18 août 2013

Rendez-vous en terre inconnue


Vu récemment une rediffusion de cette gentille émission, animée sur France 2 par Frédéric Lopez, qui met en scène de gentilles stars du show biz, dans des contrées lointaines, de préférence très décalées par rapport aux standards de la société de confort matériel que nous connaissons.
Cette fois c’était au tour du rugbyman Frédéric Michalak d’être confronté à de sympathiques représentants des peuplades de Lolos noirs, vivant dans la région montagneuse de Cao-Bang située à l’extrême Nord Est du Vietnam.

Délicieux spectacle de ces agriculteurs d’une autre époque, à la simplicité rustique mais à l’allure très soignée et polie. Charme dépaysant de leurs silhouettes bucoliques ornées de leurs chapeaux pointus. De leur tenue légère, toute noire pour les hommes, égayée de broderies délicatement colorées pour les femmes, au port élégant et distingué. Même les pieds dans la boue et même en plantant le riz à mains nues, ou par le biais d’outils rudimentaires, ces gens gardent un sourire éclatant, juste un peu terni pour les plus âgés, par le bétel qu’ils mâchent pour se donner du cœur à l’ouvrage. Magnifiques paysages de rizières en terrasses, avides des chaudes pluies tropicales. Cieux plombés et végétation luxuriante où les verts tantôt tendres, tantôt profonds se conjuguent avec volupté…
Qu’ils paraissaient patauds nos deux compères urbains, contraints de jouer pour un moment le jeu si touchant et écologique du retour à la nature !

Tout cela serait idyllique si l’on ne se souvenait pas de la tragédie vécue par ce pays, il y a quelques décennies, et dont il n’est, pas encore vraiment libéré, en dépit d’apparences un tantinet trompeuses.
Rien n’aurait d’ailleurs rappelé ces évènements à la mémoire des téléspectateurs, sauf le récit « spontané et impromptu » d’un vieil homme surgi de nulle part.
 
Hélas, à cette occasion, on eut droit à l'inévitable couplet présentant de manière partisane le terrible conflit qui opposa le Vietnam aux Etats-Unis dans les années soixante. On put « apprendre » ainsi de la bouche de ce vétéran Viêt-Cong, que la guerre aurait saisi ce paisible peuple champêtre, du jour au lendemain. Que de méchants Américains, venus d’on ne sait où, et on ne sait pourquoi, bombardèrent férocement ces campagnes innocentes, en ciblant de préférence les populations civiles, et qu'ils firent ainsi à coup de napalm et d'agent Orange, plus de 3 millions de morts, sans raison apparente... Entre autres détails accablants, on nous révéla même que ces odieux agresseurs, lorsqu’ils faisaient des prisonniers, avaient pour habitude de leur couper les tendons situés derrière les genoux, pour les empêcher de nuire à nouveau !

Les deux Frédéric, semblant saisis par ce récit édifiant, en étaient comme deux ronds de flancs, se contentant d’acquiescer vaguement. Pas un mot, pas une remarque de leur part.

Il faut croire qu’ils ignoraient l’agression permanente à laquelle se livrèrent des années durant les gens du Nord contre ceux du Sud, dans les années cinquante, juste avant l’intervention américaine. Sans doute n’avaient-ils aucune idée de la détermination fanatique des partisans d'Ho-Chi-Minh, d'installer par la force sur l'ensemble de la péninsule, une dictature communiste. Probablement n’avaient-ils jamais entendu parler de la manière délibérée qu'ils avaient de mêler leurs combattants aux populations civiles pour pousser leurs ennemis à la faute et donner aux yeux d'une opinion publique occidentale très crédule, l'illusion que leur cause était la victime de l'impérialisme yankee.

