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16 novembre 2023

Chronique d'une guerre perdue

Les dernières informations concernant le conflit russo-ukrainien semblent indiquer que les choses évoluent comme on pouvait le craindre.
La contre offensive conquérante de Kiev dont nous fûmes abreuvés durant des semaines si ce n'est des mois, s'achève en déconfiture et pire encore, le pays est la proie de sérieux remous internes.
A l'approche de l'hiver, l'État-Major de l'armée révèle au grand jour par la bouche du général Valeri Zaloujny, l'impasse militaire et l'impossibilité de percer le front russe. Peu suspect de propos spécieux et encore moins de défaitisme, cet officier pèse sans doute ses mots. Ils sont donc l'expression d'une crise grave et sonnent comme un appel pressant à un changement de tactique.
Mais face à l'enlisement, le président Zelensky s'énerve et s'entête. Il croit ou fait mine de croire toujours en une victoire, de plus en plus hypothétique, tandis que son pays semble pris d'une lassitude profonde. Près de 2 années de guerre commencent à épuiser les volontés les mieux trempées et on croit de moins en moins à un retournement de situation.

Les alliés de l'Ukraine devraient également se poser quelques questions. Leur aide n'a donc pas suffi, faute d'une stratégie forte et cohérente, et faute d'implication directe et de vraie ligne rouge opposée à l’avancée russe. L'apport régulier d’armement n'a fait, comme c'était prévisible, que prolonger les combats et grossir le nombre de victimes de ce conflit. Les sanctions n'ont quant à elles, servi à rien tant la détermination russe est forte. Pire, elles sont détournées et aboutissent bien souvent à l’inverse de l’effet escompté. On se souvient de l’interdiction solennelle d’acheter le pétrole russe à plus de 60$ le baril. Aujourd’hui la quasi totalité de la production est écoulée autour de 80$  ! Parallèlement, on apprend qu’au 1er semestre 2023, les pays de l’UE ont acheté "plus de la moitié" du Gaz Naturel Liquifié (GNL) vendu par la Russie avec des importations en hausse de 40% vs 2022.
Force est donc de constater que les Occidentaux se sont claquemurés eux-mêmes dans une voie sans issue.

La désinformation, dont on accuse rituellement les Russes, n’a pas épargné le camp adverse. Contrairement aux rumeurs ineptes, le président russe n'est ni gravement malade, ni prêt à employer des armes de destruction massive. Sa détermination en revanche est intacte.

Envers et contre tout, la Russie a atteint l’essentiel de ses buts de guerre et entend désormais les défendre coûte que coûte. Contrairement à ce qu'on entend souvent, l'objectif d'ailleurs clairement énoncé par Vladimir Poutine dès le début de l’intervention militaire, n'a jamais été d'envahir totalement l'Ukraine ni même d'éliminer Zelensky du pouvoir. Il était de faire cesser une fois pour toutes les troubles et les violences qui ravageaient le Donbass depuis 2014 en en prenant le contrôle, et in fine, d'obtenir la neutralité militaire de l'Ukraine. Le premier objectif est en passe d'être atteint. Reste le second…

Face à cette dure réalité, l'obstination de Zelensky risque fort d'aggraver la situation. Il a jusqu’à présent refusé obstinément de considérer toutes les portes entrouvertes par la Russie. En l'absence de réponse et profitant du conflit israélo-palestinien, Vladimir Poutine consolide ses positions et pourrait même être tenté d'étendre un peu plus l'emprise russe. L’heure est donc plus que jamais à la négociation, seule manière d’arrêter ce jeu de massacre de plus en plus absurde.

Pour les alliés de l’Ukraine, non moins entêtés, comment s’extraire de ce bourbier sans perdre la face ? Comment sortir du piège des sanctions ? Comment éviter la cristallisation d'un axe anti-occidental autour de la Russie ? Aujourd’hui, Poutine n'hésite pas à faire feu de tout bois en se fournissant auprès de pays aussi infréquentables que la Corée du Nord et l'Iran. Est-il devenu leur ami, rien n'est moins certain. Il a déjà montré qu’il n’a aucune tendresse pour l'islamisme radical et a passé par profits et pertes de l’Histoire l’ère du communisme. Il paraît de bonne politique d’éviter de faire de lui un paria qui n’aurait d’autre solution que de rejoindre les rangs des nations hostiles au modèle occidental. Celui-ci est en crise. Il est prompt à donner des leçons de morale, mais il est en train de perdre ses valeurs et sa détermination. Il pourrait décliner pour de bon s’il continuait sur cette voie hasardeuse. 
Le plus souvent, les avancées de l’adversaire ne tiennent pas tant à leur force qu'à la faiblesse de ceux qui sont en face…

