12 octobre 2006

Le pays du matin calme vous salue bien

C'est étrange, les voix qui chantaient à l'unisson la faute à Bush lorsque ce dernier décidait de s'en prendre à Saddam Hussein, celles qui conseillaient de s'occuper plutôt de la Corée, sont bien silencieuses tandis que Ministaline fait joujou avec ses bombes du côté de Pyongyang.

Il est vrai que notre président est très pris par les temps qui courent. C'est fou les éclairs de lucidité qui frappent tout à coup son auguste personne au terme d'une carrière de près d'un demi-siècle. Après avoir découvert les injustices flagrantes touchant la retraite des anciens soldats coloniaux, il veut désormais "réformer le dialogue social" (Le Figaro 11/10) ! Vaste programme...
Quant au reste de la classe politique ils sont bien trop occupés à s'éliminer les uns les autres, au grand jeu de la primaire, comme à la Star-Ac...
Rendons-leur justice, ils se préoccupent tout de même des grands problèmes internationaux, puisqu'ils viennent d'obtenir à l'Assemblée Nationale le vote d'un texte ferme et efficace, sanctionnant un pays « voyou » : la Turquie de 1915, pour ses pogroms en Arménie ! On peut dire qu'ils ont l'esprit d'à propos...
Encore un peu de patience et ils vont bientôt s'attaquer à la révolution bolchévique !


Soyons sérieux, qui fait du barouf au sujet de la Corée, à part sa voisine du sud et le Japon qui sont trop proches géographiquement pour être crédibles : encore et toujours Bush ! Zut alors, on lui a déjà fait comprendre : la France n'est pas une vassale des USA. Bush aura beau s'époumoner à l'ONU, il n'engagera que lui.
En plus, il nous refait le coup des armes de destruction massive alors que selon Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, il n'y a vraiment pas de quoi fouetter un chat. Elle doute qu'il s'agisse d'une bombe atomique et a déclaré sur Europe 1, mercredi 11 octobre, que même "s'il s'agissait d'une explosion nucléaire, il s'agirait d'une explosion ratée, si je peux dire" . Ça aurait fait pschiit comme dirait l'autre (en Iran aussi, mais ça fait plutôt chiite...)
Entre nous soit dit, une explosion ratée, n'est-ce pas plus inquiétant encore qu'une explosion réussie ?


PS : Pendant ce temps, le Parlement irakien, élu démocratiquement, avance doucement. Entre mille périls, il a définitivement adopté mercredi 11/10 la loi créant un Etat fédéral (L'Express). Sans doute ignore-t-il les propos d'Artaban-Villepin, affirmant en toute modestie que pas «un pays ne conteste aujourd'hui la justesse de la position française» (Grand Jury- RTL-Le Figaro-LCI 9/10)

Le convoyeur

Sur une bonne idée, voici encore un exemple de l'incurable morbidité du cinéma français. L'ambiance lourde, grise, poisseuse, ultra-violente, véritablement répugnante qui imprègne ce film de bout en bout, est à vomir. C'est bien simple, rien n'éveille le moindre sentiment ni la moindre émotion dans cet infernal magma. Les entreprises de transports de fonds y sont l'émanation de la civilisation du fric et comme il se doit sont pourries jusqu'à l'os, juste bonnes à être rachetées par les « Ricains ». Les convoyeurs dont on imaginait le métier avec empathie sont dépeints ici comme des brutes avinées sans foi ni loi, guère plus intéressantes que les truands qui les attaquent à l'arme lourde.
Albert Dupontel campe un personnage totalement halluciné dont le jeu se résume à un festival psychiatrique faisant alterner expressions muettes de poisson mort, regards exorbités d'idiot constipé, et trépidations d'épileptique en rupture de traitement. On se doute que tout ça est la faute à la société comme d'habitude mais la rengaine est éculée et on trouve bien long ce déferlement prétentieux et gratuit de haine et de sang, qui trouve son apothéose dans un joli spectacle sons et lumières, en forme de carnage général.

11 octobre 2006

Zumbach's coat


Iain Matthews est comme une preuve vivante que ce qui est beau est rare.
Chanteur à la voix douce, claire, chaude, envoûtante, mélodiste d'une exceptionnelle sensibilité, il est bien méconnu, après 40 ans d'une carrière étincelante. Avant sa longue et belle trajectoire en solo, cet anglais errant et discret s'illustra pendant le Flower Power comme leader de groupes aussi prestigieux que Fairport Convention, ou Matthews Southern Comfort.

