28 septembre 2006

La vengeance est un plat qui se mange froid...


Dans le dernier volume de son ouvrage « Le pouvoir et la vie », l'ancien président se déleste d'accusations graves et surtout sordides à l'encontre de l'hôte actuel de l'Elysée. Il évoque notamment les confidences que lui aurait faites François Mitterrand quelques jours avant sa mort. Ce dernier lui aurait révélé que Jacques Chirac et lui s'étaient rencontrés peu de temps avant l'élection présidentielle de 1981, et que le chef du RPR lui aurait confié qu'il fallait « se débarrasser de Giscard ». Mitterrand alla paraît-il même alors jusqu'à affirmer « qu'il n'aurait jamais été élu sans l'apport des voix de Chirac ».
Pourtant de l'aveu du même Giscard, et à la même époque, Chirac de son côté avait démenti, « catégoriquement toute rencontre secrète avec Mitterrand ».
Giscard ferait-il donc davantage confiance à Mitterrand son adversaire, qu'à Chirac, son ancien premier ministre (et qui c'est une certitude, lui avait permis d'être élu en 1974)? Et surtout oublierait-il que ce sont surtout les Français qui le renvoyèrent sans ménagement dans ses foyers, peut-être parce qu'ils avaient été un tantinet déçus par sa politique ? INDEX-PROPOS

27 septembre 2006

The ballad of Jack and Rose


Jack est un intéressant spécimen de hippie fossilisé. Il est confit dans ses vieux idéaux, tendance new age, écolo, et misanthrope. Don Quichotte de la rusticité, il est en guerre avec la société et tout particulièrement avec les promoteurs immobiliers qui investissent progressivement le terrain sur l'île de Nouvelle Angleterre, où il s'est exilé. Il y a bâti un micro-univers dans lequel il s'est enfermé après la mort de sa femme, avec ses certitudes et surtout avec sa fille Rose. Entre elle et lui, c'est un amour fusionnel, excessif, parfois un peu trouble, et narcissique.
Le jour où il décide de faire entrer dans leur petit monde une amie, Kathleen, et ses deux garçons, l'ordre et l'harmonie artificiels dans lesquels évolue cet étrange duo volent en éclats. Les drames se succèdent, l'émancipation de Rose est brutale et à plusieurs moments on frôle la catastrophe. Jack prend peu à peu conscience de l'impasse dans laquelle il s'est fourvoyé. La fin de l'histoire est hélas tragique, mais tout de même porteuse d'espérance.
Avec la performance étonnante de Daniel Day Lewis, c'est toute la force de ce film par ailleurs un peu long. La vision n'est ni bornée, ni manichéiste. Les sentiments sont complexes, un peu désespérés, ambigus, mais vierges de tout a priori idéologique. Certaines scènes sont poignantes et l'ensemble laisse une étrange sensation d'inachevé peuplé de questions torturantes : Aimons nous vraiment ceux que nous aimons ? Suffit-il d'aimer quelqu'un pour faire son bonheur ? A-t-on raison de haïr ceux que nous haïssons et de croire à ce que nous croyons ? INDEX-CINEMA

22 septembre 2006

Il n'est de pire aveugle que celui qui ne veut pas voir


Décidément Nicolas Sarkozy semble avoir décidé de faire parler de lui. Après sa visite à la Maison Blanche, ses propositions iconoclastes sur la carte scolaire, les régimes spéciaux de retraite, il attaque bille en tête la Justice, et ses dysfonctionnements.

Bien qu'étant dubitatif sur la volonté réelle du ministre de l'intérieur de changer nombre d'archaïsmes et d'idées reçues dont notre pays crève, j'avoue trouver ses sorties récentes assez jouissives tant elles sont décomplexées et tant elles laissent désemparé le microcosme politique autour de lui. Pour l'heure c'est lui l'agitateur d'idées et personne d'autre. Faute d'inspiration, ils en sont tous réduits à aboyer derrière lui...


La justice est mise en cause. La belle affaire ! Après les ratés mémorables d'Outreau on attendrait d'elle un peu de modestie. Bien au contraire, le premier président de la cour de cassation Guy Canivet demande à être reçu par Jacques Chirac, pour se plaindre des agissements de son ministre ! Il déplore une « nouvelle atteinte à l'indépendance de l'autorité judiciaire » ! Parce que selon lui sans doute, lorsqu'on est juge on devrait être à l'abri de toute critique, et autorisé à toutes les conneries...

Comme s'ils souhaitaient eux aussi irriter le président Canivet, 28 préfets sortent de leur réserve et manifestent aujourd'hui dans le Monde leur mécontentement, déplorant la montée de la violence juvénile et accusant au premier chef les juges : « la déficience de la réponse judiciaire » est « la principale difficulté à la réalisation des objectifs de lutte contre la délinquance ».

Face à ce vrai problème, crûment posé, le plus délectable dans l'affaire restent comme prévu, les réactions de la classe politique, complètement à côté de la plaque

Celle d'abord de Jean-François Copé affirmant que les magistrats avaient «pleinement à cœur de faire respecter la règle de droit». Le pauvre, ça doit tout de même chatouiller le gosier, ce genre de couleuvre lorsqu'on s'est fendu d'un bouquin intitulé : « Promis, j'arrête la langue de bois » !

Celles bien sûr dans la majorité, de ceux qui à l'image du porte parole du gouvernement ménagent la chèvre et le chou dans l'attente de connaître avec certitude le champion auquel il faudra se rallier.

Et surtout les protestations quasi hystériques de certains socialistes, outrés sans doute qu'on ose ainsi s'attaquer au rituel empesé de la liturgie technocratique : Arnaud Montebourg qualifie Nicolas Sarkozy d'«anti-républicain dangereux» qui «doit être rappelé à l'ordre rapidement», Laurent Fabius et François Hollande appellent Jacques Chirac a « rappeler à l’ordre son ministre de l’Intérieur ». Enfin last but not least, Ségolène Royal, pour qui le ministre de l'Intérieur doit «présenter ses excuses» après un «dérapage inadmissible» . Pas de doute, le conservatisme et l'esprit réactionnaire ne sont plus là où on les croyait... INDEX-PROPOS

20 septembre 2006

Le grand méchant mou


Mr Chirac est en forme paraît-il. Et à quoi juge-t-on cette bonne santé ? Très simple : Il cultive le conservatisme le plus rétrograde et l'esprit de compromission le plus inconséquent.
Sur l'Iran par exemple, il trouve opportun à l'ONU de prendre à nouveau le contrepied de la position américaine en affirmant que : « la suspension de l'enrichissement d’uranium n'est plus un préalable à l'ouverture des négociations. » Il veut paraît-il « tester la volonté de négociation » du régime des ayatollahs (France Inter ce matin). Il faut tout de même le faire à l'heure où ces derniers vocifèrent entre autres imprécations, depuis plusieurs mois qu'ils ne céderont sur rien... Peut-être rêve-t-il de leur vendre le savoir faire technique de la France en la matière, comme il l'avait fait pour l'Irak de Saddam Hussein ?
En politique intérieure Mr Chirac juge utile de se démarquer de Nicolas Sarkozy. Les régimes de retraite spéciaux, qui constituent autant de privilèges féodaux, on n'y touche pas, la carte scolaire génératrice de tant d'injustices et d'inégalités flagrantes, on n'y touche pas... Bref, tout va bien madame la marquise ! INDEX-PROPOS

15 septembre 2006

Les cieux et les dieux sont incertains...



A l'occasion de son voyage récent aux USA, Nicolas Sarkozy a eu le courage – il faut bien le dire – de se démarquer des lieux communs ronflants et méprisants si souvent entendus au sujet des relations franco-américaines : «Plus jamais nous ne devons faire de nos désaccords une crise, a -t-il plaidé. De nos désaccords, faisons l'occasion d'un dialogue constructif, sans arrogance et sans mise en scène».
Faisant clairement allusion aux tartarinades de Mr de Villepin en 2003, lorsqu'il agitait le spectre du veto au conseil de sécurité de l'ONU, il a même fait amende honorable : «Jamais on ne doit chercher à mettre ses alliés dans l'embarras. On ne doit jamais donner l'impression de se réjouir des difficultés de nos alliés. Pour notre dialogue, l'efficacité dans la modestie, c'est ce qu'il y a de mieux.»
Évidemment le choeur des bien-pensants ne pouvait laisser sans écho ce pavé jeté dans l'espèce de bouillie pharisienne qui tient lieu de débat d'idées dans notre pays. Les Bouvard et Pécuchet de la morale franchouillarde sont rapidement montés au créneau. Mr Hollande a reproché à Nicolas Sarkozy d'être « non pas pro-américain mais pro-Bush ». Probablement sa conception approximative de la démocratie l'empêche-t-elle de comprendre que même si le président américain n'a pas que des amis dans son pays il est tout de même le représentant légitime de son peuple. Quant à Mr Bayrou, il a fait encore plus fort en accusant cette entrevue de contribuer à la «glorification de Bush». Plus ridicule, tu meurs...



