03 novembre 2012

Les perroquets de la pensée unique

Lorsqu'un Libéral se trouve confronté au tribunal des Bien-Pensants, il n'a d'autre alternative que de ferrailler dos au mur, seul contre tous. C'est la mésaventure qui est arrivée à Charles Beigbeder le 27/10/12 dans le talk show animé par Laurent Ruquier sur France 2 : « On n'est pas couché ».
Le malheureux dut subir le feu roulant de la mitraille des deux chroniqueurs de service, Aymeric Caron et Natacha Polony, qui n'ont pas ménagé leurs efforts pour sortir à son encontre, tous les clichés, tous les lieux-communs habituellement véhiculés par les hordes anti-libérales. C'est dans ce genre d'exercice, qu'on mesure l'efficacité de la télévision pour propager les idées les plus superficielles, les jugements à l'emporte pièce, et les opinions les plus grégaires !
Pour la victime propitiatoire de cette corrida de salon, comment se faire entendre, sachant que l'animateur lui-même est partisan, ainsi que la quasi-totalité des invités, parmi lesquels on comptait ce jour là, le fils à Bedos et la fille à Mitterrand ! Sans compter le public, qui se croyait obligé de ponctuer d'applaudissements imbéciles chaque banderille plantée sur un dos décidément très large.
C'est qu'on n'hésita pas à coller au libéralisme que M. Beigbeder était venu défendre, tous les malheurs, et toutes les turpitudes du monde.
D'emblée, et selon la bonne vieille dialectique, M. Caron fit mine de s'étonner qu'on puisse se réclamer de Milton Friedman, de Reagan, et de Thatcher alors même que ce sont les recettes qu'ils préconisaient qui auraient amené la crise et notamment les malversations "des banques qui ont trafiqué, volé, menti..."

L'amalgame étant fait, il est très difficile de s'en extraire. Il faudrait pour cela avoir le temps de reprendre une à une les causes de la crise pour démontrer qu'elles ne sont pas là où certains voudraient qu'elles soient, et plus difficile encore, contredire posément l'adage qui veut que les banques soient par nature, malhonnêtes. Cela relève de la gageure dans le contexte...
M. Beigbeder ne s'en est pas trop mal sorti. Il esquissa une auto-critique en reconnaissant quelques défaillances, mais en déniant le droit de s'en servir pour condamner tout un système. Et il retourna la question en demandant à ses interlocuteurs s'ils en connaissaient un autre qui puisse garantir autant de réussite et prospérité que le capitalisme. Sans obtenir de réponse évidemment...

Mme Polony utilisa quant à elle l'argument éculé selon lequel le libéralisme des Lumières se serait fourvoyé dans une sorte de néolibéralisme pour ne pas dire d'ultralibéralisme, qui a abouti à « la dérégulation et à la négation des entrepreneurs ». Il faut croire qu'elle n'a lu ni Say, ni Bastiat, ni même Adam Smith ou Tocqueville, car elle saurait combien leurs théories sont plus actuelles que jamais !
Même méconnaissance de l'esprit de liberté lorsqu'elle affirma que l'éducation doit figurer au rang des missions régaliennes de l'Etat. Ce qui lui fit condamner la proposition de mettre en place des « chèques éducation » dans lesquels elle décrivit un système menant tout droit à « l'explosion de l'Education Nationale et à la fin de la communauté nationale à l'individualisme pur. » Rappelons qu'il s'agit d'aides de l'Etat, permettant aux parents de mettre leurs enfants dans l'école de leur choix, en vigueur aux USA sous le nom de vouchers. Il est aisé de se rendre compte, à condition de n'être pas trop aveuglé par les a priori, qu'en Amérique, la communauté nationale et l'ascenseur social fonctionnent nettement moins mal qu'en France...

Ce furent ensuite les couplets classiques sur la prétendue injustice sociale des idées libérales. S'insurgeant qu'on puisse remettre en cause le système des logements sociaux, pourtant perverti par les abus, M. Caron préconisa la vieille et illusoire recette du blocage général du prix de l'immobilier. Sans se demander si cela donnerait plus de toits à ceux qui en cherchent désespérément...
Puis il répandit de belles larmes de crocodile au sujet des 3 millions de chômeurs en demandant à l'invité si selon lui, il s'agissait « d'assistés », et si l'on pouvait comme lui, dire qu'ils étaient « dorlotés » par le système actuel de protection sociale ?
M. Beigbeder n'eut pas la présence d'esprit de lui rétorquer qu'on pourrait surtout s'interroger sur l'efficacité d'un modèle social, généreux en prestations (au prix d'un endettement insensé), mais incapable d'enrayer le mal à sa source.
Il évoqua le modèle danois qui plafonne à 2000 euros les indemnités chômage, sans emporter la conviction de ses interlocuteurs. Peut-être font-ils partie de ceux qui seraient pénalisés...

Lorsque Charles Beigbeder défendit la réconciliation du monde des entreprises et des citoyens, ou lorsqu'il justifia par la prise de risque, la fronde des entrepreneurs vis à vis des projets de supertaxation des plus-values de cessions, il se vit opposer le cas du PDG de PSA qui « continue à percevoir des royalties, alors que l'entreprise va mal, tandis que l'ouvrier qui fait son travail se trouve licencié parce que le groupe l'a décidé et ce, même s'il fait des bénéfices. » Argumentation typiquement mélenchonesque qui mélange avec délectation des choses qui n'ont rien à voir entre elles, mais dont le fondement reste la lutte des classes, et la haine primaire du « nanti ».
On retrouva enfin la sale manie consistant à jeter par principe l'opprobre sur tout ce qui est profitable, dans les torves insinuations que fit M. Caron à propos de la gestion de terres agricoles en Argentine et en Ukraine, dans laquelle s'est lancé Charles Beigbeder. Il n'y alla pas avec le dos de la cuiller, accusant ce dernier de spéculer sans scrupule, même sur les denrées alimentaires. Et pour appuyer son propos, de citer « des ONG », selon lesquelles cette pratique serait responsable de la flambée des prix et même de disettes... Encore une fois, montrer l'inanité de propos aussi caricaturaux est quasi impossible, sous les tirs croisés incessants en provenance d'interlocuteurs aussi bornés que partisans, et dans le peu de temps laissé pour la réponse. Ce qui devait être un entretien, tourna au procès en sorcellerie.

Un des plus jolis moments fut toutefois l'évocation de l'élection présidentielle américaine, notamment lorsque Beigbeder osa révéler qu'il souhaitait la victoire de Mitt Romney. Il fallait voir les yeux s’écarquiller et la stupéfaction goguenarde de l'ensemble du plateau devant tant d'impertinence ! Un tel spectacle sans nuance devrait effrayer toute personne un tant soit peu éprise de démocratie, mais il n'avait en définitive rien d'étonnant, dans un pays aussi éloigné des réalités que la France, où selon un sondage, à peine 5% des gens voteraient pour le candidat républicain... 
Faut-il en rire, faut-il en pleurer ?

Aucun commentaire: