par les entreprises et des assurances complémentaires individuelles ». Quel est le changement avec la situation actuelle ? Quid d'une réforme de la Sécurité Sociale ?
Même constat au sujet du système des retraites pour lequel il envisage de manière évasive «une part obligatoire financée par les charges sur les salaires, et une retraite par point »
Enfin, il regrette la balkanisation de la société (5,2 millions d'immigrés et l'éclosion des cimmunautarismes : un défi qu'il juge comparable à la réunification allemande), mais il n'est pas très précis lorsqu'il s'agit de repenser les politiques de solidarité...

Enfin, le pacte citoyen et le pacte européen n'apparaissent pas beaucoup plus décisifs.
L'auteur insiste sur le rôle essentiel du citoyen, en prenant les exemples de la mobilisation de la nation allemande lors de la réunification, ou du peuple japonais après la catastrophe de Fukushima.
Mais lorsqu'il s'agit de la mise en œuvre, ce sont soit des mesures ponctuelles abruptes, soit des principes dénués de logique pratique. Il faut dire que la tâche est immense vu l'interprétation très particulière, presque intégralement étatisée, qu'ont les Français de la responsabilité citoyenne.
Faute de mieux, il propose ainsi en matière d'organisation territoriale, « la suppression des départements » qui à ses yeux « n'est plus une option mais une obligation ». Hélas, il n'inscrit pas cette mesure dans une vision plus générale, qui lui eut donné une vrai sens et une vraie cohérence.
Lorsqu'il en arrive à l'échelon européen, bien qu'il alerte sur le danger et le paradoxe d'une déconstruction de l'union européenne, il se borne à nous redire que « l'euro est confronté au choix entre le fédéralisme et l'éclatement .» Le sujet aurait pourtant mérité de plus amples développements...
J'ai noté à cette occasion, deux autres exemples du syndrome de Pénélope, consistant à défaire la nuit ce qu'on tisse le jour. Mais autant il est aisé de comprendre ce qui poussait l'épouse d'Ulysse, autant il paraît difficile de suivre ceux qui se livrent à l'exercice lorsqu'il s'agit de démonstration intellectuelle.
Ainsi Nicolas Baverez, qui fustige le caractère massif des prélèvements obligatoires, accepte tout à coup en matière de fiscalité « des niveaux confiscatoires », à condition « que la situation soit provisoire et que la totalité des nouveaux prélèvements soit affectée au désendettement. » Serait-il naïf ou bien inconséquent ?
Autre incongruité, il revendique « une conception de la liberté modérée et pluraliste, mais qui soit différente du modèle américain, régulièrement menacé par la démesure ». Encore faudrait-il qu'il précise comment on peut concilier la modération et le pluralisme, en quoi la liberté qui règne en Amérique s'apparente à de la démesure, et en quoi cette démesure est néfaste...

En bref, si un ardent défenseur du libéralisme peut rester un peu sur sa faim, il n'empêche que cet ouvrage qui se veut davantage analyse que pamphlet, a de quoi ébranler. Et à défaut de proposer des solutions très concrètes, il suggère qu'on se tourne enfin vers d'autres perspectives que celles éculées, suivies depuis des décennies. De ce point de vue, le propos relève plus de l'optimisme que du désespoir. Son titre le dit mieux qu'un long discours. Rien n'est sans doute définitivement perdu mais le temps presse !
Parmi les citations qui viennent le plus naturellement à l'appui de la thèse, qu'il soit permis de terminer avec celle de Benjamin Franklin, recommandant à qui veut l'entendre, de ne pas galvauder la liberté et qui reste parfaitement d'actualité :« Celui qui sacrifie une liberté essentielle à une sécurité aléatoire et éphémère ne mérite ni la liberté, ni la sécurité... » Espérons qu'elle ne résonne pas comme un glas étant donné l'état des mentalités.