Tony Blair, en dépit d'une popularité déclinante, garde le courage de ses opinions. Dans une contribution donnée au laboratoire d'idées Foreign Policy Centre, il condamne sans détour « la tendance à cultiver un sentiment antiaméricain dans certains secteurs de la politique européenne » la qualifiant de « folie, comparée aux intérêts à long terme du monde dans lequel nous croyons ».
Le premier ministre anglais n'est sans doute pas au dessus de toute critique; son mandat paraît un peu longuet semble-t-il aux yeux des Anglais; mais l'Histoire retiendra j'espère, outre son charisme, la force et la sincérité de ses convictions. Grâce à elles il réforma et modernisa son parti, qui était au moins aussi rétrograde et doctrinaire que le PS français. Il engagea son pays résolument aux côtés de L'Amérique, dans le combat pour la Liberté, connaissant la difficulté de l'enjeu et sachant qu'il risquait de ternir sa popularité.
On peut donc méditer son avertissement : « le danger avec l'Amérique d'aujourd'hui n'est pas qu'elle est trop impliquée. Le danger serait qu'elle décide de relever le pont-levis et de se désengager ».

Pendant ce temps, Mr Chirac qui constate que «La Méditerranée est devenue le point focal des incompréhensions entre les peuples», en est réduit a proposer la mise en place d'un « atelier culturel » entre l'Europe, la Méditerranée et le Golfe pour « promouvoir le dialogue des peuples et des culture »...
Qu'obtient-il en réponse ? L'exhortation à se convertir à l'islam envoyée par le président iranien, et les menaces des nervi d'Al Quaeda recommandant à leurs affidés de semer la peur «dans le coeur des traîtres et des fils apostats de France» et d'écraser «les piliers de l'alliance croisée».
Mr Chirac va devoir user de beaucoup de patience pour parvenir, comme il le souhaite, à «conjurer le choc de l'ignorance, de la bêtise et de l'arrogance».

Aujourd'hui même, la montée de l'intolérance se manifeste une fois encore à l'occasion de propos tenus par le pape Benoît XVI au cours d'un voyage en Allemagne. Il a demandé aux croyants du monde entier de « professer le visage d'un Dieu humain » et a condamné la guerre sainte et le recours à la violence au nom de Dieu : "Celui qui veut conduire quelqu'un à la foi a besoin de bien parler et de raisonner correctement, au lieu [d'user] de la violence et de la menace."
Si certaines de ses paroles visent à l'évidence, le fanatisme islamique, il n'en a pas moins accusé l'Occident chrétien de construire un monde dans lequel « Dieu est superflu » et de repousser « la religion dans le champ de la sous-culture» l'empêchant «de s'insérer dans le dialogue des cultures».
Ces réflexions, auraient donc pu inciter les musulmans modérés à se désolidariser des extrémistes fanatiques et à se rapprocher d'une vision humaniste de la religion. Pour l'heure hélas, elles ne font que déclencher au contraire un tollé tous azimuts, nourri de haine et d'anathèmes, assez inquiétant...

11 septembre 2006

Que la Liberté guide nos pas...


Le 11 septembre 2001, la Liberté a été frappée en plein coeur. Ceux qui ont proclamé la main sur le leur « Nous sommes tous des Américains » doivent être conscients du poids de leurs paroles. On ne se met pas à la place de ses amis pour un seul jour. Quand on scelle son destin au leur, ce n'est pas pour dénouer ces liens dès le lendemain.

L'Amérique blessée a réagi. Deux tyrannies sont tombées et la liberté s'est installée à leur place. Bien fragilement certes, mais rien ne dit qu'il soit impossible de progresser. Le combat n'est pas fini. Plus de 2600 soldats sont morts. Qui oserait prétendre qu'ils ne se battaient pas pour que l'Irak et l'Afghanistan puissent vivre libres et que leurs peuples n'aient plus peur de l'avenir ?

Le 11 septembre est un jour de tristesse, mais ce peut être un jour d'espoir s'il signifie qu'aucune personne n'est morte en vain. Séparées, l'Amérique et l'Europe risquent de s'engager sur des voies périlleuses ou sans issue. Le monde en souffrira. Ensemble elles peuvent faire avancer la lumière et la liberté. Leur fraternité sera sans nul doute un exemple pour d'autres. Le défi est gigantesque mais à portée de main. Puissions nous être à la hauteur... INDEX-PROPOS

08 septembre 2006

En France, l'opinion ne Bush guère...

Rediffusion hier soir par France 2 du pamphlet réalisé par William Karel, dirigé contre l'administration américaine actuelle, et subtilement intitulé « Le monde selon Bush ».
Faut-il croire qu'il soit encore nécessaire de renforcer le sentiment anti-américain qui étouffe déjà littéralement dans notre pays tout esprit critique depuis tant d'années ?

Le même Karel dans un précédent film, « Opération Lune », avait déjà montré comment on pouvait, grâce à un montage cinématographique habile, soutenir les thèses le plus abracadabrantes et donner l'apparence d'un documentaire objectif aux mensonges les plus gros.