Aujourd'hui il livre en toute humilité le fruit doucement mûri d'une inspiration toujours intacte. On y trouve des perles dont le charme grandit à chaque écoute : One door opens, July rain, To be white, Start again, The Limburg girl and the traveling man...
L'album doit son titre au roman d'un ancien professeur de psychologie d'Harvard, Richard Alpert plus connu sous le pseudonyme de Ram Dass. Ami et complice de Timothy Leary, Aldous Huxley, Allen Ginsberg, il fut exclu de la prestigieuse université pour avoir initié ses élèves aux sortilèges de la psylocibine, et consacra par la suite sa vie à la sagesse orientale.
Dans le livre en question, Zumbach est un tailleur qui déploie tant de virtuosité commerçante, tant d'ingéniosité publicitaire qu'il convainc ses clients d'acheter des articles dont ils n'ont aucun besoin. Parabole élégante prenant pour cible la société de consommation, elle agit manifestement comme un baume sur Iain Matthews qui poursuit son chemin d'artiste hors des sentiers battus, un peu ignoré mais serein. Fasse le ciel qu'il continue encore longtemps d'enchanter ceux qui le suivent en rêvant d'un monde meilleur...

07 octobre 2006

Une théorie de la justice


Le libéralisme est souvent accusé par ses détracteurs d'être injuste ou inégalitaire. Naturellement, les théories philosophiques sur lesquelles il s'appuie sont les cibles de critiques non moins virulentes. Principalement l'Utilitarisme, né en Angleterre au XVIIIè siècle sous l'impulsion de Jeremy Bentham. On reproche notamment à son « principe du plus grand bonheur pour le plus grand nombre» de faire peu de cas de la justice sociale et des droits des minorités.
D'où l'intérêt qu'on se doit de porter à la contribution d'un penseur américain tel que John Rawls (1921-2002), souvent présenté comme utilitariste, épris d'équité. Se réclamant d'une vision pragmatique du monde, mais désireux de la réconcilier avec la morale, il obtint la consécration, notamment auprès des intellectuels de gauche, en publiant une imposante « Théorie de la Justice » en 1971.
La lecture de cette oeuvre s'avère ardue tant elle est touffue, et riche de concepts abstraits ou subjectifs. Autant le dire tout de suite, même avec un a priori favorable, je n'y ai pas trouvé la lumineuse clarté qui fit mes délices en découvrant les écrits de David Hume ou de John Stuart Mill. De ce fait, elle ne répond guère me semble-t-il, à l'esprit de l'utilitarisme qui est avant tout une philosophie pratique, aux concepts facilement compréhensibles et surtout applicables dans la réalité quotidienne.
Il est communément admis que Rawls fonde sa conception de la justice sur deux notions cardinales : Le "principe de liberté", et le "principe de différence". Prenons les séparément afin de les analyser avec un regard de béotien curieux.
Le premier est aisément recevable, bien qu'il soit défini de manière plutôt alambiquée : « Chaque personne a droit à un système pleinement adéquat de libertés de base égales pour tous, compatible avec un même système de liberté pour tous; et dans ce système, la juste valeur des libertés, et de celles-là seulement doit être garantie. » On comprend qu'il se situe dans le droit fil de la conception du droit proposée par Kant (ne pas faire à autrui ce qu'on ne voudrait pas qu'il vous fit, ou encore reconnaître comme juste l'intérêt d'autrui). Il peut également s'inscrire dans la filiation de Montesquieu : « Ma liberté s'arrête là où commence celle de l'autre », qui inspira la déclaration des droits de l'homme en 1789 : « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ».
Rien de choquant donc, puisqu'il s'agit de la base du contrat social sur lequel repose toute société responsable. Pour garantir la pérennité de cette valeur, Rawls trouve d'ailleurs une formule convaincante : « la liberté ne peut être limitée qu'au nom de la liberté. » L'obligation récente dans laquelle s'est trouvé le gouvernement britannique, réputé tolérant, de sévir face à l'attitude arrogante et violente de certaines communautés islamiques est une application pratique édifiante de ce concept.
Le second principe est en revanche plus ambigu et discutable. Il introduit en effet une notion éminemment subjective, celle de « l'inégalité juste ». Elle peut certes se concevoir comme règle de bon sens lorsqu'il s'agit de pallier un handicap naturel. Par exemple lorsque on offre à des enfants la possibilité d'accéder à un niveau d'études à hauteur de leurs capacités, quelque soit leur statut social.
On est d'ailleurs ici dans une logique parfaitement utilitariste qui consiste, ne serait-ce que dans l'intérêt général, à permettre aux individus de s'épanouir dans les meilleures conditions et de donner le meilleur d'eux-mêmes. C'est en quelque sorte, la fameuse « discrimination positive » si à la mode de nos jours...
Rawls a conscience qu'il est difficile ou utopique de donner à tous une stricte égalité, même réduite aux seuls droits et chances. Il juge nécessaire de préciser qu'il ne s'agit pas supprimer toutes les inégalités : juste celles qui défavorisent certaines personnes, surtout pas celles qui sont justifiées par l'utilité commune.
C'est là que le bât blesse, car tout se tient, et il paraît quasi impossible de distinguer objectivement les inégalités, et de toucher aux unes en respectant les autres. Le risque est donc grand de retomber dans le nivellement égalitaire par le bas, dont on connaît trop bien l'inanité, ou bien dans la facilité de mesures aussi réductrices et perverses que sont les quotas imposés (par sexe, race ou statut social...)
Rawls essaie de se sortir du traquenard intellectuel dans lequel il s'est engagé, en invoquant à son secours le fair-play et ce qu'il appelle le "voile d'ignorance".
L'intérêt de ce raisonnement est qu'il s'adresse à une communauté d'êtres humains responsables, ce qui est en cohérence avec l'objectif principal de la démocratie. Sa faiblesse est qu'on soit malheureusement encore si loin du but...
Du coup le fair-play reste à l'état de voeu pieux...
Quant au voile d'ignorance, il s'apparente à une construction très théorique. Il consiste en effet à postuler que les sujets amenés à prendre une décision, devraient se trouver au plus près d'une position « originelle », indépendante des critères du choix lui-même. Autrement dit, qu'ils soient en mesure d'extraire leur cas personnel de la problématique posée. Selon Rawls, « le voile est une métaphore dont la fonction est de borner l'information disponible, pour mettre en scène des partenaires, responsables des intérêts essentiels des citoyens libres et égaux, en mesure d'avancer une argumentation valide dans un cadre d'équité. »
L'exercice, si tant est qu'on puisse en juger à partir d'une définition aussi sibylline, consiste en quelque sorte à n'être pas à la fois juge et partie. Or il est hélas impossible pour des êtres humains de s'extraire totalement d'une problématique concernant la société dans laquelle ils vivent. La tentation est forte d'affirmer, en s'inspirant du célèbre théorème de Gödel, qu'il restera toujours un degré d'indécidabilité dans ce type de choix.
C'est précisément pour cela que les utilitaristes "classiques" recommandent de se déterminer, non pas en fonction de principes ou d'une justice immanents, mais plus prosaïquement de critères pragmatiques d'efficacité.
On ne doit pas par exemple, décider de la manière de sanctionner les crimes en se réclamant d'une hypothétique justice divine, ni en invoquant le besoin naturel de vengeance ou de revanche, mais en ayant à l'esprit le rapport bénéfices/risques pour la société, le problème étant de quantifier au plus juste ces notions. Ici en simplifiant, on dira qu'il s'agit avant tout de trouver la moins mauvaise solution entre deux écueils : le risque de l'erreur judiciaire et celui de la récidive.
Dans un domaine moins critique, la légitimité de l'impôt de "solidarité" sur la fortune ne devrait pas se poser en teme de justice sociale mais d'efficacité réelle de la mesure, en comparant objectivement les retombées positives et négatives. Il n'a jamais été prouvé qu'on enrichissait les pauvres en appauvrissant les riches...
En définitive, malgré de louables efforts, Rawls peine à se distinguer de John Stuart Mill qui était parfaitement averti de la tendance naturelle des hommes « à croire qu’un sentiment subjectif, si aucune autre explication n’en est donnée, soit la révélation d’une réalité objective ». Pour les utilitaristes dignes de ce nom, l'objectivité constitue depuis toujours un but essentiel.
En toute humilité, ils estiment que c'est à partir de la réalité pratique qu'on l'appréhende le mieux, et qu'on a la meilleure chance ici bas de se rapprocher de la fameuse position originelle de Rawls ou encore du non moins fameux impératif catégorique de Kant. Et ce souci n'exclut aucune considération morale.
C'est vraiment mal connaître les utilitaristes que de les accuser de n'être point humanistes. Une seule phrase de John Stuart Mill décrit suffisamment l'état d'esprit qui animait leur pensée : « entre son propre bonheur et celui des autres, l’utilitarisme exige de l’individu qu’il soit aussi rigoureusement impartial qu’un spectateur désintéressé et bienveillant »
L'apport de John Rawls, même s'il apparaît d'une grande sincérité, est donc quelque peu décevant. Plébiscité dans les années soixante-dix, il est au plan philosophique, comme l'expression de la mauvaise conscience occidentale et plus précisément du doute destructeur qui s'empara du monde anglo-saxon. Au plan stylistique il reste toutefois très dogmatique, ce qui lui valut ce trait assassin de la part de Toni Negri : « Un formalisme fort dans la pensée molle ».
En réclamant la prééminence de la liberté, sa théorie ne peut toutefois être complètement mauvaise.
Si elle donne envie de comprendre l'essence de l'utilitarisme, elle deviendra vertueuse...INDEXLECTURE