16 novembre 2012

Le règne des Pinocchio

L'avantage, lorsqu'on n'a pas de convictions, est qu'on peut en changer comme de chemise, voire dire sans gêne, tout et son contraire en fonction du contexte, ou bien du temps qu'il fait...
Lorsque ce genre d'inconstance caractérise un esprit enclin à la démagogie, ça donne l'homo politicus à la française, social-démocrate voire socialiste tout court.

Depuis quelques six mois maintenant, les nouveaux gouvernants dont s'est doté le pays, à l'occasion d'un funeste moment d'égarement, incarnent à tel point cette versatilité, que cela confine au guignolesque. Ou plutôt au tragi-comique.
On ne sait s'il faut en rire ou en pleurer...
Le pire est qu'on serait presque tenté de s'apitoyer du navrant spectacle donné par ces malheureux politiciens au sourire béat, confrontés à l'implacable brutalité des faits et aux dures réalités de terrain. Avaient-ils imaginé ce qui les attendait ? On espère que oui, et pourtant l'insolente fatuité qu'ils affichaient avant de parvenir au Pouvoir, leur arrogance vis à vis de leurs adversaires, et leurs auto-congratulations anticipées tendent à prouver le contraire !

A gauche on a toujours eu tendance à penser que les faits devaient se plier aux idées et non l'inverse. Et puisque ces gens ont des théories toutes faites sur tout, ils imaginent que les problèmes doivent se résoudre comme par magie, rien qu'en soufflant dessus, avec leur grosse machinerie législative, bien huilée par les bonnes intentions et les grands principes. Hélas pour eux, ça ne fonctionne jamais comme ils l'avaient prévu ! Il y a toujours à un moment donné, un rouage qui se grippe, voire plusieurs, voire tous. Parfois, ils s'obstinent, et même de manière délirante. Ils se font alors un devoir d'éliminer tout ce qui entrave la voie lumineuse vers le progrès, sur laquelle ils ont la prétention de mener l'humanité : biens matériels, nature, animaux, êtres humains... Tout peut y passer, pourvu que le cap idéologique soit tenu. Ça se termine invariablement en hécatombe, en ruine ou en désastre...
D'autres hésitent à proclamer le Grand Soir, ou bien la Solution Finale. Est-ce un retour à la raison qui prévaut alors, ou bien la couardise devant l'épreuve, on ne saurait dire. Du coup, c'est la débandade dans les cervelles. Comment avouer qu'on s'est trompé ? Comment dire au peuple que le chemin ne mène à rien ?
Une seule solution : mettre de l'eau dans son vin. Autrement dit, du capitalisme dans le socialisme. Naturellement, les bougres déconfits voudraient bien diluer le moins possible la potion originelle. Ne serait-ce que pour éviter de passer pour des branquignols ou bien des renégats à la cause. Mais en temps de crise, on n'a pas toujours le choix...

Faut-il donc se féliciter que M. Hollande, plongé dans le grand bain du « Monde pour de vrai », joue plus que jamais les Pinocchio, racontant un peu tout et son contraire pour essayer de sauver une mise bien mal partie dès le départ ? C'est peu de dire qu'il se répand en mensonges et en revirements. Un jour il nous chante l'air de la Marquise, affirmant que la crise est presque finie, un autre, il reconnaît l'avoir sous-estimée. Un jour il affirme que rien ne fera fléchir sa détermination face au traité budgétaire européen et à la règle d'or, dont il dit pis que pendre; le lendemain, il supplie ses partisans interloqués de les voter massivement ! Un jour il clame les vertus de l'Etat omnipotent, le lendemain, il convient piteusement que dévorant 56% du PIB, il est devenu un fardeau insupportable pour la Nation. Il devait pourtant en savoir quelque chose, car la part principale de la charge est représentée par les collectivités locales, qu'il détient depuis des lustres avec ses amis, en quasi totalité !
Un jour il insulte les entrepreneurs et les gens fortunés, dont il dénonce la cupidité et le manque de patriotisme. Il leur promet que les foudres fiscales s’abattront sans pitié sur leurs têtes, et juste après avoir commencé de les assommer, il se met à les flagorner servilement, dépêche même un ministre qu'il déguise en marin d'eau douce, pour leur porter secours, et sur la fois d'un rapport administratif, leur promet soudain 20 milliards d'allègement de charges (tout en réhabilitant au passage le projet de TVA sociale qu'il trouvait si injuste) ! Tout à coup, il se met à prôner la compétitivité, alors qu'il s'agissait il y a quelques mois encore d'un mot imprononçable par toute bouche socialiste.
N'en doutons pas, d'ici quelques semaines, il va nous donner des leçons de libéralisme ! Il entrouvre déjà la porte à la renégociation de la loi sur les 35 heures, vante l'industrie nucléaire à laquelle il voulait mettre fin dans les plus brefs délais, et ouvre la perspective de l'exploitation du gaz de schiste !

