20 novembre 2013

L'Europe en berne

En écoutant Michel Barnier interrogé le 19/11/2013 sur France Culture, pour peu qu’on ait encore quelques illusions, on ne pouvait qu’être  une fois de plus navré de constater la pusillanimité, la versatilité et pour tout dire, l’absence de réelle conviction de la plupart des politiciens ambitionnant de gouverner le peuple.

M. Barnier dont le port altier, l’élégance et le sang froid évoquent le gestionnaire avisé, a dans l’opinion publique l’image d’une personnalité plutôt libérale et européiste. il a fait toute sa carrière dans la droite néo-libérale française, et on connaît ses nombreuses responsabilités depuis des lustres, au sein du gouvernement français et de la Commission Européenne, dont il est à ce jour Commissaire aux marché intérieur et aux services. On apprend d’ailleurs qu’il brigue rien moins que la fonction de Président de ladite commission, au printemps 2014…

Pourtant, son discours, ciblé sur la politique européenne avait vraiment de quoi faire frémir.
Premier sujet d’étonnement, jamais cet homme qui fut au cours de sa longue carrière, tour à tour député, commissaire, et même ministre des affaires européennes, n’évoqua une quelconque responsabilité dans l’excès de bureaucratie, qu’il déplore comme tant de gens. Au contraire, il plaida pour régulation renforcée, en prenant l’exemple du secteur des banques.
A ce sujet, il en profita pour propager l’erreur si communément admise par les politiciens, consistant à mettre sur le dos de ces dernières, tout le poids de la crise actuelle. C’est évidemment commode pour s’exonérer de ses propres responsabilités.

M. Barnier reprit donc l’antienne éculée qui fait de la crise des subprime la cause de la panade européenne, et qui raconte “qu’à force de mal se comporter, à force de bonus insensés et de mauvaise gestion”, les banques se sont retrouvées en situation de quasi faillite, contraignant les contribuables à les renflouer.
Si seulement c’était vrai, on serait heureux en la circonstance d’être contribuable, puisque comme chacun sait, les banques ont remboursé leurs dettes, intérêts compris, en à peine plus d’une année ! Si seulement c’était vrai, car on se demande bien comment l’Etat, lui-même endetté jusqu’au cou aurait pu leur prêter l’argent qu’il n’avait pas… Ce qui est certain c’est que malgré cette bonne opération, ce dernier se retrouve toujours plus endetté !

Et de cela M. Barnier ne parle guère…

Au passage, il oublie d’ailleurs que si certaines banques ont été mises en difficulté, c’est souvent par la faute de l’Etat qui les a encouragées à prêter tous azimuts, même dans des conditions très risquées (notamment lors de l’affaire des subprime aux Etats-Unis). Il oublie également que les plus grosses faillites furent encore celles des banques étatisées, comme l’ardoise laissée à la charge du contribuable par le Crédit Lyonnais en atteste, plus de 20 ans après (encore un petit effort de 4,5 milliards d’euros…)
Mais tout cela importe apparemment peu à M. Barnier dont le principal souci est de réguler davantage, non l’Etat, mais le secteur bancaire, de “remettre de l’ordre dans la Finance Mondiale”, et de “la remettre au service de l’économie réelle plutôt qu’à son propre service...”

Au chapitre suivant il critiqua sans vergogne le libre-échange en allant jusqu’à prétendre qu’on a, non pas ouvert, mais “offert” l’Europe à la sauvagerie mondialisée, réclamant par corollaire implicite, un peu de protectionnisme. Extraordinaire ! Il occulte ce faisant, et bien qu’il fut aussi ministre de l’agriculture et de la pêche, toutes les mesures prises par l’Europe, en matière agricole notamment. Il ignore aussi apparemment les nombreux effets pervers que cette politique ne manqua pas de provoquer...
 
Bref, tout cela est grave.
D’abord parce qu’il s’agit de contre-vérités flagrantes. Pire, parce qu’en contribuant à discréditer un système dont il se dit par ailleurs le promoteur, il brise les repères et il conduit à l’incompréhension et à l’exaspération grandissante de la population.
Marc Voinchet assez finement fit remarquer qu’il se murmurait dans les couloirs des instances européennes que M. Barnier, était “plus à gauche que beaucoup de socialistes.” Et que croyez-vous que le cher homme répondit ? Tout simplement que “beaucoup de socialistes sont plus libéraux que lui”. Terrible aveu qui sonne comme le glas de belles espérances, et d'une "certaine idée" de l'Europe...

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