Eh bien c'est sans aucune réserve qu'il faudrait lui faire confiance lorsqu'il entreprend de démolir le gouvernement américain en usant des mêmes recettes : assimilations grossières, raccourcis abrupts, basés sur des extraits vidéo coupés de leur contexte, des fragments d'interviews mis bout à bout.
L'essentiel de l'argumentaire se fonde sur des supputations et des insinuations parfois grotesques, allant par exemple jusqu'à qualifier les horribles attentats du 11 septembre de « cadeau » offert aux dirigeants américains pour leur permettre d'assouvir leur besoin obsessionnel d'en découdre avec l'Irak !
Quasi rien n'est dit sur l'intervention militaire en Afghanistan, qui permit grâce à une campagne éclair la chute du régime odieux des Talibans. En revanche, le film revient sans cesse sur l'illégitimité supposée de celle déclenchée en 2003 en Irak, présentant notamment ce dernier comme totalement étranger à la problématique moyen-orientale et cause « d'aucun danger imminent ».
Jamais il n'est rappelé que le tyran de Bagdad avait envahi le Koweit en 1991, que depuis cette date il narguait la Communauté Internationale, jusqu'à retenir en otage les inspecteurs de l'ONU, qu'il fut le seul chef d'état au monde à se réjouir publiquement des attentats de New-York, qu'il massacrait plusieurs dizaines de milliers de ses propres concitoyens par an, n'hésitant pas pour cette tâche, à utiliser d'atroces armes chimiques, enfin qu'il rêvait tout haut de détruire définitivement Israël...
Rien n'est dit non plus des longs mois de négociations pendant lesquels la chance fut laissée maintes fois à Saddam Hussein de trouver une porte de sortie honorable. Rien n'évoque l'intense débat démocratique contradictoire qui se déroula aux USA, et qui aboutit à un large consensus politique légitimant l'opération militaire.

Bref, la manière se présenter les choses adoptée par Mr Karel et son co-scénariste Eric Laurent, dont on connaît la haine recuite pour la famille Bush, ne se distingue en rien de celle employée par Michael Moore. Le président américain est présenté à travers ces tripatouillages comme un véritable illuminé religieux, moitié idiot moitié naïf, entouré d'une horde de comploteurs intriguant dans son dos. La plus belle et ancienne démocratie du monde à qui tant de pays, dont le nôtre, doivent la liberté est assimilée à un peuple d'imbéciles prêts à gober n'importe quelle sornette.
Hélas force est de constater que c'est en France qu'on trouve tant de benêts capables d'avaler aussi goulûment de tels torrents d'insanités. Évidemment les médias y contribuent largement en ne montrant et remontrant qu'un seul point de vue, mais tout de même...
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Ah ! ça Iran, ça Iran, ça Iran...

Mr Douste-Blazy donne parfois l'impression de faire de la politique étrangère comme d'autres font du macramé : en amateur. Au sujet de l'Iran par exemple, on serait même prêt à lui reconnaître un certain sens du comique si ce n'était aussi grave.
En août 2005, il s'insurgeait courageusement sur France-Inter, affirmant « qu’il fallait empêcher l’Iran de fabriquer la bombe atomique » et qualifiant « d’inacceptables les pressions actuelles de Téhéran »
Au début de l'année 2006, alors qu'on pouvait encore espérer une négociation, il était encore plus explicite : «Aujourd'hui c'est très simple : aucun programme nucléaire civil ne peut expliquer le programme nucléaire iranien » avait-il déclaré, « donc, c'est un programme nucléaire militaire clandestin.»
Depuis le conflit au Liban, il semble curieusement avoir tourné casaque et son ardeur a fondu comme neige au soleil, alors que la situation est plus inquiétante que jamais. Chacun a compris en effet que le Hezbollah était la créature de l'Iran et que ses buts fièrement revendiqués sont la destruction d'Israël et la création d'une république islamique au Liban. Chacun a pu voir que cette organisation ne se contentait plus de menaces, mais qu'elle était passée à l'action, montrant dores et déjà la mesure de sa capacité de nuisance.
Chacun peut entendre enfin les propos agressifs et intolérants des dirigeants iraniens et constater qu'ils deviennent de plus en plus arrogants et déterminés.

Eh bien c'est ce moment précis que notre sémillant ministre choisit pour déclarer qu'il faut considérer l'Iran comme "un acteur respecté et important", qui joue un "rôle de stabilisation dans la région" !
Alors que George Bush alerte une fois encore la communauté internationale sur la menace représentée par un pays dirigé par des fanatiques, et qu'il tente de rameuter la cavalerie : « Les nations du monde libre ne permettront pas à l'Iran de produire l'arme nucléaire. », Mr Douste trouve très fin de se désolidariser par avance en minimisant le danger, mettant même en garde contre une dérive vers une « guerre de civilisations » entre les Occidentaux et le monde musulman, et ridiculisant à mots couverts le président américain : « Le mal et le bien ne sont pas décrétés par des Occidentaux dans un pays donné ».
Après Dominique de Villepin face à Saddam, Mr Douste volant au secours du président Ahmadinejad dans l'espoir de sauver la paix, cela rappelle de bien mauvais souvenirs.
En avril 1938, Daladier trouvait des accents martiaux pour illustrer la détermination de la France à défendre son alliée la Tchécoslovaquie : "Si la France et la Grande-Bretagne continuent de s'incliner devant la violence, si l'esprit politique qui leur est commun est inspiré par la faiblesse, elles ne feront que précipiter de nouveaux appels à la force et en préparer le succès". L'ennui c'est qu'en septembre de la même année, il s'inclinait piteusement avec Neville Chamberlain devant les exigences du Führer, évitant temporairement la guerre, mais oubliant les promesses faites aux Tchécoslovaques et préparant le séisme qui allait ravager l'Europe et le monde moins de 2 ans plus tard.
Churchill avait trouvé le 5 octobre 1938 devant les Communes, les mots justes, mais effroyables pour qualifier cette lâcheté :
« Tout est fini. La Tchécoslovaquie muette, triste, abandonnée et brisée s'enfonce dans les ténèbres », et parlant des brillants négociateurs : "Ils ont eu le choix entre le déshonneur et la guerre ; ils ont choisi le déshonneur, et ils auront la guerre"...
Daladier de son côté, quoique faible, n'était pas dupe. Il fut surpris du triomphe que la foule lui fit à son retour de Munich. Il laissa échapper dans un murmure qui n'échappa pas à son entourage immédiat : "Les cons, s'ils savaient..."
Certes l'Iran de 2006 n'est pas l'Allemagne de 1938 et Israël n'est pas la Tchécoslovaquie, mais tout de même, l'histoire a parfois un goût de déjà vu...
INDEX-PROPOS

Je fusionne, tu fusionnes, ils fusionnent...

Les députés sont de vrais gamins. Ils jouent au débat parlementaire en déposant pas moins de 137.449 amendements destinés à bloquer le projet de fusion GDF-Suez ! Vaine plaisanterie qui aura probablement l'effet inverse de celui recherché et conduira peut-être à renoncer à toute discussion puisque la loi permet de rejeter l'ensemble sans nuance par la procédure du vote bloqué ou sans vote du tout, en invoquant tout simplement le fameux 49.3... De toute manière, c'est vraiment pour rire, car ce qui est en cause, ce n'est pas la fusion, qui ne choque personne, mais la privatisation, synonyme d'horreur absolue dans notre pays.

C'est une vraie épidémie par les temps qui courent. Après Canalsat et TPS, ce soir c'est Alcatel et Lucent qui s'associent pour devenir un seul conglomérat : le numéro 2 mondial des équipementiers télécom ! C'est pourtant curieux, ni les actionnaires d'Alcatel, ni ceux de Lucent n'avaient l'air d'être convaincus du bien fondé de la manoeuvre à l'issue des assemblées générales entérinant ce choix (Le Monde 7/9/06)...

06 septembre 2006

God bless you, Bob

Dans un monde plein d'insipide sentimentalité, de platitudes ronflantes, d'urgences vaines, et d'ersatz démocratiques, Bob Dylan fait partie des quelques repères rassurants qui au dessus du tumulte mou, vous rappellent que l'existence est plus que tout cela et qu'elle vaut bien la peine d'être vécue.
Il n'affiche pas de grands sentiments, se garde de toute niaiserie intellectuelle et de tout engagement borné. Mais il est là. Il est rugueux comme la terre sur laquelle on peine, moelleux comme l'herbe où l'on s'allonge, humble et sauvage comme les fleurs qui peuplent le bord du chemin, et aussi libre que les voiles qui glissent l'été sur l'horizon ensoleillé. Son oeuvre baigne dans une intemporalité tranquille à la fois continue et sans cesse renouvelée. A l'image des palétuviers plongeant des milliers de racines dans la boue de la mangrove, son talent puise son inspiration à mille sources, et se nourrit du quotidien en le transcendant de mille façons.
Dans son dernier album intitulé tout simplement, et par tendre dérision « Modern Times », on trouve toutes les facettes de cet art à nul autre pareil. Le son est velouté, léger, aérien, parfaitement maîtrisé, la voix pincée tient du feulement mais son timbre est plus profond et magnifique que jamais. Cette musique apaisée, sereine, lumineuse emprunte tantôt au jazz, tantôt au blues (thunder on the mountain, rollin' and tumblin', someday baby), s'égare en ballades émouvantes (spirit on the water, when the deal goes down, workingman's blues #2, beyond the horizon), revient par moment à une scansion plus appuyée (Nettie Moore) et meurt en une douce et indicible complainte (ain't talkin'). Un vrai trésor.
INDEX-MUSIQUE

31 août 2006

V pour vendetta : vers le meilleur des mondes ?