Pendant ce temps, ses affidés décontenancés hésitent sur la posture à prendre. Le camarade Mélenchon, les Ecologistes, les Syndicats réunis et toute la compagnie, limitent l'expression de leur mécontentement à quelques ruades assez dérisoires. Comme ça part dans tous les sens, sans vraiment bouger, ils ne savent sans doute pas trop où donner de la tête. En attendant, ils bouffent du chapeau et avalent des couleuvres longues comme le bras !


Terrible dilemme en tout cas pour les personnes éprises de pragmatisme : faut-il se délecter des atermoiements des pontifes intolérants qui vous traînaient hier dans la boue, ou bien se satisfaire de les voir lorgner vers le bercail de la Liberté, comme des brebis effarées, découvrant enfin la méchante inanité du pandemonium collectiviste ?
Faut-il se réjouir de cette ambiance suspendue, erratique, irréelle, mais en apparence un peu moins folle que ce qu'on pouvait craindre ? Aujourd'hui même, le magazine The Economist alerte pour la troisième fois, sur la bombe à retardement que représente la France pour l'Europe. Fasse le ciel que cette étrange accalmie ne soit pas le signe avant-coureur d'un cyclone !

14 novembre 2012

En un combat douteux

L'affrontement auquel se livrent Jean-François Copé et François Fillon pour prendre la tête de l'UMP, est assommant, tant il dure. Mais il manque surtout d'intérêt.
Les quelques piques et saillies dont se gratifient depuis des semaines les deux protagonistes de ce douteux combat, parviennent difficilement à masquer le peu d'audace et l'absence de perspective originale de leurs programmes respectifs.
Le débat qui était censé les départager a permis de mesurer la pusillanimité des candidats à propos de trois questions cruciales, révélant qu'en définitive rien ne les sépare vraiment, et que rien de très novateur ne peut être espéré de la politique qu'ils souhaitent mettre en œuvre :

Face à la problématique de la funeste loi sur les 35 heures (RTT), autour de laquelle toute la classe politique tourne en rond depuis sa création en 2000, ni Copé ni Fillon ne laissent espérer mieux que la timide et fugace défiscalisation des heures supplémentaires. François Fillon plaide mollement pour la disparition pure et simple des réglementations sur le temps de travail. Mais après cinq années passées à la tête du gouvernement, le moins qu'on puisse dire, est qu'il n'est pas crédible ! Quant à Copé, il n'évoque que des arrangements en forme de tarabiscotage.
Qui aura donc le courage de revenir sur cette pure imbécillité socialiste, ce succédané d'acquis social que 64% des salariés seraient à ce jour prêts à remettre en cause ? Sans doute faudra-t-il attendre que la Gauche elle-même, au terme de moult reniements, finisse par l'enterrer...

