29 juillet 2013

So Long Okie

C'est désormais aux souvenirs hélas qu'appartiennent les riffs pulpeux, si délicatement ciselés que JJ Cale (1938-2013) laissait s'échapper avec un feeling inimitable, de sa guitare savamment bricolée. 
Son superbe album Troubadour disait bien ce qu'il fut: Un poète et musicien, flâneur impénitent, sans attaches ni but évidents, et pourtant lié par toutes ses fibres à un fil conducteur buissonnier, aussi lunatique et libre que très personnel et insensible aux modes. Un Dharma Bum comme dirait Kerouac... Un Okie errant sur les routes de bitume et de poussière, menant à un eldorado sans cesse repoussé. Tu es poussière, tout est poussière...

Etait-il dans son époque ou bien dehors, la question semble vaine, tant il donnait l'impression d'être intemporel. Son art en apparence assez monocorde voire un tantinet pépère, était tout en finesse et en nuances (le fameux laid back...)

Jamais un mot plus haut que l'autre, mais des mélodies à la rémanence délicieuse, comme la trace persistante d'un arôme précieux, et une rythmique veloutée, glissant avec une évidence jubilatoire. 
Parmi les petits chefs d'oeuvres qu'il laisse, on évoque souvent son sulfureux Cocaïne, popularisé par Eric Clapton. Pour ma part je pense avant tout au sublime album intitulé tout simplement Naturally, et aux délicates perles qu'il contient : Magnolia, qui fut par la suite, littéralement transcendé par le trop méconnu Poco, ou bien Call The Doctor à la grâce émouvante, Crazy Mama, et le fameux After Midnight...

On peut également porter au pinacle de sa production, outre le célèbre Troubadour, ses albums « 5 », particulièrement swinguant (I'll make love to you anytime), Shades, au charme bluesy ensorcelant, et « Grasshopper », plus erratique mais si représentatif de ce beatnik discret, et authentique...

22 juillet 2013

Cognac Blues Passion

Cette année pour les fondus de blues, l'été a commencé à Cognac. En même temps que se déroulait la vingtième édition de ce sympathique festival, arrivaient les premières chaleurs de l'année. Et cette charmante ville qui incarne si bien l'esprit de la précieuse liqueur qui porte son nom, semblait s'enivrer des étranges vapeurs musicales s'exhalant un peu partout de ses rues, de ses jardins, de ses châteaux.

Sous les voûtes augustes du palais Valois, devenu Otard par la grâce d'un distillateur inspiré, sous ces vénérables pierres savamment ouvragées qui virent naître François 1er, quelques bienheureux purent savourer le contraste offert par ces salles chargées d'histoire et le chant âpre, les guitares stridulantes de bluesmen à la peau couleur de nuit. Par exemple, Lucky Peterson roulant des yeux facétieux, et souriant à pleines dents en revisitant, tantôt sur le mode joyeux, tantôt sur le mode pénétré, le répertoire de ses aïeux. Everyday I have The Blues dit la chanson...
Avec sa charmante épouse Tamara, ils donnèrent une tendre et délicate interprétation du sublime standard immortalisé par Billie Holiday : Don't explain.
Il n'y a rien à expliquer. C'est précisément ça le blues !

Dans le même endroit, et dans une ambiance délicieusement intimiste, les chanceux d'un autre jour eurent droit au « Jimmy and Jimmy show », Burns et Johnson en l'occurrence (video).
Ces deux là font la paire si l'on peut dire. Tout en se renvoyant malicieusement la balle au chant, ils se délestèrent en toute décontraction de quelques savoureux riffs à la guitare électrique. Au dessus de leur tête trônait un bas-relief représentant le fameux blason à la salamandre. L'animal mythique semblait parfaitement à l'aise dans les braises incandescentes de cet étonnant juke joint improvisé.


Pendant ce temps, de curieuses pensées me venaient à l'esprit : j'imaginais les cueilleurs de coton et leur faisant écho, les travailleurs de la vigne. Ou encore la mélopée térébrante des esclaves du Mississippi entrant en résonance avec les clameurs des haleurs de gabarres sur la Charente...