Avaient-ils seulement à l’esprit l'instauration en définitive par la terreur, et en totale violation des accords de paix de Paris, du socialisme communiste encore en vigueur aujourd’hui, malgré des concessions croissantes au capitalisme si honni ? Avaient-ils connaissance que plusieurs dizaines de milliers de Sud-Vietnamiens furent exécutés sommairement après la chute de Saïgon en 1975, que plus d’un million furent déportés dans d’infâmes camps de concentration, que 4 millions furent contraints à l’exil, dont au moins 250.000 boat people périrent dans des circonstances atroces, alors que les Américains s'étaient retirés depuis longtemps du pays... Avaient-ils enfin quelque notion de l'épisode de la colonisation française, qui explique pourtant en partie la tragédie indochinoise… Le fait est que la terre, mais aussi l’histoire gagneraient parfois à être mieux connues…

4 commentaires:

claude a dit…

oui mais il faudrait savoir lire: Lucien Bodard sur l’Indochine française ,'l'occupation japonaise , la guerre des sectes
( incroyable gros Lulu plus chinois que l'empire celeste, )
et ,pour la lumière venue du communisme voir le manifeste du camp N° de jean POUGET- les méthodes de reeducation sont enthousiasmantes et toujours extrêmement modernes

Pierre-Henri Thoreux a dit…

Eh oui Claude, l'information est à portée de main. Peu de gens hélas ont le courage de la chercher et de faire usage de leur esprit critique. La TV s'honorerait à essayer de développer ces facultés chez les téléspectateurs, au lieu d'entretenir les illusions en diffusant de gentilles mais trompeuses bluettes...

Aerelon a dit…

Et c'est sans compter ce qu'est le Viet Nam aujourd'hui:
Il se cache derrière ses décors de rêve, l’une des pires dictatures de la planète car il est soumis à un double carcan politique et moral, et est à ce jour -toujours- un état totalitaire bien pire que la Chine communiste.

Cette dictature prône un culte de la personnalité à Ho Chi Minh (celui qui éclaire). Le peuple est soumis à une importante propagande digne de l’URSS. Des hauts parleurs (même s'ils sont plus rares) continuent à distiller de la propagande (aussi bien des messages politiques que de société ou de bienséance). Les opposants politiques peuvent être incupés de « propagande contre l’Etat socialiste » et jetés en prison lors de simulacres de procès.

L’administration est désagréable. Le Visa vietnamien est l’un des plus cher d’Asie (70 € pour un visa simple / 100 € pour un visa double entrée, contre 20 € pour le Cambodge). Le personnel peu accueillant et particulièrement corrompu.

Il n'y a aucune liberté de la presse et d’information. Les réseaux sociaux sont systématiquement censurés. Internet est filtré, et de nombreux blogueurs sont en prison. La loi sur la presse étrangère impose à tous les journalistes étrangers d’établir la liste des personnes qu’ils souhaitent rencontrer.

Le Vietnam est encore une société très traditionnelle, voir réactionnaire sur le plan des mœurs. Le certificat de mariage est obligatoire ... pour louer un appartement. Cette société idyllique est inégalitaire: l’école vietnamienne n’est non seulement pas obligatoire, mais payante. Quant à l’université, elle n’est accessible qu’aux classes sociales les plus aisées. Les soins sont, eux aussi, payants.

Politiquement, le Vietnam communiste, a occupé le Cambodge entre 1979 et 1989. Son influence au Laos est clair. Sur certains blogs il est allégué que l’armée vietnamienne aide l'armée laotienne fantoche à martyriser la minorité Hmong.

Avant de se sentir saisis par ce récit bisounoursifiant, les deux Frédéric feraient mieux d'avoir un peu plus de culture gé sur l'histoire de ce merveilleux pays.

Au plaisir de vous lire :o)

Pierre-Henri Thoreux a dit…

Merci pour ce commentaire éclairant Aerelon. Figurez vous qu'au moment où je terminais ce billet, j'apprenais qu'un décret qui vient d'être promulgué par le premier ministre vietnamien, exonère de frais de scolarité les étudiants s'inscrivant dans la filière "enseignant" le marxisme léninisme et la pensée lumineuse de Ho Chi Minh ! Belle conception de la liberté et de l'esprit critique....