Cette histoire qui reprend le thème rebattu du vengeur masqué évoque naturellement de prime abord le personnage emblématique de Zorro : solitude du héros, cape et chapeau noir, voltiges à l'arme blanche, paraphes en lettres de feu...
Pour s'en démarquer, les scénaristes ont tenté d'instiller un peu d'ambiguïté dans l'intrigue, et d'inattendu dans le manichéisme. Hélas ça donne en fait une sorte de galimatias sans queue ni tête, nourri d'allusions plutôt équivoques : D'un côté on découvre l'Angleterre soumise à un régime totalitaire qui justifie sa pression policière par des périls imaginaires, mais dont le peuple s'accommode assez bien, accroché qu'il est à son confort matériel. L'église y est comme il se doit, pervertie et inféodée au Pouvoir, l'homosexualité, synonyme d'intelligence et d'ouverture d'esprit est persécutée, et le Coran constitue la relique émouvante d'une culture bannie. L'Amérique quant à elle est en pleine décomposition « à cause des guerres qu'elle a entreprises... »
De l'autre côté, on suit les péripéties d'un justicier censé incarner le bien mais dont les jugements sont expéditifs. Il n'hésite pas « pour la bonne cause », à tuer, brutaliser, terroriser, ou à faire sauter joyeusement les symboles même de la démocratie que sont le Parlement et le Palais de Justice en se servant du métro pour véhiculer ses bombes...
Au final le sentiment qui domine, c'est celui d'assister à une farce sinistre qui s'épuise en bavardages sentencieux et invraisemblances ridicules. L'esthétique léchée de BD post-moderniste ne parvient à sauver cette douteuse aventure qu'on voit s'achever non sans un certain soulagement. INDEX-CINEMA

28 août 2006

Retour vers le meilleur des mondes


A la fin des années cinquante, près de 30 ans après avoir écrit Le Meilleur des Mondes, Aldous Huxley jugea nécessaire de revenir au problème « énorme » de la liberté et de ses ennemis.
Son propos reste par bien des aspects d'une brûlante actualité, même si certaines de ses craintes ne paraissent à ce jour pas trop fondées : la surpopulation par exemple, qui l'incitait à préconiser des remèdes malthusiens, ne menace guère les régimes démocratiques. Aujourd'hui c'est plutôt la dénatalité qui constitue pour elles un problème.
De même on n'est plus trop effrayé par la propagande subliminale ou bien celle infligée pendant le sommeil, qu'il appelle hypnopédie. Leurs dangers paraissent pour l'heure assez théoriques.
Il reste toutefois une réflexion pénétrante sur la fragilité de la liberté, menacée aujourd'hui encore par toute une série de fléaux très concrets :
-L'excès d'organisation qui conduit à la bureaucratie, à la centralisation, à l'uniformité, et à la perte progressive du contrôle par les citoyens des leviers de commande la société : « L'organisation est indispensable, car la liberté ne peut naître et avoir un sens que dans une communauté d'individus coopérant sans contrainte à la réglementation de l'ensemble.
Mais bien qu'indispensable, elle peut aussi être fatale. Son excès transforme hommes et femmes en automates, paralyse l'élan créateur et abolit la possibilité même de l'indépendance. »
-La propagande et l'endoctrinement qui restent très présents en dépit de la mort des grandes idéologies du XXè siècle. Huxley est très convaincant lorsqu'il montre comment on peut par l'endoctrinement, anéantir la personnalité la plus affirmée et avoir raison de la raison la plus solidement ancrée : « Si l'endoctrinement est bien fait au stade voulu de l'épuisement nerveux, il réussira. Dans des conditions favorables, pratiquement n'importe qui peut être converti à n'importe quoi. »
La montée du fanatisme islamique est la preuve flagrante de la permanence de ce démon qu'on croyait terrassé. Il serait instructif de savoir pourquoi autant de jeunes gens acceptent de mourir en kamikaze, en se rendant coupables dans le même temps de carnages démentiels. Il est impossible que des êtres doués de raison en viennent à de telles extrémités, surtout au nom de Dieu, sauf à avoir été contraints par une diabolique propagande « à accepter pour évident ce dont il serait raisonnable de douter. » Il faut donc conclure qu'il existe des infrastructures puissantes d'endoctrinement et de coercition, au sein même parfois d'authentiques démocraties. Ce sont les pépinières des totalitarismes de demain.
-Le plus grave enfin : l'abandon progressif de l'attachement à la liberté. Huxley cite des sondages de l'époque objectivant que : « La majorité des adolescents au dessous de 20 ans ne croient pas aux institutions démocratiques, ne voient pas d'inconvénient à la censure des idées impopulaires, ne jugent pas possible le gouvernement du peuple par le peuple et s'estimeraient parfaitement satisfaits d'être gouvernés d'en haut par une oligarchie d'experts assortis, s'ils pouvaient continuer à vivre dans les conditions auxquelles une période de grande prospérité les a habitués. »
Cette sorte d'insidieuse démission constitue peut-être le venin le plus dangereux. C'est sans doute à cause d'elle que tant de gens à se fermèrent les yeux sur le péril hitlérien lors des négociations de Munich, préféraient être « rouges plutôt que morts » lorsque les hordes communistes surarmées trépignaient d'impatience aux portes de l'Europe, ou de nos jours se lavèrent les mains du sort des Irakiens soumis à un despote sanguinaire, sous-estiment complaisamment la dictature terrifiante de Castro, ou enfin semblent se résigner à la disparition pure et simple d'Israël, qualifié de plus en plus souvent de corps étranger en terre d'islam...
A la fin de son ouvrage, Huxley évoque le Dodo, cet oiseau sans aile, autrefois endémique sur l'île Maurice et aujourd'hui disparu : « Tout oiseau qui a appris à gratter une bonne pitance d'insectes et de vers sans être obligé de se servir de ses ailes renonce bien vite au privilège du vol et reste définitivement à terre. »
Et il conclut : La Liberté, « un certain nombre d'entre nous croient encore que sans elle les humains ne peuvent pas devenir pleinement humains et qu'elle a donc une irremplaçable valeur » INDEX-LECTURE

