28 février 2012

Pour saluer Larry 2


Lorsque la guerre éclate et que la Grèce tombe aux mains des Allemands en 1940, Lawrence Durrell doit quitter son doux asile ionien, pour rejoindre l'Egypte via la Crète. Avec Nancy, il venait d'avoir une fille, Penelope.
Ce nouvel exil, qu'il découvre tout d'abord par Le Caire, avant de s'établir à Alexandrie, va susciter en lui des sentiments complexes et contradictoires. Source d'inspiration de son chef-d'oeuvre (cf un précédent billet), ils expriment au départ une sorte de dégoût pour cet univers à la fois envoûtant et maléfique.
L'Alexandrie qu'il découvre, comme «ressortissant réfugié», est plutôt repoussante : « suffocante cuvette de sable avec ses tombeaux et ses minarets ridiculement hideux. Quel pays ! Infirmes, difformités, ophtalmies, goitres, amputations, poux, mouches ! Dans les rues vous voyez des chevaux coupés en deux par des conducteurs insoucieux ou d'obscènes cadavres noirs sur les plaies desquels les mouches forment un rideau, entourés par une foule qu'attire une curiosité morbide. La poussière qui flotte dans l'air contient tous les miasmes, fièvres, virus, toxines. Au bord de ce Nil lent et pollué, on ne peut rien écrire, sinon par a-coups fébriles ; et l'on se sent lentement écrasé par le pas des éléphants... »

Pourtant, si l'ambiance de la ville est délétère, elle garde la luxuriance indicible d'un passé glorieux. Elle charrie les pestilences, mais aussi le scintillement des cultures qui s'interpellent comme des miroirs sous le soleil. « A Alexandrie, j'étais à la source d'où avait jailli toute notre civilisation, les racines de toutes les théologies, celles des mathématiques et de la physique avaient poussé ici. »

Au fil des années, Alexandrie s'impose donc dans l'esprit de l'auteur comme le lieu où devait se dérouler la fresque splendide qu'il portait en lui. Ce monde cosmopolite, plongé par la guerre dans les conspirations et les intrigues, avait quelque chose d'inquiétant et de fascinant, propice au roman. Dans cette société interlope aux parfums lascifs, les sortilèges et les mystères pouvaient s'exprimer de manière profuse, comme les reflets moirés d'une étoffe chatoyante.
Alexandrie, « grand pressoir de l'amour », « capitale de la mémoire », allait devenir sous la plume de l'écrivain la pierre de touche idéale des sentiments humains, le point focal de toutes les passions et la ligne de mire de leur étrange relativité. De là l'idée novatrice de faire raconter quatre fois la même intrigue, par des narrateurs différents. Quatre angles de vue magnifiant le spectacle !

La genèse du Quatuor prendra plusieurs années et c'est bien après avoir quitté l'Egypte, que dans les années cinquante, Durrell s'attellera vraiment à l'écriture de cette somme (le premier volet, Justine, sera publié en 1957). Il s'appela un temps le livre des morts...

Après la guerre en 1945 il retourne en Grèce, et séjourne deux ans à Rhodes (alors italienne), dont il tirera un ouvrage très émouvant, au commentaire duquel j'ai consacré un ancien billet (Venus et la Mer). De son propre aveu, il y passa les deux meilleures années de sa vie...
En 1947 il part pour l'Argentine après s'être marié avec Eve Cohen, rencontrée en Egypte, qui lui inspira le personnage de Justine. Une fille Sappho Jane, naîtra de cette union, en 1951.
L'Amérique du Sud ne sera pas sa tasse de thé si l'on peut dire, même si en débarquant à Rio, il ressent un vrai choc : « Rio est d'une blancheur aveuglante. Elle dresse comme dans un rêve une forêt de gratte-ciel sur l'arrière-plan d'une chaine de montagne prodigieuse surmontée par une immense croix barbare qui soutient un Christ à demi caché dans les nuages. Le tableau d'ensemble évoque un orgue gigantesque : les collines étant les tuyaux flûtés, et la ville, le clavier blanc."
Mais "l'Argentine est un vaste pays plat et mélancolique, d'aspect assez frappant, où l'air est vicié, les sierras imprécises, et où les hommes d'affaires boivent du Coca-Cola. On y mange du bœuf sans arrêt, et l'on s'y ennuie à hurler. C'est le climat le plus propice à la paresse que j'ai jamais connu.../... Ici on se noie dans un morne laisser-aller et un terrible ennui.../...C'est un pays absolument inouï, mais c'est aussi le cas du continent tout entier. Ce qui m'intéresse, c'est l'étrange légèreté de l'atmosphère spirituelle : on se sent léger, irresponsable, comme un ballon gonflé à l'hydrogène. On se rend compte aussi que le type européen d'homme « personnel », vivant, n'a pas sa place ici..."

L'Europe centrale vers laquelle il part en 1948 ne le séduit pas davantage. De la Yougoslavie dont il connut surtout Belgrade, sous la férule de Tito, il retient l'impression d'un monde figé, à moitié mort. D'où une aversion définitive pour le communisme, décrit en quelques mots : « une courte visite ici suffit a vous convaincre que le capitalisme vaut qu'on lutte pour lui. Si noir qu'il soit, avec tous ses stigmates sanglants,il est moins sinistre, aride et désespéré que cet Etat policier inerte et terrifiant.../... Le communisme est encore plus horrible que vous ne pourriez le soupçonner : corruption morale et spirituelle systématique et par tous les moyens. Perversion de la vérité au nom de l'efficacité et de la commodité. Mais vu de près le communisme vous ferait dresser les cheveux sur la tête. Et la coopération docile des intellectuels n'est pas moins horrible ! On les a payés pour se taire et ils se taisent !
Le moyen de lutter ? En tout cas, les Etats-Unis et l'Angleterre sont des havres de paix à côté de ce pays – ce sont les seuls espoirs pour l'avenir, s'il reste des espoirs... »

En 1952, nouveau retour vers la méditerranée. C'est à Chypre qu'il échoit. Il y débarque seul avec sa fille Sappho Jane. Eve, très dépressive, est restée en Angleterre.
Il exerce tout d'abord la profession d'enseignant, tout en commençant d'écrire son ouvrage sur Alexandrie. La vie lui paraît dure. S'occuper d'un bébé dans ces conditions n'est pas facile...
Peu à peu, il s'acclimate à ses nouvelles pénates, se fait des amis, lit beaucoup, et écrit même l'essentiel du premier volet du Quatuor, Justine. Au début Chypre était à ses yeux un microcosme « étrange et maléfique », qui « ne ressemble pas du tout aux ïles grecques... ». En définitive, elle restera pourtant dans ses souvenirs comme « la plus grecque des iles grecques, dont la langue contient les formes doriques les plus anciennes, et où, à Paphos, naquit Aphrodite... ». Il tirera de cette aventure mouvementée un livre, Citrons Acides.

Son séjour fut toutefois perturbé par la grande agitation politique qui régnait à l'époque. Après avoir été ottomane jusqu'en 1864, l'île était devenue une colonie anglaise qui se montrait de plus en plus rétive à cette vassalisation, hésitant entre l'indépendance et le rattachement à la Grèce. Autour de l'écrivain, les désordres tournent parfois à l'émeute et aux actes terroristes, même dans les écoles où il est professeur.
Durrell, quitte l'enseignement pour se faire engager au Foreign office. Mais ses opinions ne sont pas toujours à l'unisson de son pays, et il se voit contraint de demander la cessation de son contrat et de rentrer en Angleterre. A la même époque, sa relation tumultueuse avec Eve prend fin et il divorce en 1955.