03 octobre 2006

L'utopie du professeur Nimbus


J'avoue ne pas bien comprendre les raisons de l'encensement médiatique constant dont bénéficie le professeur Albert Jacquard depuis nombre d'années.
Ce « grand scientifique » dont le caractère fondamental de la contribution en « génétique mathématique » reste assez nébuleux, fait preuve lorsqu'il parle de philosophie, d'une pensée rudimentaire, nourrie de bons sentiments mais enfonçant la plupart du temps les portes ouvertes du conformisme le plus niais.
Pour preuve ce florilège de sentences glanées dans son ouvrage intitulé Petite philosophie à l'usage des non-philosophes :
« L'amoureux qui espère ressent plus de bonheur que l'amoureux qui a obtenu ! »
« Sans l'homme, l'univers n'est qu'un continuum sans structure. »
« Être conscient que demain existera et que je peux avoir une influence sur lui est le propre de l'homme. »
« L'essentiel, peut-être, est intemporel. »
« Sans imagination il ne pourrait y avoir création. »

Je sais bien qu'il peut être réducteur de juger quelqu'un à partir de citations, mais je peine vraiment à trouver quoi que ce soit de novateur dans la foule de platitudes dont il nous abreuve régulièrement. Plus grave, il revendique même les erreurs tragiques de certains « intellectuels », en proclamant que « L'important n'est pas que mon discours soit vrai, mais qu'il soit sincère. » On connaît les ravages qu'un tel raisonnement a entraîné par le passé. Pour un soi-disant scientifique, et à notre époque, c'est tout simplement impardonnable.
Il est donc difficile d'accepter sans réagir, les vieilles lunes qu'il nous sert dans son dernier livre « Mon utopie », dont la presse se fait complaisamment l'écho jusque dans les pages glacées du Figaro Madame.
Mr Jacquard ressort en effet à propos de l'enseignement, la théorie usée jusqu'à la corde de l'égalitarisme pédagogique : « Avec ses notations, ses concours, ses palmarès, notre système éducatif instaure la soumission, et la course contre les autres ». Pas mal pour celui qui n'aime rien comme être le premier dans les manifestations, qui a le don de pointer avant tous les autres, sa bobine de professeur Nimbus partout où il y a des caméras de télévision, qui prétend même mieux que tout le monde, savoir comment il faudrait que le monde soit !
Il faut préciser que l'ancien polytechnicien, qui sourit d'aise quand on lui donne des « monsieur le professeur », n'hésite pas un instant pour juger en toute humilité son parcours d'étudiant émérite : « À Polytechnique, je n’ai rien appris ». Sans doute faut-il en déduire que comme tout un chacun, il avait la science infuse...
Et quand on lui demande de préciser davantage sa pensée, il avance à l'appui de sa thèse des arguments énormes, du genre indiscutable : « il y a dix mille ans, quand on chassait le mammouth, on n’essayait pas d’être le meilleur chasseur de mammouth » !
Sacré farceur ce Mr Jacquard ! Si personne n'avait essayé d'être meilleur chasseur de mammouth, nous serions probablement encore dans les cavernes ! Sans doute imagine-t-il que ça serait plus simple en matière de droit au logement... 