24 novembre 2022

Guerre d'usure, guerre des nerfs

Il n’y a sans doute ni guerre propre, ni guerre sainte, mais il y a, c’est certain, de sales guerres. Celle qui se déroule en Ukraine depuis plusieurs mois figure assurément au rang de ces dernières.
Bien clairvoyant celui qui parvient à distinguer le vrai du faux dans ce conflit épouvantable où les fausses informations pullulent et qui voit s’affronter sur un terrain indécis une population déchirée entre deux nations, que le passé a unies, tantôt par la raison tantôt par la force. Le peuple français a connu dans son histoire récente, lors de ses confrontations avec son voisin germanique, le tragique enchaînement d'événements faisant se succéder guerres, annexions, occupation, collaboration, résistance et libération émaillée d’atroces règlements de comptes. Il devrait être à même d’imaginer l’horreur qui doit régner dans le Donbass. Au gré des luttes d’influence, les populations locales se retrouvent du bon ou du mauvais côté, traîtres ou patriotes, vainqueurs ou vaincus, libérés ou vassalisés…

Au surplus, ce champ de bataille est devenu le point focal où s’affrontent des intérêts supérieurs, opérant une sorte de clivage international monstrueux. D’un côté le monde dit occidental derrière le géant américain flanqué du nain européen, de l’autre un conglomérat de nations, rassemblées dans la haine et le mépris des premiers. Soucieux de ne surtout pas intervenir directement, ces acteurs se cantonnent assez hypocritement à des vœux pieux, à des sanctions et à des livraisons massives d’armes.

Loin d'éteindre l’incendie, ce soutien ne fait que l’attiser et entretient l’illusion que l’ogre russe puisse, à la fin des fins, être vaincu par l’Ukraine. D’où la tentation pour cette dernière de tout tenter pour accroître les aides extérieures voire même de provoquer l’incident qui obligerait les alliés à rentrer pour de bon dans le conflit. Avec en filigrane, la menace obsédante du recours possible aux armes chimiques, biologiques ou nucléaires…

On avait des doutes sur l’origine de certains bombardements dont Kiev avait rejeté la responsabilité sur Moscou. On avait eu vent de comportements, pour le moins discutables, de l’armée ukrainienne consistant à cacher des soldats et des munitions à proximité immédiate d’habitations ou même dans des hôpitaux ou des écoles. On sait maintenant qu’un missile ayant touché le territoire polonais était d’origine ukrainienne. On sait qu’à cette occasion le président Zelensky avait immédiatement accusé les Russes et donc sans doute menti puisqu’il maintint ses affirmations face aux constats prouvant le contraire de ce qu’il affirmait. Ces derniers jours il faisait de même pour expliquer les bombardements survenus dans les alentours de la centrale nucléaire de Zaporijia. Sans éprouver la moindre sympathie pour les dirigeants moscovites, on peut douter de cette version. Quel intérêt auraient les Russes à viser cet endroit stratégique dont ils sont maîtres à ce jour ?
Manifestement ce conflit qui s'éternise use les nerfs de beaucoup de monde et ces jeux troubles ressemblant à une fuite en avant destinée à impliquer toujours plus  l'OTAN commencent à lasser outre-atlantique. Les prétendus succès ukrainiens obtenus sur le terrain paraissent assez vains, et le rouleau compresseur aux ordres de Poutine, que certains veulent croire en déroute, peut encore faire beaucoup de mal. Pendant ce temps, le peuple d’Ukraine souffre de privations croissantes, du froid et de la hantise terrible des bombardements.

Quand cela finira-t-il donc ? L'administration américaine pousse désormais les dirigeants ukrainiens à entamer des négociations et avoue à demi-mot qu'il faut se faire à l'idée d'une partition du pays. En coulisse, des pourparlers semblent avoir repris entre Russes et Américains. Un cessez-le-feu pourra-t-il enfin intervenir, dans l’attente de négociations et d’un avenir certes peu satisfaisant, mais moins sombre que les perspectives dans lesquelles risquent de s’enliser les belligérants et, à leur suite, le monde ?

09 avril 2022

Adieu Doux Commerce

Le déclenchement du conflit russo-ukrainien fait ressortir de vieux démons qu’on croyait à tout jamais terrassés. Outre les souffrances directes subies dans leur chair par les populations en proie à ce fléau si terriblement humain qu’est la guerre, on voit surgir nombre d'effets collatéraux désastreux.
Le premier d’entre eux est sans doute le coup d’arrêt porté aux échanges internationaux en raison des sanctions économiques de plus en plus nombreuses et sévères qui s’abattent sur Moscou. Elles sont en train de refroidir si ce n’est de geler durablement les relations avec nombre de pays, pour la plupart occidentaux.
Quelle que soit l’issue du conflit sur le terrain, comment et quand pourra-t-on revenir sur ces contraintes, après avoir traité Vladimir Poutine, de “tueur”, de “dictateur”, coupable de “génocides”, de “crimes de guerre atroces”, voire de “crimes contre l’humanité” ?