C'est en 1957 qu'il découvre vraiment la France.
Des Français, il n'avait pas une haute idée lors de la montée des périls précédant la seconde guerre mondiale, notamment au moment de l'abandon de la Pologne : « ils sont au dessous de tout mépris, tant comme voisins que comme alliés : mesquins, cupides, serviles... »
Toute autre est l'impression quand il découvre la Provence et qu'il s'installe dans le Languedoc, mettant ainsi fin à sa vie de nomade, pour se consacrer à l'écriture : « en France, l'atmosphère morale est juste ce qu'il faut, même ici dans ces provinces reculées. Et les Français sont sages et spirituels et ne viennent pas nous ennuyer comme les Italiens, et les Grecs qui sont des sentimentaux comme des épagneuls... »
Il ne ménage pas ses efforts pour décrire à son vieil ami Henry Miller les charmes de son nouvel exil : « Une bouteille de Chateauneuf du Pape de 1952. Comme si on buvait de l'or en fusion, et juste après, la peau d'une femme, et ensuite un long moment aux chandelles. Aujourd'hui, le mistral hurle, les premières pluies d'hiver arrivent, avec d'énormes nuages noirs comme des raisins. Mais nous avons une bonne flambée dans le poêle, une brandade à l'ail sur le feu et une bouteille de Tavel... Ne tardez pas. C'est ici que la vie est bonne... »
Une fois établi à Sommières, dans une grande maison dont émane "une élégante laideur", il n'en bouge quasi plus, savourant durant près de trente-cinq ans la vie en Provence, dont il raconte l'histoire et l'atmosphère dans son dernier et magnifique ouvrage L'ombre Infinie de César : "Je suis si heureux dans cette délicieuse ville aux murailles romaines, avec sa rivière calme et ses vignes, et tous les personnages de Clochemerle pour interlocuteurs que je voudrais quitter la France pour rien au monde. Je vais d'ailleurs payer cette année mes impôts en France et prendre la qualité de « résident » - savez-vous que les impôts ici sont trois fois moins élevés qu'aux USA ou en Angleterre ?"

Durant ces années, il vit une nouvelle grande histoire d'amour avec Claude-Marie Vincendon, épousée en 1961. Le bonheur sera de courte durée. Il est terriblement atteint lorsque celle-ci meurt en 1967 d'un cancer. Autre terrible drame, le suicide de sa fille qu'il appelait affectueusement Sapphy, en 1985.
A plusieurs reprises il retourne à Corfou, l'île de sa jeunesse. Il trouve le réconfort auprès de Gyslaine de Boysson épousée en 1973 mais dont il se sépare en 1979 .
Françoise Kestsman est la compagne de ses dernières années et la traductrice de son dernier ouvrage.


Ainsi Lawrence Durrell a beaucoup voyagé et surtout enchanté par sa prose lumineuse, les nombreux pays qu'il visita.
Si le monde méditerranéen est évidemment la clé de voûte de toute sa littérature, la Grèce restera à tout jamais comme la source magique de son inspiration.
Cette Grèce paraît à des années lumières de celle qu'on connaît aujourd'hui et qui fait trop souvent les gros titres d'une triste actualité. Pourtant ce n'est pas un pays riche ou prospère qu'il dépeignit et qu'il portait au coeur. Au contraire, c'est la vie simple des insulaires qui le séduisit : « C'est en partie la pauvreté qui fait le bonheur des Grecs, leur sobriété et leur harmonie avec le monde... » écrivait-il dans son ouvrage consacré aux Iles Grecques, l'austérité même ne le rebutait pas : « Une vie de Grec c'est une vie de loup décharné, n'offrant aucune sécurité, aucun avantage matériel » (Citrons acides).
Il faut dire que Durrell avait un certain mépris pour « une époque qui apprécie la richesse matérielle plus que la beauté ». Il y avait quelque chose de dépouillé chez cet homme qui toujours, a fui les honneurs. Il y avait quelque chose d'indicible dans ce personnage souriant mais quelque peu énigmatique.
Dans un de ses derniers ouvrages, il évoqua malicieusement la philosophie bouddhiste, pour laquelle il avait des affinités : "Le mot Tao évoque pour moi différentes attitudes (toute vérité étant relative), un état de disponibilité totale et de total abandon, une conscience totale, exhaustive et sans réserve de cet instant ou la certitude pointe le nez, tel un poisson au bout de l'hameçon. C'est alors que l'esprit est en parfait accord avec la grande métaphore du monde - celle du TAO." (Le sourire du Tao)