Plus grave et plus révélateur de la résignation des deux débatteurs (et d'ailleurs de la plupart des politiciens de notre pays englué dans les principes), l'abrogation de l'Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) n'est décidément pas à l'ordre du jour. Qualifié pourtant d'un commun accord de dispositif totalement absurde et contre-productif, ils n'en n'avouent pas moins leur impuissance à le remettre en cause. Ce qui en dit long sur la force de leurs convictions et leur courage en matière de réforme de fond...

S'agissant de leur positionnement vis à vis du Front National (FN), ils en restent à de prudes et torves dénégations. Leur discours a beau évoquer « une Droite forte », voire « décomplexée », et faire des appels plus ou moins appuyés aux électeurs de Marine Le Pen, ils se défendent avec la dernière énergie, d'envisager le moindre rapprochement avec le parti qu'elle anime.
Cette attitude qui témoigne d'une intolérance absolue, est avant tout anti-démocratique. Elle ostracise en effet le FN qui se voit condamné à rester à part, et elle contribue à la radicalisation des opinions qu'il véhicule. Au surplus, elle est suicidaire en terme stratégique. Elle a pour l'heure abouti, par son rejet systématique d'une fraction de l'électorat, à ce que la Droite perde la quasi totalité des régions, la grande majorité des grandes villes, et elle interdit à une formation qui représente près de 20% de la population, toute représentation au Parlement. Elle oblige enfin les représentants de la droite classique, à des contorsions de langage ridicules et hypocrites, qui ne trompent personne mais en irritent plus d'un.
Bien qu'on puisse avoir de profondes divergences avec le Front National, elles ne seront jamais aussi scandaleuses que celles qui devraient opposer le Parti Socialiste à ses alliés de l'extrême gauche la plus sectaire et arrogante, dont certains osent encore se réclamer en toute impunité, de cette abomination qu'est le communisme !

Bref, avec de pareils leaders, notre malheureux pays a bien peu de chances avant longtemps, de voir rebattues les cartes du jeu politique. Et il est à craindre que nous n'ayons pas fini de devoir ingurgiter, faute de mieux, l'infâme soupe socialiste...

10 novembre 2012

Sourires dévastateurs

Les maîtres-penseurs de l'intelligentsia peuvent fêter la victoire de Barack Obama et les bellâtres du Show Biz se goberger, après avoir battu la campagne frénétiquement à son profit pendant des mois. Leur idole ne quittera pas la Maison Blanche. Et leur bête noire, Mitt Romney l'a dans les gencives !
C'est donc reparti pour 4 ans.
Sur la forme rien à redire : M. Obama est un séducteur né. Il a la silhouette gracile d'une « gravure de mode » comme dirait ma chère maman, il a de la prestance et du charisme. Son sourire est une vraie publicité pour les dentifrices et autres cures de blanchiment des dents. Il parle bien et sait manier l'humour avec dextérité pour conquérir les foules versatiles. Grâce à ces atouts médiatiques, son bilan n'a somme toute pas trop pesé sur l'Opinion Publique. Le trompeur Yes We Can a bien vite été oublié par l'inconstance populaire.
Si l'on était peu convaincu au départ, on pourrait certes reconnaître à M. Obama quelques mérites. Se réjouir par exemple du retour de la croissance qui vient de s'amorcer aux USA, en même temps qu'une réduction du déficit commercial. Encore timide mais largement supérieur à toutes les espérances en Europe. On pourrait s'ébaudir de la bonne santé éclatante de Wall Street qui a vu le Dow Jones passer de 8500 points fin 2008 à près de 13000 aujourd'hui. On pourrait être heureux que le président ait renoncé à trop augmenter la pression fiscale, conservant notamment les allègements décidés par George W. Bush. On pourrait le féliciter d'avoir veillé à la bonne santé des banques, notamment celle du géant Goldman Sachs à l'égard de laquelle il ordonna il y a quelques mois l'abandon de toute poursuite pénale relative à la crise des subprime... On pourrait lui rendre grâce d'avoir sauvé la filière automobile en tirant d'affaire quelques grands trusts, notamment Chrysler, General Motors... On pourrait enfin lui tresser des lauriers pour avoir optimisé la facture énergétique américaine en laissant libre cours aux forages extrayant du pétrole et du gaz de schiste...

