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31 janvier 2008

Le secret de Jefferson


Thomas Jefferson (1743-1826) fut l'un des plus éminents hommes d'état américains. Il fait partie des illustres Pères Fondateurs de la République Américaine. Et fut notamment le principal artisan de la déclaration d'indépendance, dont la proclamation le 4 juillet 1776 est commémorée chaque année aux Etats-Unis comme fête nationale.
Son génie fut à multiples facettes. Cet homme, avide de connaissances, avait à force de patience, constitué une des plus vastes bibliothèques de son pays, qu'il légua au Congrès à la fin de sa vie. En plus d'être un gentilhomme cultivé, il était doté d'une ingéniosité rare. A l'instar de son contemporain Benjamin Franklin, il inventa quantité de machines et dispositifs variés notamment dans le domaine agraire. Il était également architecte et dessina dans un style néoclassique un brin inspiré de Palladio, entre autres, le capitole de Richmond en Virginie, la rotonde de l'université dont il fut le fondateur, et naturellement sa maison de Monticello.
Ami de la France où il séjourna comme ambassadeur de 1784 à 1789, il jugea sévèrement la corruption et les excès de cour du régime monarchique finissant. S'il avait une sympathie pour les idées nouvelles, il fut toutefois dégoûté par les débordements de 1789 dont il fut le spectateur attentif.
Jefferson était plutôt modeste. Lui qui présida les Etats-Unis durant 8 ans ne voulut pas que cela fut mentionné sur sa tombe. Pour la postérité, il n'était fier que de 3 actions : la déclaration d'indépendance, la fondation de l'Université de l'état de Virginie, et la loi sur les libertés religieuses de la même Virginie.
Cet amoureux inconditionnel de la liberté, était animé d'une pensée résolument décentralisatrice, marquée par une défiance naturelle pour tout gouvernement. Considérant qu'il s'agissait d'un mal nécessaire, il souhaitait que l'étendue des pouvoirs de ce dernier soit la plus limitée possible. En ce sens il s'opposait au fédéraliste Hamilton qui prônait au contraire un état central fort.
Sa vision pragmatique le conduisit à faire des choix heureux. Il parvint ainsi à obtenir le plus paisiblement possible de Napoléon 1er, qu'il lui cède pour un prix d'ami la Louisiane, ce qui doubla d'un coup la superficie des Etats-Unis ! Il fut l'initiateur de la Conquête de l'Ouest qu'il préfigura en commandant la fameuse expédition Lewis et Clark, laquelle explora les terres inconnues, jusqu'aux rives du Pacifique. Enfin, bien qu'il fut partisan d'une grande liberté d'expression en matière de croyance religieuse, il était quant à lui agnostique et oeuvra infatigablement pour la séparation de l'église et de l'Etat.
Pourtant Jefferson, cet homme vénérable, d'une probité exemplaire emporta avec lui un terrible secret. Lui qui perdit à l'âge de 39 ans, son épouse très aimée Martha, peu après la naissance de leur 6è enfant, et qui jura alors de ne jamais se remarier, fait l'objet d'une étrange rumeur, jamais confirmée, jamais infirmée.
Propagée initialement par un journaliste résolument hostile à ses idées, James Callender, elle l'accusait d'entretenir des relations charnelles avec une esclave qui était à son service, Sally Hemings (1773-1835).
On ne sait pas grand chose de cette femme, si ce n'est qu'elle fut la mère de 6 ou peut-être même de 7 enfants. Elle vécut à Monticello jusqu'à la mort du président et certains prétendaient que sa progéniture avait quelque ressemblance physique avec le grand homme. Deux de ses fils, Eston et Madison affirmèrent même que leur père était Thomas Jefferson. A l'inverse, la première fille du président, Martha Jefferson Randolph soutenait le contraire, attribuant l'air de famille à l'implication du frère cadet Randolph, ou bien des neveux de Jefferson, Peter et Samuel Carr...
Il n'est pas inutile de mentionner que Jefferson qui n'était selon toute probabilité pas raciste au sens où on l'entend communément (il abolit la traite des noirs) avait une réticence avouée pour le métissage : « The amalgamation of whites with blacks produces a degradation to which no lover of his country, no lover of excellence in the human character, can innocently consent »
La controverse sembla pouvoir être tranchée en 1998, lorsque des analyses ADN furent effectuées par le Dr Eugene Foster sur les descendants des amants supposés. Elles ne levèrent toutefois pas définitivement pas le doute. S'il existe indéniablement des points communs génétiques entre les familles Hemings et Jefferson, la responsabilité de Thomas ne peut pas être affirmée avec plus de force que celle de son neveu Peter ou celle de son frère, tous deux ayant fréquenté Monticello régulièrement...
Les avis restent à ce jour partagés. Certains ont fait leur choix. Ainsi James Ivory dans son film Jefferson à Paris évoque sans ambiguïté les amours de Thomas Jefferson et de Sally Hemings.
Pour d'autres, l'incertitude persiste. Même si la liaison est plausible, voire probable, il est possible de rester dubitatif à l'instar des membres de la
Thomas Jefferson Heritage Society. S'il est en effet envisageable que Jefferson ait pu avoir à un moment ou un autre des relations avec Sally, on imagine tout de même mal qu'il les ait poursuivies avec une assiduité telle qu'elles mènent à la conception de 6 enfants (dont le dernier Eston, naquit alors qu'il avait atteint 65 ans) ! Comme on comprend mal que jamais il n'y ait fait la moindre allusion, même à titre posthume. D'autant qu'il connaissait les insinuations qu'on faisait à ce sujet. Si la rumeur était fondée, on peut penser qu'il eut ressenti tôt ou tard le besoin de l'avouer. Si elle était fausse en revanche, il pouvait lui paraître vain de tenter de s'en défendre, vu qu'il lui était impossible de fournir quelque preuve tangible...
Entendons-nous bien, le plus troublant en la circonstance, n'est pas que Jefferson ait pu entretenir une relation amoureuse avec Sally Hemings. Etant veuf, il n'était lié par aucune obligation après tout et pour un homme aussi libre et ouvert d'esprit, la condition de Sally ne pouvait représenter un obstacle insurmontable. Le plus troublant, si l'histoire est vraie, est qu'il éprouvât le besoin de la tenir cachée, et ne reconnût aucun des enfants (mais il les émancipa tous).