En définitive ce qui pourrait vraiment caractériser cet écrivain unique, c'est ce fameux « esprit des lieux » qu'il sut si bien exprimer et faire chanter.
Notamment lorsqu'il évoquait bien sûr le monde chimérique d'Alexandrie, ou bien les trois paradis sur terre qui lui furent si chers: Corfou, Rhodes et la Crète.
Mais également en décrivant d'un mot, quelques petites pépites étincelantes: Poros, dans les îles saroniques : « c'est l'endroit le plus heureux que j'aie jamais connu », Ios, dans les Cyclades : « l'île la plus belle et la plus poétique de sa taille dans cette partie de la mer Egée », ou encore Santorin: « la réalité de l'île est tellement inouïe que la prose ou la poésie qui tentent de s'y mesurer, si brillantes soient-elles, resteront toujours en deçà... »

Pour finir, un dernier salut, avec un poème terminant son ultime livre, alliant une brûlante nostalgie à un délicieux hermétisme :

Explosion du soleil couchant
Dans la vieille forteresse de Bénarès,
Le sanglot solitaire d'un clairon sonne le rappel
Le naphte embrase les embarcations sur le fleuve
Corps dérivant vers le ciel
Le pouce objet de culte des gnomes inanimés
Avec leurs fracas immenses
D'eau d'herbe et de lumière
Avec la nuit durant les morts sur le qui-vive
L'absolue vérité ensevelie par le dépit amoureux
Les poussettes de la conscience vissées à fond.

Pour quelle raison la fille aux neuf matrices
Blâme-t-elle votre solitude passée ?
Aujourd'hui ils viennent me jauger pour un cercueil,
Ainsi la mort venant et la jeunesse retrouvée devient-on somnambule.

Finalement seul, le temps se dépouille :
La lune des vendanges préside bienveillante,
Opportune, et semble saisir nos cœurs en gage,
De nos incertitudes perdure la genèse
D'anciennes caresses tourmentent une carotide
Les caresses du silence.
Alors que jeune et riche de mes poèmes
Enlacé par une muse solaire
Aux capricieuses inclinations, je rusais avec l'amour,
Ou me baladais tel le dieu des grenouilles géantes
Troublantes exhortations de mon ego.

Petites amies satisfaites d'un soupir,
Ou par le Kodak croustillant né du cerveau du bourreau
Sans considération de plaisir ou de peine, 
Un dernier au revoir sans espoir,
Goodbye....
(L'ombre infinie de César.)

A noter la possibilité d'entendre ou de voir Lawrence Durrell, via les Archives de l'INA :
En 1982, dans l'émission radioscopie de Jacques Chancel
En 1985 chez Bernard Pivot (Apostrophes)

6 commentaires:

Anonyme a dit…

merci de ce savant , généreux et vibrant hommage à Laurence Durell, dont le monde méditéranéen, riche , foisonnant ,chaleureux ,subtil et coloré continue à faire le bonheur, l'admiration et les délices de tant d ' enthousiastes lecteurs

Electromotive a dit…

Au programme de l'agrégation de lettres 2016, l'"Ombre infinie du César" est déjà pointée par son contenu franchement antisémite.
Qu'en pensez-vous ?

Pierre-Henri Thoreux a dit…

Lawrence Durrell anti-sémite ? On aura vraiment tout vu !
Cela fait un petit bout de temps que je n'ai pas relu l'ombre infinie de César, mais je crois pouvoir affirmer que l'accusation relève du fantasme pur.
Dans son dernier ouvrage Durrell livre un portrait enchanteur de la Provence. Emaillé de quantité de réflexions érudites et de poésie, ce livre est un vrai trésor pour tout amateur d'histoire et de culture.
Tout au plus pourrait-on y trouver, quelques annotations révélant une certaine aversion pour les religions monothéistes, dont l'avènement signe pour lui la fin de la civilisation gréco-romaine. De ce point de vue, sans doute peut-on voir en Durrell un penseur néo-voltairien (il est vrai que le pauvre Arouet est également taxé d'anti-sémitisme par le nouveau conformisme intellectuel).
Lorsque Durrell, à l'appui de son propos cite Tacite qui voyait dans les Chrétiens "les ennemis du genre humain", quoi de choquant, surtout qu'il explique que ce dernier pensait à "leur rejet catégorique de ce qui aux yeux des Romains, représentait la vérité dans un sens quasi scientifique..."
Avec les religions révélées, Durrell se désole également de l'émergence de concepts nouveaux tels que "l'expiation", le "péché originel", la "culpabilité", le "repentir". Dans le même état d'esprit il marque sa réprobation vis à vis des mutilations religieuses au premier rangs desquelles figure évidemment la circoncision. Et alors ?
Rien d'étonnant ni de répréhensible enfin dans le fait qu'il célèbre le règne de Julien l'Apostat, qui prôna le retour au polythéisme, ou même qu'il cite Celse connu pour ses positions acerbes vis à vis du christianisme.
Tout cela n'est en somme que l'expression d'un amour immodéré pour cette civilisation antique à laquelle on doit tant...
merci en tout cas de m'avoir donné l'occasion de préciser cela.

Anonyme a dit…

On voit que l'eau a coulé depuis les ponts depuis votre dernière lecture de l'OIC. Ou que vous utilisez des lunettes d'un type particulier.
Une oeuvre assez pitoyable intellectuement au demeurant. Je n'ai pas lu ce qui précède.

Un agrégatif travaillant sur cette oeuvre au programme.

Pierre-Henri Thoreux a dit…

Merci de votre commentaire, mais il faudrait nous en dire un peu plus pour être convaincant... En relisant récemment cette oeuvre, j'ai pour ma part retrouvé intacte toute sa magie envoûtante et son style si attachant, et si original.

Unknown a dit…

Quelques citations, glanées dans l'édition au programme de l'agreg (édition Folio)
Pagination entre parenthèses

« En effet […] Les Sémites, docteurs en théologie […] tels des serpents, se faufilèrent sous le couvert des broussailles du Verbe [le buisson ardent ?] érigeant avec énergie une doctrine nouvelle et repoussante fondée sur la culpabilité et le repentir […] et enfin l’automutilation. » (118)

les Juifs dont parle Durrell, « assoiffés du pouvoir dont l’or est le symbole » (203)

la métaphore des « jolies femmes au crâne rasé », appliquée au paysage provençal, comme dans un vers obscur d’un poème de Durrell, « Nîmes sous les eaux », retranscrit dans cet essai : « Telle la mère d’Hitler, épinglée sur son poitrail. » (Durrell, p.181.)

« les juifs — fanatiques intrigants, assoiffés du pouvoir dont l’or était le symbole », avec leur « goût infaillible pour l’artifice partout où il était facteur de gain : le moulin à sous de l’esprit juif supplantant le moulin à prières des chrétiens » (203)

« puissance sémite » (120). Cette puissance « entraîne ainsi par sa violence la faillite de la pensée européenne », victime de la « lugubre faculté » du « principe luciférien du judaïsme »

Voilà pour la "magie envoûtante" m. Thoreux