23 août 2006

Honni soit qui Google y pense...

En feuilletant distraitement le dernier numéro de l'Express, je tombe sur un entretien accordé à la revue par Jean-Noël Jeanneney, président de la Bibliothèque Nationale de France.
Ça commence plutôt bien car il commente avec enthousiasme le fabuleux développement de l'internet et cherche à convaincre des bienfaits des techniques de numérisation qu'il voit comme « un moyen de sauvegarder les livres », et « de mettre à portée de tous les richesses accumulées au long de siècles ».
Mais il émet aussitôt des réserves sur la manière d'y parvenir, critiquant sans ménagement l'initiative de Google, qui prévoit de numériser en 6 ans pas moins de 15 millions d'ouvrages.

On peut certes comprendre qu'il soit un peu frustré par l'ampleur du projet. Ça fait évidemment beaucoup par rapport à celui de la BNF, Gallica, qui propose à ce jour 80.000 livres en ligne et qui espère en produire désormais 120.000 par an.
En réalité, c'est la nature même de la démarche qui le chiffonne : Google, « c'est un environnement américain qui préside au choix des livres et à la manière de les présenter », « C'est le royaume du vrac », asservi « à une logique marchande », dans lequel « un algorithme aussi secret que la recette du Coca-Cola », privilégie quelques références « comme les têtes de gondoles dans les librairies ».
Mr Jeanneney est choqué et il enfonce le clou. Pour lui c'est clair, « si l'état ne surplombe pas le marché, la diversité culturelle sera écrasée ».
Curieuse manière de raisonner : il s'insurge contre « les grands monopoles » tout en constatant la profusion difficilement égalable de leurs offres, il craint la « loi du marché » qui présente en premier ce qui se demande le plus, et il en déduit étrangement que seul l'Etat, par ses serviteurs zélés, est capable de régenter l'univers culturel !
En citant le général de Gaulle : « Ne soyez pas aveugle en face du marché », il donne pourtant lui-même une clé intéressante. On a vu par le passé les ravages de la culture d'Etat. Le marché quant à lui, n'impose les choses qu'aux gens qui se les laissent imposer. Soyons éclairés et le marché le sera. Mais pourquoi donc abandonner à d'autres les choix qui nous incombent ?