Mais paradoxalement, ces bons points, plutôt qu'égayer ses supporters, progressistes, alter-mondialistes, écologistes et autres bien pensants, devraient les faire enrager. Ce n'est pas vraiment ça qu'ils espéraient de celui en qui ils voyaient naïvement un messie. D'autant plus que ce qu'ils attendaient tarde à se concrétiser.
Il n'y a rien de nouveau sur le front des ponts-aux-ânes sociaux tels que peine de mort, vente libre des armes, réduction de l'émission de gaz à effet de serre... Même sa réforme du système de santé peine à convaincre. A la fois trop audacieuse et pas assez, elle pourrait ne pas faire mieux que celle entreprise par le Gouverneur Romney dans le Massachusetts en 2006 (déresponsabilisation, couverture incomplète, augmentation des coûts pour tous les assurés et pour l'Etat, listes d'attentes...).
Mais plus grave, le mandat qui s'achève est marqué par un appauvrissement massif du pays. Quarante-sept millions d'Américains dépendent à ce jour de l'aide alimentaire (contre moins de 30 en 2008). Les plans de relance ont plombé la dette fédérale, qui a augmenté de manière délirante, dépassant allègrement les 100% du PIB. Elle est passée de 10.000 à 15.000 milliards de dollars, soit une progression de 4 milliards de dollars par jour pendant 4 ans ! Parallèlement le chômage en dépit d'une embellie de dernière minute, sujette à controverse, n'a cessé de progresser pour plafonner autour de 8%. Facteur aggravant, le délai moyen pour retrouver du travail s'allonge de manière dramatique (40 semaines, alors que la durée d'indemnisation aux USA n'excède pas 27).
Passons sur la politique internationale. Si certains sont heureux du déclin de l'influence américaine qui s'accélère, d'autres peuvent légitimement s'inquiéter de cette présidence en apparence indifférente au monde, qui parle fort, mais dans les faits, prône le repli ou bien l'inaction. Le passé a montré si souvent que les absences de l'Amérique avaient des conséquences graves. Lorsque le chat n'est pas là, les souris dansent...

En bref, le Président a été réélu essentiellement parce que sa séduction opère toujours auprès d'une clientèle rêveuse, plus exigeante sur le beau parler et les bonnes intentions, que sur l'action concrète et l'esprit pratique. Ce nouveau mandat sera-t-il différent ? L'expérience lui aura-t-elle apporté le pragmatisme ? Ou bien au contraire, tirera-t-il de ce succès un peu inespéré, la raison de se montrer encore plus idéologue ?
Le système américain est ainsi fait que la brièveté des mandats et les contre pouvoirs, pondèrent l'action du chef de l'Etat. Les citoyens n'ont pas donné à M. Obama carte blanche. Il devra cohabiter comme il le fait depuis 2 ans, avec une chambre des représentants hostile. Ce contexte sera-t-il propice à l'émergence d'un consensus efficace en période difficile ?
Les premières perspectives ne sont pas très réjouissantes. Elu par des minorités, le Président risque de continuer à les flatter. Un chiffre issu du dernier scrutin interroge. Les Noirs ont voté à 93% pour Obama (CNN New York Time). Ne s'agit-il pas d'un signe inquiétant de dislocation partisane de la communauté nationale ? Que dirait-on si 93% des Blancs avaient voté pour Romney ?
Comme beaucoup de soi-disant « progressistes », Obama fonde une bonne part de sa stratégie sur une démagogie dangereuse, consistant à nourrir les illusions, en agitant de beaux, mais creux idéaux. Derrière l'emphase et les rengaines, il n'hésite hélas pas à diviser et à montrer du doigt les boucs émissaires. Avant de faire la paix avec elles, il traita les banques de Fat Cat Bankers. Il dénigra la richesse personnelle du candidat Romney. Aujourd'hui même, il annonce qu'il faut taxer davantage les riches pour éponger les déficits accumulés par son administration. On croirait entendre du Hollande...