Retourné à l'air libre, on était saisi par de suaves sonorités pulsatives qui se répandaient sur le parc de la Mairie. Le guitariste Fred Chapellier était à l'oeuvre, accompagné par une petite formation tonique, basse, batterie, clavier (video). Ils exprimaient à leur manière et en toute simplicité, mais non sans ampleur et panache, le message intemporel du Blues. Avec des bends à faire se retourner dans sa tombe l'infortuné Pat Buchanan, celui qui mérite de rejoindre les meilleurs guitaristes outre-atlantique, répondait avec brio et élégance à son alter ego Tom Principato, solide et classieux spécialiste de la telecaster, originaire de Washington D.C..
Mélange des plus jubilatoires, dans cette douce chaleur estivale si désirée...

06 juillet 2013

Herbe à rêves


Dans cette herbe il y a le monde.
Dans cet instant, l'éternité.
Et dans ce champ qui boit l'été, 
La vie prend la forme d'une onde. 

Partout cette Terre féconde 
S'imprègne d'une étrangeté, 
Mêlant l'être et l'avoir été 
Au sein d'une énigme profonde. 

Le temps nous berce d'illusions 
Et les sens et les dimensions 
Semblent fuir pendant qu'il progresse. 

En somme, ce doux univers 
Émanant de ces quelque vers 
Ne serait qu'une pure ivresse...

03 juillet 2013

Quand empathie rime avec apathie

Le désastre humain déchirant la Syrie, depuis des mois qu'il s'inscrit dans l'actualité, a pris l'allure d'une misère presque banale. Les journalistes ont tellement pris l'habitude d'en relater les horreurs, qu'ils le font désormais avec un assez froid détachement. Pourtant, c'est un bain de sang qui coule sous notre indifférence à peine génée. 
On parle désormais de plus de cent mille morts depuis le début de la révolution. Le tyran est toujours en place et les factions sont plus que jamais enivrées de violence et montées les unes contre les autres. Les témoignages affluent pour décrire l'horreur des combats. On sait maintenant avec certitude que des armes chimiques sont utilisées. Les victimes civiles sont légions et chaque jour qui passe donne à penser que les suivants seront pires. Mais, hormis quelques pieuses lamentations, et quelques tièdes condamnations, rien ne se passe. 
La Communauté Internationale est comme anesthésiée par les émanations écoeurantes de ce carnage quotidien. Les bonnes âmes qui étaient si bouleversées par l'intervention militaire de 2003 en Irak, qu'ils n'hésitaient pas à qualifier de sauvage agression, basée sur "l'odieux mensonge des armes de destruction massive", sont bouche bée face aux massacres qui ensanglantent depuis de longs mois la Syrie. Rien. Aucune esquisse de proposition. Certains, non sans hypocrisie, tentent de faire porter le chapeau au président Poutine qui semble le dernier à soutenir Assad et ferait selon eux, obstruction à toute action destinée à le chasser du pouvoir. Mais il paraît assez évident qu'il faut plutôt incriminer en la circonstance, une indécision générale. Laquelle est d'autant plus préocuppante que le contexte de cette région du monde est plus instable que jamais. 
En Iran, le récent simulacre d'élection présidentielle n'a rien pour rassurer, contrairement aux commentaires lénifiants qui ont entouré l'évènement. Ce pays reste hélas soumis à un obscurantisme désespérant. Non loin de là, Lybie, Tunisie, Algérie, Liban, sont autant de chaudrons brûlants... Les tous derniers évènements qui secouent l'Egypte donnent à penser que c'est l'ensemble du Proche-Orient qui peut à tout moment s'embraser. L'inconséquente stratégie des autruches est pour l'heure l'attitude adoptée par les Nations Unies face à ces périls. C'est certes plus commode que d'avoir à les affronter directement. 
On s'est longtemps accomodé du communisme qui faisait impunément ses ravages à nos portes ( on s'en accommode encore en Corée). A l'image de l'auto-destruction apparente de ce fléau, peut-être les grands de ce monde se répètent-ils le bon vieil adage qui veut qu'il n'y ait pas de problème que l'absence de solution ne finisse par résoudre... 
Ou bien, peut-être sont-ils terrifiés à l'idée d'être comparés à George W. Bush, le dernier qui osa accompagner ses idées d'actes !
Même s'il est toujours aussi incompris, il reste permis d'espérer que ses efforts pour faire germer la liberté n'ont pas été vains; et de souhaiter logiquement qu'on parvienne à trouver les moyens d'accompagner les jeunes pousses qui ici ou là luttent pour se faire une place au jour...