Aujourd'hui même on pouvait lire dans la presse que la Commission de Bruxelles n'avait jamais enregistré autant de fusions d'entreprises qu'en 2006, plus de 345 ! Ce qui est habituellement salué comme un évènement heureux et encouragé par les Pouvoirs Publics, autant d'ailleurs pour les entreprises nationalisées que privées, ne laisse pas d'inquiéter. J'aimerais, en bon libéral jeffersonien que je suis, être certain que cette tendance concentrationnaire ne constitue pas un danger pour l'émulation et le progrès...
INDEX-PROPOS

L'enfer est souvent pavé de bonnes intentions

Toujours dans l'Express, Claude Allègre s'interroge gravement au sujet de la peine de mort : en la supprimant, « n'a-t-on pas instauré une torture plus barbare encore ? »
Il rappelle qu'il approuva sans réserve l'abolition, inscrite dans le programme électoral de François Mitterrand en 1981 pour plusieurs raisons : elle rend l'erreur judiciaire moins irréparable tout en n'ayant aucune influence péjorative sur les statistiques de criminalité, et elle prend en compte le bon vieux principe rousseauiste qui veut qu'un homme ne soit jamais « définitivement bon ou mauvais ».
S'il paraît ne pas regretter son choix, il se lamente cependant sur l'alternative retenue : « Pour satisfaire une opinion publique toujours plus répressive et désormais privée de sang, on a institué la réclusion perpétuelle incompressible ». Elle ne fait en effet selon lui que fabriquer « des fauves dangereux » ou « des dépressifs profonds ».
Mais au delà de ces propos quelque peu réducteurs et méprisants pour le peuple, le problème est qu'il ne dit pas ce qu'il faudrait en définitive faire.
Ah ces gens bien intentionnés, qui ne veulent pas de bourreaux parce que c'est inhumain, qui ne veulent pas de « perpète » parce que c'est cruel, et qui ne veulent pas même de prisons parce qu'il vaut mieux construire des écoles et des logements sociaux...
Avec leurs bons sentiments, ont-ils seulement imaginé qu'ils avaient une part de responsabilité dans le grand délabrement de la justice en France ? Les victimes d'assassins récidivistes, les prisons surpeuplées, les outrances judiciaires dont Outreau fut le tragique révélateur, n'ont-elles pas quelque chose à voir avec leurs doutes larmoyants, issus contre toute attente d'une morale somme toute très dogmatique ?
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Trois enterrements

Ça commence par la mort d'un homme, tué par balles, dont on découvre le corps au milieu de nulle part, entre le fin fond du Texas et l'orée du Mexique, alors que les coyotes s'apprêtent à le dévorer.
Mais cette entrée en matière brutale, évoquant un thriller brûlant, se met à patiner un bon moment en tergiversations, supputations, et allers et retours incessants entre le passé et le présent, autour de personnages et d'évènements qu'on peine à mettre en cohérence. On se demande même si quelque chose va vraiment démarrer au sein de cette atmosphère desséchante, ivre de poussière et de soleil.
D'autant que la vie est dure dans cette contrée reculée. La police des frontières omniprésente, n'est pas tendre avec les malheureux qui tentent de fuir leur pays pour gagner un hypothétique eldorado. D'une manière générale les gens ne sont pas très avenants, à l'image de Tommy Lee Jones avec sa silhouette hâve et sa gueule burinée, mal rasée de vieux cow boy désabusé. L'ennui est sur toutes les têtes. Les femmes le trompent en trompant leur mari et les hommes en buvant, et en baisant les femmes qui trompent leur mari...

Et puis les morceaux épars du puzzle se rassemblent tout à coup.
Cet homme, on apprend par qui et pourquoi il a été tué. On découvre qu'il avait un ami qui tenait vraiment à lui. On comprend que pour cet ami, le crime ne peut rester impuni et que les dernières volontés du défunt doivent être exaucées.
Une vengeance se dessine alors, car la justice doit passer, même si ceux dont c'est le métier s'avèrent incapables de la rendre.
Elle va donc s'accomplir au travers d'une hallucinante chevauchée, une sorte de vertigneux et insensé huis clos itinérant. Un véritable voyage expiatoire, rude, terrible, dont la simplicité implacable évoque naturellement les errances solitaires des héros du western classique.
Tommy Lee Jones, dont c'est la première réalisation, en fait un peu trop dans le sordide. Mais il signe toutefois une oeuvre originale, magnifiquement dirigée et servie avec brio par des acteurs excellents : lui-même, Barry Pepper, mais aussi par exemple Levon Helm - le batteur du groupe mythique The Band - qu'on découvre en vieil ermite aveugle qui supplie qu'on achève sa vie sans espoir. Le tout s'appuie sur un scénario dur, mais fort heureusement pas aussi gratuit qu'on pouvait le craindre. Les situations sont plus complexes qu'il n'y paraît. L'assassin avait des raisons d'en vouloir à sa victime, mais il ne le savait pas. Le mort était gentil mais un peu menteur. Quant à l'immigration clandestine, elle est là comme un fait tragique, incontournable, pas comme le prétexte à un parti pris idéologique...
Bref, c'est diablement humain...
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