Un des constats de cette élection, est que les USA semblent tendre toujours plus vers le modèle de l'Etat-Providence, et donc à s'éloigner de celui de la Société Ouverte. Les réformes entreprises ont presque toutes ce caractère définitif et fermé, qui effraie ceux qui restent attachés envers et contre tout à l'Esprit de Liberté. Les Tea Parties, qui portaient un espoir de retour aux sources des Pères Fondateurs semblent un peu en recul par les temps qui courent. L'avenir est-il encore à un vrai monde libre ?

03 novembre 2012

Les perroquets de la pensée unique

Lorsqu'un Libéral se trouve confronté au tribunal des Bien-Pensants, il n'a d'autre alternative que de ferrailler dos au mur, seul contre tous. C'est la mésaventure qui est arrivée à Charles Beigbeder le 27/10/12 dans le talk show animé par Laurent Ruquier sur France 2 : « On n'est pas couché ».
Le malheureux dut subir le feu roulant de la mitraille des deux chroniqueurs de service, Aymeric Caron et Natacha Polony, qui n'ont pas ménagé leurs efforts pour sortir à son encontre, tous les clichés, tous les lieux-communs habituellement véhiculés par les hordes anti-libérales. C'est dans ce genre d'exercice, qu'on mesure l'efficacité de la télévision pour propager les idées les plus superficielles, les jugements à l'emporte pièce, et les opinions les plus grégaires !
Pour la victime propitiatoire de cette corrida de salon, comment se faire entendre, sachant que l'animateur lui-même est partisan, ainsi que la quasi-totalité des invités, parmi lesquels on comptait ce jour là, le fils à Bedos et la fille à Mitterrand ! Sans compter le public, qui se croyait obligé de ponctuer d'applaudissements imbéciles chaque banderille plantée sur un dos décidément très large.
C'est qu'on n'hésita pas à coller au libéralisme que M. Beigbeder était venu défendre, tous les malheurs, et toutes les turpitudes du monde.
D'emblée, et selon la bonne vieille dialectique, M. Caron fit mine de s'étonner qu'on puisse se réclamer de Milton Friedman, de Reagan, et de Thatcher alors même que ce sont les recettes qu'ils préconisaient qui auraient amené la crise et notamment les malversations "des banques qui ont trafiqué, volé, menti..."

L'amalgame étant fait, il est très difficile de s'en extraire. Il faudrait pour cela avoir le temps de reprendre une à une les causes de la crise pour démontrer qu'elles ne sont pas là où certains voudraient qu'elles soient, et plus difficile encore, contredire posément l'adage qui veut que les banques soient par nature, malhonnêtes. Cela relève de la gageure dans le contexte...
M. Beigbeder ne s'en est pas trop mal sorti. Il esquissa une auto-critique en reconnaissant quelques défaillances, mais en déniant le droit de s'en servir pour condamner tout un système. Et il retourna la question en demandant à ses interlocuteurs s'ils en connaissaient un autre qui puisse garantir autant de réussite et prospérité que le capitalisme. Sans obtenir de réponse évidemment...

Mme Polony utilisa quant à elle l'argument éculé selon lequel le libéralisme des Lumières se serait fourvoyé dans une sorte de néolibéralisme pour ne pas dire d'ultralibéralisme, qui a abouti à « la dérégulation et à la négation des entrepreneurs ». Il faut croire qu'elle n'a lu ni Say, ni Bastiat, ni même Adam Smith ou Tocqueville, car elle saurait combien leurs théories sont plus actuelles que jamais !
Même méconnaissance de l'esprit de liberté lorsqu'elle affirma que l'éducation doit figurer au rang des missions régaliennes de l'Etat. Ce qui lui fit condamner la proposition de mettre en place des « chèques éducation » dans lesquels elle décrivit un système menant tout droit à « l'explosion de l'Education Nationale et à la fin de la communauté nationale à l'individualisme pur. » Rappelons qu'il s'agit d'aides de l'Etat, permettant aux parents de mettre leurs enfants dans l'école de leur choix, en vigueur aux USA sous le nom de vouchers. Il est aisé de se rendre compte, à condition de n'être pas trop aveuglé par les a priori, qu'en Amérique, la communauté nationale et l'ascenseur social fonctionnent nettement moins mal qu'en France...