28 septembre 2006

La vengeance est un plat qui se mange froid...


Dans le dernier volume de son ouvrage « Le pouvoir et la vie », l'ancien président se déleste d'accusations graves et surtout sordides à l'encontre de l'hôte actuel de l'Elysée. Il évoque notamment les confidences que lui aurait faites François Mitterrand quelques jours avant sa mort. Ce dernier lui aurait révélé que Jacques Chirac et lui s'étaient rencontrés peu de temps avant l'élection présidentielle de 1981, et que le chef du RPR lui aurait confié qu'il fallait « se débarrasser de Giscard ». Mitterrand alla paraît-il même alors jusqu'à affirmer « qu'il n'aurait jamais été élu sans l'apport des voix de Chirac ».
Pourtant de l'aveu du même Giscard, et à la même époque, Chirac de son côté avait démenti, « catégoriquement toute rencontre secrète avec Mitterrand ».
Giscard ferait-il donc davantage confiance à Mitterrand son adversaire, qu'à Chirac, son ancien premier ministre (et qui c'est une certitude, lui avait permis d'être élu en 1974)? Et surtout oublierait-il que ce sont surtout les Français qui le renvoyèrent sans ménagement dans ses foyers, peut-être parce qu'ils avaient été un tantinet déçus par sa politique ? INDEX-PROPOS

27 septembre 2006

The ballad of Jack and Rose


Jack est un intéressant spécimen de hippie fossilisé. Il est confit dans ses vieux idéaux, tendance new age, écolo, et misanthrope. Don Quichotte de la rusticité, il est en guerre avec la société et tout particulièrement avec les promoteurs immobiliers qui investissent progressivement le terrain sur l'île de Nouvelle Angleterre, où il s'est exilé. Il y a bâti un micro-univers dans lequel il s'est enfermé après la mort de sa femme, avec ses certitudes et surtout avec sa fille Rose. Entre elle et lui, c'est un amour fusionnel, excessif, parfois un peu trouble, et narcissique.
Le jour où il décide de faire entrer dans leur petit monde une amie, Kathleen, et ses deux garçons, l'ordre et l'harmonie artificiels dans lesquels évolue cet étrange duo volent en éclats. Les drames se succèdent, l'émancipation de Rose est brutale et à plusieurs moments on frôle la catastrophe. Jack prend peu à peu conscience de l'impasse dans laquelle il s'est fourvoyé. La fin de l'histoire est hélas tragique, mais tout de même porteuse d'espérance.
Avec la performance étonnante de Daniel Day Lewis, c'est toute la force de ce film par ailleurs un peu long. La vision n'est ni bornée, ni manichéiste. Les sentiments sont complexes, un peu désespérés, ambigus, mais vierges de tout a priori idéologique. Certaines scènes sont poignantes et l'ensemble laisse une étrange sensation d'inachevé peuplé de questions torturantes : Aimons nous vraiment ceux que nous aimons ? Suffit-il d'aimer quelqu'un pour faire son bonheur ? A-t-on raison de haïr ceux que nous haïssons et de croire à ce que nous croyons ? INDEX-CINEMA

22 septembre 2006

Il n'est de pire aveugle que celui qui ne veut pas voir


Décidément Nicolas Sarkozy semble avoir décidé de faire parler de lui. Après sa visite à la Maison Blanche, ses propositions iconoclastes sur la carte scolaire, les régimes spéciaux de retraite, il attaque bille en tête la Justice, et ses dysfonctionnements.

Bien qu'étant dubitatif sur la volonté réelle du ministre de l'intérieur de changer nombre d'archaïsmes et d'idées reçues dont notre pays crève, j'avoue trouver ses sorties récentes assez jouissives tant elles sont décomplexées et tant elles laissent désemparé le microcosme politique autour de lui. Pour l'heure c'est lui l'agitateur d'idées et personne d'autre. Faute d'inspiration, ils en sont tous réduits à aboyer derrière lui...


