21 juillet 2012

Fifty Years With Their Satanic Majesties


Il y a quelque chose d'assurément majestueux dans le parcours tonitruant des Rolling Stones. Ses ruptures, ses dévoiements, ses débordements insensés ne ternissent en rien la marque éblouissante qu'il a imprimée au sein de la constellation du Rock 'N Roll. 
 
Force est de reconnaître que ce qui ne devait durer qu'un instant, n'avoir pas plus d'importance dans la vie de la société que le mouvement zazou, ou bien je ne sais quelle mode éphémère, est devenu une véritable épopée. Une sorte d'effervescence versicolore devenue consubstantielle à l'univers dans lequel nous vivons, et ce depuis déjà un demi siècle !
Comme un cavalier fait corps avec sa monture, le monde contemporain chevauche une série d’événements qui l’entraînent irrésistiblement dans leur course tumultueuse et indécise. Et la musique rythme en quelque sorte cette cavalcade. Nés dans le grand capharnaüm de l'après guerre, le Blues, le Jazz, le Rock 'N Roll ont déboulé à toute allure dans le cours du monde dit moderne, voire post-moderne. Décadence diront certains, vertige poétique prétendront d'autres... 
Pour ma part j'aime à m'enivrer de ce continuum d'émotions, de rêveries et de vagabondages, que je vois éclore quelque part entre Novalis, Shelley, ou Hölderlin, passer par Poe, Baudelaire, Verlaine, ou Kerouac et se magnifier, entre autres, par l'apport des Stones. Oserais-je dire que j'éprouve parfois les mêmes frissons à l'écoute de ces derniers que de Bach, ou de Schuman ?
Allons, c'est évident, cet océan de sensations n'a pas de limite et n'a d'horizon que l'espoir et les chimères, les illusions et l'ivresse. De ce point de vue, les Stones n'ont pas peu contribué à abolir les frontières, au moins dans les esprits, tout en ébauchant les prémices d'un langage universel, indissociable de l'esprit de liberté.
Avec leurs riffs acides et leurs mélodies rustiques mais envoûtantes ils ont été l'un des moteurs d'une folle et improbable aventure, entraînant la dérisoire machine humaine jusqu'aux lisières de l'indicible. Lorsqu'une rengaine aussi simpliste que "I Can't Get No Satisfaction" fait le tour de la planète en ensorcelant invariablement et définitivement des nuées innombrables de jeunes gens, il faut se poser des questions. La rythmique au marteau pilon de cette antienne incontournable, assène en même temps que ses pulsations lascives, les effluves enfiévrés du bon vieux spleen romantique. Dans ces trépidations insatiables, il y a l'éternelle rébellion juvénile, l'impatience devant l'absurdité apparente et les mystères de l'existence...
Brian Jones (1942-1969) s'est noyé dans ce tourbillon qu'il avait voulu boire à pleins poumons. Le fou, l'intrépide aura frôlé les cimes de l'extase avant de s'abîmer dans le gouffre de la solitude . Les « Glimmer Twins », Mick Jagger et Keith Richards, en dépit de hauts et de bas, ont résisté à l'épreuve. Ils ont signé la quasi totalité des compositions qui paveront le chemin de Damas de ce groupe, des délires épicuriens d'enfants nés dans la partie prospère d'un siècle vertigineux, jusqu'à la sagesse et la résignation de vieux bonzes du blues...
S'il est un fait assuré dans cette alchimie parfois aléatoire, c'est que soutenue par les piliers bourdonnants du Rock, la musique étire en tous sens ses harmonies capiteuses et ses divagations incantatoires sur le fil ténu de ce Blues si bouleversant, si universel.
Dans une discographie foisonnante, j'ai tendance à retenir avant tout cette manière si originale d'interpréter ce questionnement récurrent sur le sens de la vie.
Ce sont bien sûr quelques perles tirées avec bonheur du répertoire classique (Love In Vain de Robert Johnson, Shake Your Hips de Slim Harpo, Prodigal Son du Rev. Wilkins, Confessin The Blues de Little Walter, You Gotta Move de F. McDowell...)
Il y a également les rocks vénéneux aux roulements lourds et entêtants dont les fameux déhanchements de Jagger décuplaient la force suggestive: Under my thumb, Rocks off, It's all Over Now, Brown Sugar, Let It Bleed, Jumping Jack Flash, Honky Tonk Woman, The Last Time, Happy, Tumbling Dice, Street Fighting Man, Dead Flowers, Can't You Hear Me Knocking, Mother Little Helper, Get Off Of My Cloud, Let Spend The Night Together...
Il y a les ballades langoureuses : As Tears Go By, Angie, Lady Jane, Ruby Tuesday...
Mais plus que nulle part ailleurs, le feeling stonien a trouvé sa plénitude expressive dans les digressions erratiques, d'où émane un spleen languide au parfum luxurieux : Wild Horses, Paint It Black, Sympathy For The Devil, Salt of the Earth, Gimme Shelter, Midnight Rambler, Sister Morphine, Heart Of Stone, No Expectations, I'm Going Home, Jigsaw Puzzle, Beast of Burden, You Can't Always Get What You Want, Let It Loose... 
Feel like a Rolling Stone !

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