Ce furent ensuite les couplets classiques sur la prétendue injustice sociale des idées libérales. S'insurgeant qu'on puisse remettre en cause le système des logements sociaux, pourtant perverti par les abus, M. Caron préconisa la vieille et illusoire recette du blocage général du prix de l'immobilier. Sans se demander si cela donnerait plus de toits à ceux qui en cherchent désespérément...
Puis il répandit de belles larmes de crocodile au sujet des 3 millions de chômeurs en demandant à l'invité si selon lui, il s'agissait « d'assistés », et si l'on pouvait comme lui, dire qu'ils étaient « dorlotés » par le système actuel de protection sociale ?
M. Beigbeder n'eut pas la présence d'esprit de lui rétorquer qu'on pourrait surtout s'interroger sur l'efficacité d'un modèle social, généreux en prestations (au prix d'un endettement insensé), mais incapable d'enrayer le mal à sa source.
Il évoqua le modèle danois qui plafonne à 2000 euros les indemnités chômage, sans emporter la conviction de ses interlocuteurs. Peut-être font-ils partie de ceux qui seraient pénalisés...

Lorsque Charles Beigbeder défendit la réconciliation du monde des entreprises et des citoyens, ou lorsqu'il justifia par la prise de risque, la fronde des entrepreneurs vis à vis des projets de supertaxation des plus-values de cessions, il se vit opposer le cas du PDG de PSA qui « continue à percevoir des royalties, alors que l'entreprise va mal, tandis que l'ouvrier qui fait son travail se trouve licencié parce que le groupe l'a décidé et ce, même s'il fait des bénéfices. » Argumentation typiquement mélenchonesque qui mélange avec délectation des choses qui n'ont rien à voir entre elles, mais dont le fondement reste la lutte des classes, et la haine primaire du « nanti ».
On retrouva enfin la sale manie consistant à jeter par principe l'opprobre sur tout ce qui est profitable, dans les torves insinuations que fit M. Caron à propos de la gestion de terres agricoles en Argentine et en Ukraine, dans laquelle s'est lancé Charles Beigbeder. Il n'y alla pas avec le dos de la cuiller, accusant ce dernier de spéculer sans scrupule, même sur les denrées alimentaires. Et pour appuyer son propos, de citer « des ONG », selon lesquelles cette pratique serait responsable de la flambée des prix et même de disettes... Encore une fois, montrer l'inanité de propos aussi caricaturaux est quasi impossible, sous les tirs croisés incessants en provenance d'interlocuteurs aussi bornés que partisans, et dans le peu de temps laissé pour la réponse. Ce qui devait être un entretien, tourna au procès en sorcellerie.

Un des plus jolis moments fut toutefois l'évocation de l'élection présidentielle américaine, notamment lorsque Beigbeder osa révéler qu'il souhaitait la victoire de Mitt Romney. Il fallait voir les yeux s’écarquiller et la stupéfaction goguenarde de l'ensemble du plateau devant tant d'impertinence ! Un tel spectacle sans nuance devrait effrayer toute personne un tant soit peu éprise de démocratie, mais il n'avait en définitive rien d'étonnant, dans un pays aussi éloigné des réalités que la France, où selon un sondage, à peine 5% des gens voteraient pour le candidat républicain... 
Faut-il en rire, faut-il en pleurer ?