Pour l’heure, ces actions punitives semblent n’avoir que peu d’effet sur la détermination des Russes à poursuivre leurs menées guerrières. L’Histoire est d’ailleurs là pour apprendre qu’elles n’ont jamais été très efficaces. Le fameux blocus continental organisé du temps de Napoléon Ier pour asphyxier l’Angleterre n’a pas empêché cette dernière de perdurer et même de mettre en échec l’empereur. Plus près de nous, les sanctions qui frappent depuis des lustres Cuba, la Corée du Nord ou l’Iran n’ont en rien atténué l’horreur des régimes visés et les tyrans se sont maintenus envers et contre tout. L’absurdité de ces pénalités infligées au nom de la morale va jusqu’à empêcher nos entreprises de vendre leurs produits au peuple russe, avec lequel on affirme pourtant ne pas être en guerre, et faute de pouvoir atteindre directement le chef du Kremlin, à cibler par malsaine et inutile vengeance son entourage familial. Cette ardeur répressive a même conduit l’Union Européenne à sanctionner ses propres membres comme la Pologne, au motif de “manquement à l’indépendance de la justice”, ou la Hongrie pour “violation des valeurs européennes”... On se demande jusqu’où ira l’escalade accusatrice des censeurs défendant un “Etat de Droit”, aux contours des plus discutables.

En attendant, la guerre continue car on se refuse à prendre les seules mesures capables de l’arrêter, à savoir établir des lignes rouges vraiment infranchissables sous peine de recourir à des représailles militaires proportionnées à celles employées par l’ennemi désigné. Sans une telle détermination, l’Ukraine, parée soudainement de toutes les vertus, et dont on nous dit qu’elle résiste vaillamment au répugnant Goliath russe, risque d’être saignée à blanc. Et l’inaction de ses amis, qui s’agitent en paroles, mais qui restent contemplatifs, sera regrettée et critiquée sans doute avec raison par les juges qui regarderont ces évènements avec le recul.

Contraints de continuer à acheter le gaz russe, faute d’alternative (à l’exception notable de la Lituanie), et quelque peu gênés dans les entournures, les politiciens affirment, après avoir fait le contraire, qu’il faut impérativement diminuer notre dépendance à l'égard de la Russie et d’une manière générale vis-à-vis d’autres pays en matière énergétique et pareillement pour quantité de biens matériels. Après la Russie, la Chine, premier commerçant de la planète, est visée par ces ambitieux objectifs. La réindustrialisation est devenue la chanson à la mode, qui permet à certains discoureurs de faire de belles promesses. D’autres se font les chantres du protectionnisme qui ferme les frontières au commerce, tue la concurrence et l’innovation et fait monter les prix. Dans le même temps, ils se veulent les protecteurs du pouvoir d’achat !

Comme en un rêve, les mots de Montesquieu viennent à l’esprit, rappelant les bienfaits du “doux commerce” : “Deux nations qui négocient ensemble se rendent réciproquement dépendantes: si l’une a intérêt d’acheter, l’autre a intérêt de vendre; et toutes les unions sont fondées sur des besoins mutuels…/… C’est presque une règle générale, que partout où il y a des mœurs douces, il y a du commerce, et que partout où il y a du commerce, il y a des mœurs douces” (in L’Esprit des Lois)...

Illustration: Gérard de Lairesse (1641-1711), Allégorie de la liberté du commerce, 1672, Plafond du Palais de la Paix, La Haye

14 mars 2022

Guerre des mots, guerre des images

Puisqu’il est affirmé et répété que ni l’OTAN ni aucun pays occidental n’interviendra militairement en aucun cas en Ukraine, il ne reste plus que les ripostes verbales, les sanctions économiques, et autres vœux pieux.
En France, ça commence par les postures présidentielles et avant toute chose, par l’art subtil de manier le langage et les concepts. Pour notre jeune mais jupitérien chef de l’État qui avait avec emphase déclaré la guerre au COVID-19, il ne s’agit plus du tout de cela face à la déferlante armée ravageant l’Ukraine. Le président prend un air martial pour condamner cette invasion et annoncer de terribles sanctions, mais de guerre avec la Russie il n’est surtout pas question !

Le ton est donné. L’Ukraine est devenue le sujet numéro un du moment, mais propice à toutes les interprétations, à toutes les hypothèses et à toutes les manipulations. Le COVID, même en recrudescence, n’intéresse plus guère. La campagne électorale, déjà anémique, est reléguée au rang des faits divers dont l’issue est réglée comme une partition sur du papier à musique. A la télévision les émissions spéciales se succèdent au rythme des combats et à la lumière des analyses d’experts en géostratégie et en poutinologie. Nourris d’informations parcellaires, répétitives jusqu’à l’écœurement, et de provenance souvent douteuse, tout nous porte à prendre position face à ce conflit mettant en scène de manière indiscutable un agresseur et un agressé. S’il n’est évidemment pas question de mettre en doute l’évidence de l’incursion armée moscovite, l’objet est ici de s’interroger sur l’interprétation qu’on en fait.

De réunions au sommet, et d’allocutions solennelles en entretiens plus ou moins confidentiels, on assiste au ballet ininterrompu des chefs d’États, des ministres et des plénipotentiaires et les sanctions et représailles vont bon train. Chaque jour un wagon de nouvelles mesures s’ajoute à celles d’hier, sans que pour l’heure, cela n’entame en rien la froide détermination des troupes russes. Dans le même temps, la charge punitive commence à peser économiquement sur les pays qui en sont les organisateurs, et fait l’objet de débordements discutables jetant le discrédit sur tout ce qui est russe, notamment les chefs d’entreprises, les artistes, les sportifs, et les médias. Au surplus, elle achoppe sur la délicate problématique du pétrole et du gaz. Hormis pour les États-Unis qui ont décrété un embargo symbolique sur leurs dérisoires importations, les affaires continuent envers et contre tout principe moral avec Moscou. Pire, dans le but bassement matériel de diversifier l’offre, le marchandage s'engage avec les réprouvés d’hier, l'Iran, le Qatar, l'Algérie et même avec le Venezuela. Les besoins énergétiques pressants amènent à relativiser le bien et le mal.

Dans ce contexte de tension internationale, la bonne vieille dialectique du bouc émissaire reprend vigueur. Les Russes sont devenus clairement les méchants et la honte échoit à toute personne qui aurait pu se compromettre avec Vladimir Poutine avant le conflit. La chasse aux sorcières est ouverte, très opportune pour le candidat-président de plus en plus largement en tête des sondages.
La thématique des réfugiés fait l’objet d’une récupération politique éhontée, afin de déconsidérer ceux qui réclamaient une maîtrise de l'immigration. L'exode des malheureux fuyant la guerre, dans l’espoir qu’on leur apporte un peu d’aide en attendant de pouvoir retourner chez eux, est assimilé à l'afflux ininterrompu et grandissant des migrants arrivant depuis des décennies en France pour des raisons économiques et sociales, sans projet de retour, et sans aucun souci de troquer leur culture, leurs coutumes ou leur religion pour celle du pays qui les accueille (mal au demeurant). Tout se passe comme si l'on pouvait comparer les malheurs d’une guerre aussi soudaine qu’imprévue avec le basculement civilisationnel qui s’opère sous nos yeux en raison de mouvements migratoires incontrôlés. La bien-pensance est plus sensible hélas au manichéisme qu’aux nuances…
La crise ukrainienne est aussi l’occasion inespérée de faire endosser au dictateur russe tous les maux de la terre. Ainsi, Poutine devient le seul et unique responsable de l’augmentation du prix du gaz et du pétrole, de la flambée des cours des céréales, des difficultés économiques en tous genres, de l’inflation, de l’endettement, de la dégradation du pouvoir d'achat, tous fléaux qui étaient apparus bien avant la conflagration ukrainienne. l’Inénarrable ministre de l'économie en profite même pour annoncer d’un ton grave que les choses vont s’aggraver, qu’il va falloir faire des efforts, que les temps seront de plus en plus durs…
Même si l’État continue de dépenser tant est plus, et réaffirme par la voix d’Emmanuel Macron sa volonté de “protéger les Français”, on ne parle plus du “quoi qu'il en coûte”. A la place, ce dernier propose un “plan de résilience”, en se gargarisant d’un mot-valise insupportable, qui attrape tout mais ne résout rien.
On ressort enfin la rengaine de l’indépendance et de la souveraineté nationales. Comme à leur détestable habitude, les politiciens n’hésitent pas à brûler aujourd’hui ce qu’ils ont adoré hier. On nous avait fait le coup des relocalisations lors de la pénurie de masques au début de la pandémie. Cette fois c’est l’enjeu énergétique qui s’impose. Alors qu’on vient de fermer la centrale de Fessenheim dans le cadre d’un vaste plan de réduction du nucléaire, le Président de la République fait part de sa volonté subite de semer des centrales un peu partout. Comprenne qui pourra... Des programmes s’étalant sur des dizaines d’années et occasionnant des restructurations et des coûts colossaux évoluent ainsi au gré de l’émotion. Aujourd’hui c’est la guerre qui commande, hier c’était l’utopie écologique et le principe de précaution. Va petit mousse où le vent te pousse…

Ce conflit au sein même de l’Europe est l’objet de beaucoup de propagande ou de non dits. Avant tout du côté russe sans nul doute, mais chez nous qu'en est-il ?
On nous montre les désastres occasionnés par les bombardements et l’infortune des populations civiles ne sachant que faire ni où aller, mais comment se faire une idée précise de ce qui se passe ? Durant des jours on nous a montré la fameuse colonne de chars russes s’étalant sur plus de 60 kilomètres sur la route menant à Kiev. On nous a répété que la ville était en passe d'être assiégée, sur le point d’être assaillie, mais on entend également que les troupes de Poutine seraient à l’arrêt forcé par manque du carburant, de nourriture et prises au piège des Ukrainiens qui leur auraient coupé le chemin en faisant sauter les ponts enjambant le Dniepr. Qu’en est-il réellement ?
S’agissant des pertes, le Pentagone les chiffre entre 2 et 4000 hommes au sein des troupes russes. Certaines sources anglaises parlent de 7000 tandis que les Ukrainiens évoquent le nombre de 11000 ennemis tués, chiffrant leurs propres pertes à 1300. Où est la vérité ?
On se révolte naturellement en apprenant qu’une maternité soit l’objet d’un bombardement, mais la nature et le nombre des victimes restent incertains et le Kremlin prétend qu’il s’agissait d’un repaire de nationalistes anti-russes. Qui croire ?
Quant aux objectifs de Vladimir Poutine, ils suscitent supputations et controverses. Lui affirme qu’il n’a aucune ambition territoriale en dehors de l’annexion de la Crimée et aucun projet de renverser le gouvernement en place, mais qu’il veut la démilitarisation de l’Ukraine, sa neutralité, et la reconnaissance de l’indépendance des républiques de Donetsk et de Lougansk. Peu de gens le croient et sont persuadés qu’il nourrit au contraire une ambition beaucoup plus vaste, ouverte à toutes les suppositions. L’alternative est cruciale. S’il dit vrai, il y a fort à parier qu’il ne démordra pas de ses exigences tant qu’elles ne seront pas satisfaites et le conflit est susceptible de perdurer de manière absurde jusqu'à l'asphyxie de l'Ukraine. Ce qu’il demande était en effet quasi acquis de facto avant même le début des hostilités, et aurait pu être ratifié dans le cadre d’une négociation. S’il ment, il est hélas probable que la guerre gagne en violence et s’étende quoi qu'on entreprenne au plan diplomatique. Dans ce cas, l’inertie occidentale, l’absence de détermination et de véritable ligne rouge, risquent comme en 1938 de conduire tôt ou tard à un désastre de grande ampleur.
On a beaucoup glosé sur le terme de dénazification employé par Poutine pour expliquer en partie les motifs de "l’intervention spéciale" en Ukraine. Cette rhétorique est évidemment choquante eu égard aux drames d’un passé pas si lointain, mais dans le même temps on apprend l’existence du bataillon Azov, rattaché à l’armée ukrainienne, qui revendique un féroce ultra-nationalisme anti-russe, arborant des blasons très proches de ceux des horribles cohortes SS. Imagine-t-on en France, un tel bataillon, intégré à la Garde Républicaine ?
Dernière interrogation, si le conflit actuel fait la une ininterrompue de l’actualité depuis plus de 15 jours, pourquoi ne vit-on quasi rien de la guerre dite du Donbass, qui n’est sûrement pas pour rien dans les hostilités actuelles et qui en 2014 fit 13000 victimes, occasionnant le déplacement de 1,5 millions de personnes ?
La manipulation des concepts et des images est telle qu’aujourd’hui même, le parlement ukrainien, qui réclame vainement une zone d’exclusion aérienne et cherche à provoquer une plus grande implication de l’OTAN, se croit autorisé à diffuser via Twitter un photo-montage de Paris sous les bombardements. Elle se termine par ces mots du président Zelensky: "si nous tombons, vous tombez aussi" !
Jusqu’où ira l’intoxication ? Jusqu’où ira cette guerre ?

09 mars 2022

Le Sentiment d'Impuissance

Quoi de plus désespérant que la lugubre litanie ressassant chaque jour en boucle sur toutes les chaînes télévisées, les bombardements et destructions qui frappent l’Ukraine ?
Quoi de plus désespérant que ce concert tragique des nations réunies dans la même impuissance à s’opposer vraiment à la guerre qui fait rage au cœur de l’Europe ?
Quoi de plus désespérant que cette léthargie dans laquelle s’enlisent tous ces peuples, révoltés par la brutalité de l’intervention militaire russe, mais qui n’ont d’autre choix que d’imaginer d'inopérantes et très coûteuses sanctions, tout en reculant devant un embargo sur le pétrole et le gaz, dont beaucoup sont devenus dépendants ?
Quoi de plus désespérant enfin, que cet affrontement fratricide, dont on perçoit de moins en moins les objectifs à mesure que le temps passe ?

Plus le conflit dure, plus il donne l’impression d’une absurde descente aux enfers. Que peut bien espérer Vladimir Poutine au terme d’un conflit de plus en plus meurtrier et dévastateur ? Ruine et désolation seront selon toute probabilité les piteuses conséquences de cette entreprise insensée, même si les troupes russes finissent gagnantes sur le terrain.

Les Ukrainiens se battent avec l’énergie du désespoir, et le drame est qu’en résistant héroïquement, ils poussent leurs adversaires à accroître la violence de leurs coups. Et les appels à l’aide militaire du président Zelensky restent sans réponse. Après Kharkiv, Kherson, Marioupol, verra-t-on Kiev s’effondrer sous les bombes ? Verra-t-on Odessa détruite ? Et puis quoi donc après ? Où peut s’arrêter cette fuite en avant ?
Au point où nous sommes rendus, aucune issue favorable ne paraît envisageable et les Russes ont désormais rassemblé la quasi-totalité du monde contre eux. A défaut de rayonner, la Grande Fédération s’isole de plus en plus, et sera placée durablement au ban des nations, sauf versatilité des opinions et des intérêts...
La question qui risque de se poser de plus en plus est : combien faudra-t-il d’horreurs pour qu’enfin une vraie détermination se fasse jour pour tenter de mettre un coup d’arrêt à ce qui devient de plus en plus intolérable ?
Échéance terrible qu’on voudrait conjurer tant elle fait peser de menaces sur le fragile équilibre de la paix du monde. On sait trop bien que l’homme, dans sa folie guerrière et idéologique, peut faire largement pire que les virus, les catastrophes naturelles et autres calamités climatiques…

Illustration: La chute de Phaéton par Jan Carel Van Eyck

28 février 2022

Que veut Poutine ?