La justice est mise en cause. La belle affaire ! Après les ratés mémorables d'Outreau on attendrait d'elle un peu de modestie. Bien au contraire, le premier président de la cour de cassation Guy Canivet demande à être reçu par Jacques Chirac, pour se plaindre des agissements de son ministre ! Il déplore une « nouvelle atteinte à l'indépendance de l'autorité judiciaire » ! Parce que selon lui sans doute, lorsqu'on est juge on devrait être à l'abri de toute critique, et autorisé à toutes les conneries...

Comme s'ils souhaitaient eux aussi irriter le président Canivet, 28 préfets sortent de leur réserve et manifestent aujourd'hui dans le Monde leur mécontentement, déplorant la montée de la violence juvénile et accusant au premier chef les juges : « la déficience de la réponse judiciaire » est « la principale difficulté à la réalisation des objectifs de lutte contre la délinquance ».

Face à ce vrai problème, crûment posé, le plus délectable dans l'affaire restent comme prévu, les réactions de la classe politique, complètement à côté de la plaque

Celle d'abord de Jean-François Copé affirmant que les magistrats avaient «pleinement à cœur de faire respecter la règle de droit». Le pauvre, ça doit tout de même chatouiller le gosier, ce genre de couleuvre lorsqu'on s'est fendu d'un bouquin intitulé : « Promis, j'arrête la langue de bois » !

Celles bien sûr dans la majorité, de ceux qui à l'image du porte parole du gouvernement ménagent la chèvre et le chou dans l'attente de connaître avec certitude le champion auquel il faudra se rallier.

Et surtout les protestations quasi hystériques de certains socialistes, outrés sans doute qu'on ose ainsi s'attaquer au rituel empesé de la liturgie technocratique : Arnaud Montebourg qualifie Nicolas Sarkozy d'«anti-républicain dangereux» qui «doit être rappelé à l'ordre rapidement», Laurent Fabius et François Hollande appellent Jacques Chirac a « rappeler à l’ordre son ministre de l’Intérieur ». Enfin last but not least, Ségolène Royal, pour qui le ministre de l'Intérieur doit «présenter ses excuses» après un «dérapage inadmissible» . Pas de doute, le conservatisme et l'esprit réactionnaire ne sont plus là où on les croyait... INDEX-PROPOS

20 septembre 2006

Le grand méchant mou


Mr Chirac est en forme paraît-il. Et à quoi juge-t-on cette bonne santé ? Très simple : Il cultive le conservatisme le plus rétrograde et l'esprit de compromission le plus inconséquent.
Sur l'Iran par exemple, il trouve opportun à l'ONU de prendre à nouveau le contrepied de la position américaine en affirmant que : « la suspension de l'enrichissement d’uranium n'est plus un préalable à l'ouverture des négociations. » Il veut paraît-il « tester la volonté de négociation » du régime des ayatollahs (France Inter ce matin). Il faut tout de même le faire à l'heure où ces derniers vocifèrent entre autres imprécations, depuis plusieurs mois qu'ils ne céderont sur rien... Peut-être rêve-t-il de leur vendre le savoir faire technique de la France en la matière, comme il l'avait fait pour l'Irak de Saddam Hussein ?
En politique intérieure Mr Chirac juge utile de se démarquer de Nicolas Sarkozy. Les régimes de retraite spéciaux, qui constituent autant de privilèges féodaux, on n'y touche pas, la carte scolaire génératrice de tant d'injustices et d'inégalités flagrantes, on n'y touche pas... Bref, tout va bien madame la marquise ! INDEX-PROPOS

15 septembre 2006

Les cieux et les dieux sont incertains...