Eu égard aux très grandes qualités humaines de cet homme, et parce qu'imaginer un tel mensonge par omission paraît déplacé, je suis tenté pour ma part de lui accorder le bénéfice du doute...

07 juillet 2006

Hommage à Thomas Jefferson


Quelques jours après l'anniversaire de l'Independence Day, qu'il soit permis d'honorer ici la mémoire de Thomas Jefferson (1743-1826), un des plus grands hommes d'état que l'Humanité ait engendré depuis l'antiquité.
Principal artisan de la Déclaration d'Indépendance, il fut le troisième président des Etats-Unis (1801-1809). Il conduisit la destinée de ce pays au moment où la France vivait une éphémère gloriole sous le règne de Napoléon Ier.
Comme chacun sait il acheta à ce dernier la Louisiane en 1802. A cette occasion, il donna une merveilleuse leçon de pragmatisme. Jefferson était en effet confronté à un dilemme car l'affaire devait être rapidement conclue sous peine de voir Napoléon revenir sur sa décision. Or l’achat d’un territoire par le pouvoir fédéral n’était pas prévu dans la Constitution. Plutôt que de tergiverser ou d'engager une procédure longue et complexe visant à modifier ce texte essentiel, il trancha : «le bon sens dont fait preuve notre pays corrigera les effets néfastes d’un texte imprécis chaque fois que cette imprécision risque d’être pernicieuse». Bien lui en pris car la superficie de son pays, grâce à cette acquisition passa du simple au double !
Grâce à ce sage principe, la Constitution américaine a conservé sa pureté originelle. Seuls quelques amendements sont venus la compléter au fil des ans.
Le poète Walt Whitman pouvait avec justesse célébrer ce texte fondamental comme une des plus belles créations de l'esprit humain, destinée à durer des milliers d'années...
Aux Etats-Unis, la République est donc inchangée depuis plus de 200 ans (pendant la même période la France en connut cinq, plus trois monarchies royales, deux empires et plusieurs révolutions...)
Jefferson était l'ami de notre pays : « Tout homme a deux patries, la sienne et la France ». Mais s'il admirait la richesse intellectuelle du « Siècle des Lumières », il condamna vigoureusement les excès de la terreur révolutionnaire qu'il vit de près alors qu'il était ambassadeur à Paris. Il n'eut que mépris pour les brutes avinées de 1789 qui noyèrent la Liberté dans le sang des innocents, des poètes et des savants.
Thomas Jefferson était lui même, comme Benjamin Franklin, un éminent savant. On lui doit plusieurs inventions notamment dans le domaine agricole. Il fut en outre un brillant architecte. Sa maison de Monticello témoigne de son style gracile rappelant Palladio.
En politique, son action fut inspirée par sa foi inébranlable dans la démocratie décentralisée. Dans son discours d'investiture, il se fit le défenseur « d'un gouvernement sage et économe» qui maintiendrait l’ordre parmi les habitants mais les «laisserait, par ailleurs, libres de régler la poursuite de leurs activités et l’amélioration de leur condition». Il tint promesse.
Si seulement cette profession de foi pouvait guider les trop nombreux politiciens qui croient savoir mieux que leurs concitoyens ce qui est bon pour eux, et qui sont convaincus que la prospérité, le bonheur et la justice sociale passent par les réglementations et la bureaucratie administrative...