S’agissant de l’issue de la crise ukrainienne actuelle, les supputations vont bon train, mais qui peut vraiment prévoir comment tout cela finira ?
En France, on se gausse de la complaisance manifestée par le passé par certains candidats à l’élection présidentielle, à l’égard du chef du Kremlin. On se moque du pari perdu d'Eric Zemmour qui jugeait il y a peu de temps, une intervention militaire russe improbable. Mais a-t-on oublié le cynisme avec lequel Emmanuel Macron disqualifiait il y a quelques mois l’OTAN, la décrivant comme étant en “état de mort cérébrale” ? Se souvient-on comme il faisait ami-ami avec le président russe lors d’entretiens très détendus à Brégançon ? Aujourd’hui il prétend qu’il ne s’agit plus du même homme, mais a-t-il vraiment sondé le secret de son âme ?

Le fait est que tout le monde s’est trompé à un moment ou à un autre sur Vladimir Poutine. On le voyait avec une belle unanimité comme un autocrate, mais qui en imposait par son calme, sa détermination, la justesse de beaucoup de ces vues, et qui était capable de surprendre nombre d’interlocuteurs par son humour caustique. Seul Joe Biden a pu paraître lucide, lui qui l’avait qualifié de “tueur” et qui avait crié au loup les jours précédents la conflagration, bien inutilement au demeurant. Clairvoyance étonnante pour une personne qui donne si souvent l’impression d’être à côté de la plaque. Les liens troubles que le président américain entretient depuis des années avec l’Ukraine sont peut-être la toile de fond d’une haine recuite et réciproque entre les deux hommes…

Pour l’heure, on loue la résistance inattendue et inespérée des forces ukrainiennes, qui freinerait paraît-il l’avancée des troupes russes. Peut-être est-ce vrai et cela contraste avec les images d’exode massif de la population, et la préparation d’assez dérisoires cocktails Molotov par des groupes d’hommes plutôt isolés. Les images sont si parcellaires et trompeuses qu’on peut tout imaginer.
Il est donc possible à l'inverse, de supposer que M. Poutine soit proche d’avoir atteint ses objectifs.
Sur les cartes, ses troupes se sont rendues maîtresses de presque tout l’Est de l’Ukraine, notamment la région du Donbass, faisant quasiment la jonction avec la Crimée via Marioupol. Et force est de penser que les frappes intensives qui se sont multipliées tous azimuts depuis le début de la guerre, épargnant le cœur des villes, ont ciblé avant tout les installations militaires et stratégiques essentielles du pays.
Tandis que l’Occident s’agite pour mettre en œuvre des sanctions massives et inédites, que la France étudie la saisie "des biens immobiliers, des voitures de luxe et des yachts", et que M. Lemaire, ministre de l’économie français, annonce avec une emphase un peu ridicule qu’il va dégainer “l’arme nucléaire financière”, M. Poutine peaufine peut-être la fin d’une opération qui pourrait mener de fait à la démilitarisation de l’Ukraine, au contrôle de la région du Donbass jusqu'à la Crimée, et in fine à dissuader définitivement Kiev d’entrer dans l’OTAN, pour adopter le statut de neutralité réclamé en vain par la diplomatie…
Hélas,  cette perspective est des plus incertaines. Elle repose sur l'hypothèse que l'esprit de M. Poutine soit encore accessible à la raison et qu'il ait gardé le sens des réalités. Au surplus, elle suppose que ses adversaires, de plus en plus nombreux et déterminés à en découdre, acceptent une telle issue. Si tel n'était pas le cas, on peut craindre que le point de non retour soit proche et qu'à tout moment les évènements puissent basculer vers l'horreur à grande échelle. A moins qu'une opposition interne au Pouvoir ou bien qu'une révolte populaire d'ampleur brise l'élan et le destin d'un dirigeant de plus en plus isolé, dont l'ambitieux fait d'armes sera le coup de trop...
Une lueur d’espoir s’allume toutefois avec la tenue de pourparlers entre délégations russes et ukrainiennes. Puisqu’il y a peu d'alternatives raisonnablement envisageables, fasse le ciel que cela soit enfin le signe du début d’une désescalade…

26 février 2022

Orages d'Acier

Une fois encore Vladimir Poutine a surpris son monde, et notamment l’Occident. Ni les chefs d'États ni les experts autorisés n’avaient semblé pressentir le vicieux coup de billard à trois bandes que le président russe réalisa le lundi 21 février en reconnaissant tout à trac l’indépendance des républiques de Donetsk et de Lougansk.
Depuis quelques semaines la pression était à son comble. On s’attendait à voir déferler l’armada bardée de chars, de missiles, d’avions et de fantassins qu’il avait massée le long de la frontière ukrainienne et dont le pauvre vieux Joe Biden annonçait l’offensive imminente tous les deux jours, sans rien proposer pour l'empêcher. Au lieu de cela on assista à la discrète infiltration de colonnes blindées supposées garantir la paix à ces régions nouvellement “libérées”...
Hélas, au moment même où l’on pensait le pire passé, car on veut toujours croire que la guerre sera évitée grâce à la diplomatie de la dernière minute, le diable d’homme lançait une attaque de grande ampleur, trois jours plus tard, à l’aube du 24 février.

Tout le monde est donc pris de court et personne ne sait plus trop comment réagir. Étant entendu, comme le président américain l’a révélé à plusieurs reprises, qu’il est hors de question de menacer la Russie d’une quelconque riposte militaire, il ne reste d’autre arme que les discours martiaux et quelques sanctions économiques. Le fait est que M. Poutine paraît s'en moquer comme d’une guigne. Il avance donc ses pions avec sang froid et méthode, donnant l’impression de parfaitement maîtriser sa stratégie de conquête, si bien réussie avec l’annexion de la Crimée il y a quelques années.
A cette occasion il se déleste de sa voix calme et monocorde d’un pensum historique rappelant que l’Ukraine n’est qu’une construction théorique, égratignant au passage Lénine et les bolcheviks, responsables selon lui d’avoir cédé en 1920 toute la région du Donbass à la nouvelle république socialiste soviétique ukrainienne. Il néglige de préciser qu’en fait de cadeau, il était virtuel puisqu’à peine créée, cette entité fut elle-même annexée sans ménagement à l’URSS et même affamée par Staline lors de la collectivisation insensée des terres agricoles. Ce qu’on appela Holodomor fut une abomination conduisant à la mort de faim de plusieurs millions de personnes.
Si l’on remonte le cours de l’histoire, on doit bien reconnaître toutefois que l’Ukraine faisait peu ou prou partie intégrante de l’empire russe du temps de sa splendeur. Au surplus, force est de constater qu’en matière de population, on a affaire à un meltingpot à dominance slave dont l’unité fut longtemps la langue russe. M. Poutine n’a donc pas totalement tort dans ses analyses.

Est-ce une raison pour assujettir à nouveau ce pays devenu libre, indépendant, et démocratique depuis l’écroulement de l’immonde machine soviétique ?
Certainement pas, et les condamnations morales ont fusé de toutes parts (à l’exception de Maduro au Venezuela, d’Assad en Syrie, et de Xi Jinping en Chine…)
Pour autant, puisque la communauté internationale se révèle une fois encore bien impuissante, et qu’en la circonstance l’ONU est tout simplement inopérante, il est permis de s’interroger sur les raisons de cette attaque. Est-elle aussi insensée qu’il y paraît ? Est-elle l’expression d’une volonté paranoïaque incarnée par un autocrate en plein délire, comme on présente habituellement Vladimir Poutine ? A-t-on encore des raisons d’espérer que le conflit se termine avant de causer d'atroces massacres ou qu’il ne s’égare dans une fuite en avant désastreuse ?

Un froid pragmatisme impose de prendre en compte les convulsions qui secouent la fragile démocratie ukrainienne depuis sa naissance. La corruption y est hélas endémique, et l’efficacité des gouvernements qui se sont succédé jusqu’à ce jour est plus que douteuse, tout comme la cohérence des partis politiques.
Leonid Koutchma, ancien dignitaire soviétique fut le premier président (1994-2005). A l'instar de Gorbatchev, il ouvrit le pays à l’économie de marché mais s’embourba dans les malversations financières et la restriction de la liberté d’expression. Pour lui succéder, son premier ministre Viktor Ianoukovytch tenta même de truquer l’élection à son avantage, ce qui conduisit à une révolte populaire qu’on appela la Révolution Orange. De nouvelles élections s’ensuivirent dont sortit vainqueur Viktor Iouchtchenko (2005-2010). Ce dernier voulut moderniser et libéraliser le pays mais son mandat entamé dans la liesse, s’acheva dans l’impopularité, occasionnée par l'irrépressible montée des difficultés sociales et il fut même prétendument empoisonné par ses opposants. A ses côtés la très charismatique Ioulia Tymochenko donna l’illusion du renouveau démocratique mais elle échoua à se faire élire et finit déchue et emprisonnée pour corruption. Viktor Ianoukovytch considéré comme étant l’homme de Moscou, revint alors sur le devant de la scène et fut cette fois élu démocratiquement en 2010, mais sa politique mena à la déroute économique et aux dérives autoritaires. Il s’opposa à tout rapprochement avec la communauté européenne et son mandat se termina piteusement dans les émeutes dites du Maïdan pendant lesquelles plusieurs dizaines de manifestants furent tués par les forces de l’ordre. A la même époque le Donbass s’embrasa et en quelques mois la guerre civile fit plus de 10.000 morts qui ne firent guère l'actualité des médias du monde libre. Contraint à la démission et à l’exil, Ianoukovytch laissa la place à l'homme d'affaires Petro Porochenko (2014-2019). Plutôt populaire à ses débuts car il avait soutenu la révolte, il tenta de ramener la paix au Donbass, mais il fut lui accusé de corruption et fut lourdement battu en 2019 par l’actuel président Volodymyr Zelensky. Celui-ci avait émergé sur l'échiquier politique du jour au lendemain. Issu du monde du spectacle, où il jouait le rôle d’humoriste, il fut élu de manière rocambolesque, avec un score de plus de 73%, à l’issue d’une campagne populiste, animée quasi exclusivement sur les réseaux sociaux. A la manière de Trump, il avait construit son personnage sur un show télévisé très prisé dont il reprit le nom, "Serviteur du Peuple", pour baptiser son parti, nouvellement créé. Mais son inexpérience et le flot insensé de promesses dont il s’était fait le garant le conduisirent rapidement dans une impasse. Sa politique s’est révélée incohérente, émaillée de ratages et de maladresses. Il fut accusé d’être le jouet d’oligarques plus ou moins mafieux, et fut pris en tenaille entre des factions ultra-nationalistes, pro-russes ou au contraire pro-occidentales, réclamant à corps et à cris l’adhésion à l’OTAN. Enfin le jeune président qui avait juré de lutter contre la corruption et d’être transparent, fit l’objet de forts soupçons de malversations (Pandora Papers). Pour couronner le tout il n’évita pas les dérives autoritaires et rogna comme certains de ses prédécesseurs la liberté de la presse en interdisant notamment plusieurs médias internet…

C’est dans ce contexte de dépérissement et d’incertitude que s’est installé un climat de tension croissante entre l’Ukraine et la Russie. Si l’intervention déclenchée par Vladimir Poutine doit être jugée comme illégitime, abusive, voire infâme, risquant de dégénérer à tout moment vers un cataclysme international, elle s’inscrit clairement dans un vaste dessein de reconstruction de la Grande Russie. La réintégration de l’Ukraine dans le giron moscovite relève d’une logique implacable. Qu’elle se fasse dans la violence est effrayant mais l’Occident semble découvrir cette stratégie pourtant maintes fois affirmée, et son impuissance est pathétique. Non seulement on a refusé de voir la réalité, mais on a systématiquement rejeté comme irrecevables, les exhortations répétées du président russe à mettre en œuvre un plan global de sécurité du continent européen, “de l’Atlantique à l’Oural”, pour reprendre l’expression du Général de Gaulle. Peut-être relevaient-elles de la supercherie, mais sans doute eut-il été opportun de s’y intéresser de plus près.
Il y a beaucoup d’hypocrisie à se prétendre aujourd’hui aux côtés du peuple ukrainien et à menacer la Russie de sanctions impitoyables, tout en clamant qu’on ne bougera pas d’un iota au plan militaire. Si Poutine est à ranger au rang des dictateurs conquérants et sanguinaires comme on entend souvent l’affirmer, cette inaction est aussi fautive et inconséquente que celle qui mena à l’abandon de tant de peuples par le passé. La fameuse déclaration en forme de serment qui émana du concert des nations après Nuremberg : “Plus jamais ça” semble décidément dérisoire.
Sans doute serait-il périlleux de s'engager aujourd'hui dans une contre-attaque armée, mais il eut peut-être été envisageable de mieux anticiper l'intervention russe, et par voie de conséquence de l'éviter, en fixant avec une détermination et une démonstration de force crédibles, une ligne rouge infranchissable à Poutine. Si vis pacem, para bellum...
Il ne reste donc plus qu’à espérer que ce dernier ne soit pas aussi fou que certains le prétendent et qu’il saura s’arrêter avant de commettre l’irréparable. Rien n’est moins sûr hélas…

NB : le titre de ce billet reprend celui d'un ouvrage d'Ernst Jünger

06 mars 2014

Poupées russes

Dans la crise que traverse la Crimée, la froide et implacable organisation dont fait preuve la Russie de Vladimir Poutine contraste avec les gesticulations tonitruantes mais désordonnées des nations occidentales.
La première sait manifestement ce qu'elle veut, tandis que les autres braillent des exigences contradictoires, sans donner l'impression d'avoir les moyens de les imposer.

L'Europe est bien éparpillée en la circonstance. Son absence chronique de cohésion, ses inquiétantes dérives financières confèrent au soutien qu'elle prodigue à l'Ukraine un caractère illusoire (d'où diable tire-t-elle les 11 milliards d'euros qu'elle annonce pouvoir débloquer à son profit ?). Pire, les prétendues valeurs, le modèle de société sur lesquels elle fonde son argumentation sont en voie de délitement. Ils ne convainquent plus les peuples qui la composent, comment pourraient-ils avoir un impact sur d'autres ?
Les Etats-Unis quant à eux sont en passe de perdre leur leadership sur la scène internationale. L'intervention destinée à favoriser l'installation d'une démocratie en Irak en 2003 reste leur dernière démonstration de force, la dernière preuve d'une réelle détermination et d'un vrai dessein géostratégique, fut-il sujet à controverses...
 
L'aspiration au renouveau et au "changement" de la république d'Ukraine est plus qu'hasardeuse. Il est bien difficile de se faire une opinion sur le sens des rebellions qui agitent le pays, et sur les buts poursuivis par les differentes factions qui s'affrontent. Depuis la chute de l'Union Soviétique, les dirigeants qui se sont succédés ont surtout brillé par leur inefficacité, leur propension aux malversations, ou leur autoritarisme maladroit. Aujourd'hui certains voient comme héroïques les foules qui sont parvenues à chasser du pouvoir le président Ianoukovitch, élu à peu près démocratiquement. Que diraient-ils de faire de même avec le chef de l'état français qui ne recueille plus que 16% d'opinions favorables, et dont la politique insensée déchire le pays en même temps qu'elle le ruine ?

A chacun sa vérité...