A l'occasion de son voyage récent aux USA, Nicolas Sarkozy a eu le courage – il faut bien le dire – de se démarquer des lieux communs ronflants et méprisants si souvent entendus au sujet des relations franco-américaines : «Plus jamais nous ne devons faire de nos désaccords une crise, a -t-il plaidé. De nos désaccords, faisons l'occasion d'un dialogue constructif, sans arrogance et sans mise en scène».
Faisant clairement allusion aux tartarinades de Mr de Villepin en 2003, lorsqu'il agitait le spectre du veto au conseil de sécurité de l'ONU, il a même fait amende honorable : «Jamais on ne doit chercher à mettre ses alliés dans l'embarras. On ne doit jamais donner l'impression de se réjouir des difficultés de nos alliés. Pour notre dialogue, l'efficacité dans la modestie, c'est ce qu'il y a de mieux.»
Évidemment le choeur des bien-pensants ne pouvait laisser sans écho ce pavé jeté dans l'espèce de bouillie pharisienne qui tient lieu de débat d'idées dans notre pays. Les Bouvard et Pécuchet de la morale franchouillarde sont rapidement montés au créneau. Mr Hollande a reproché à Nicolas Sarkozy d'être « non pas pro-américain mais pro-Bush ». Probablement sa conception approximative de la démocratie l'empêche-t-elle de comprendre que même si le président américain n'a pas que des amis dans son pays il est tout de même le représentant légitime de son peuple. Quant à Mr Bayrou, il a fait encore plus fort en accusant cette entrevue de contribuer à la «glorification de Bush». Plus ridicule, tu meurs...



Tony Blair, en dépit d'une popularité déclinante, garde le courage de ses opinions. Dans une contribution donnée au laboratoire d'idées Foreign Policy Centre, il condamne sans détour « la tendance à cultiver un sentiment antiaméricain dans certains secteurs de la politique européenne » la qualifiant de « folie, comparée aux intérêts à long terme du monde dans lequel nous croyons ».
Le premier ministre anglais n'est sans doute pas au dessus de toute critique; son mandat paraît un peu longuet semble-t-il aux yeux des Anglais; mais l'Histoire retiendra j'espère, outre son charisme, la force et la sincérité de ses convictions. Grâce à elles il réforma et modernisa son parti, qui était au moins aussi rétrograde et doctrinaire que le PS français. Il engagea son pays résolument aux côtés de L'Amérique, dans le combat pour la Liberté, connaissant la difficulté de l'enjeu et sachant qu'il risquait de ternir sa popularité.
On peut donc méditer son avertissement : « le danger avec l'Amérique d'aujourd'hui n'est pas qu'elle est trop impliquée. Le danger serait qu'elle décide de relever le pont-levis et de se désengager ».

Pendant ce temps, Mr Chirac qui constate que «La Méditerranée est devenue le point focal des incompréhensions entre les peuples», en est réduit a proposer la mise en place d'un « atelier culturel » entre l'Europe, la Méditerranée et le Golfe pour « promouvoir le dialogue des peuples et des culture »...
Qu'obtient-il en réponse ? L'exhortation à se convertir à l'islam envoyée par le président iranien, et les menaces des nervi d'Al Quaeda recommandant à leurs affidés de semer la peur «dans le coeur des traîtres et des fils apostats de France» et d'écraser «les piliers de l'alliance croisée».
Mr Chirac va devoir user de beaucoup de patience pour parvenir, comme il le souhaite, à «conjurer le choc de l'ignorance, de la bêtise et de l'arrogance».

Aujourd'hui même, la montée de l'intolérance se manifeste une fois encore à l'occasion de propos tenus par le pape Benoît XVI au cours d'un voyage en Allemagne. Il a demandé aux croyants du monde entier de « professer le visage d'un Dieu humain » et a condamné la guerre sainte et le recours à la violence au nom de Dieu : "Celui qui veut conduire quelqu'un à la foi a besoin de bien parler et de raisonner correctement, au lieu [d'user] de la violence et de la menace."
Si certaines de ses paroles visent à l'évidence, le fanatisme islamique, il n'en a pas moins accusé l'Occident chrétien de construire un monde dans lequel « Dieu est superflu » et de repousser « la religion dans le champ de la sous-culture» l'empêchant «de s'insérer dans le dialogue des cultures».
Ces réflexions, auraient donc pu inciter les musulmans modérés à se désolidariser des extrémistes fanatiques et à se rapprocher d'une vision humaniste de la religion. Pour l'heure hélas, elles ne font que déclencher au contraire un tollé tous azimuts, nourri de haine et d'anathèmes, assez inquiétant...

11 septembre 2006

Que la Liberté guide nos pas...


Le 11 septembre 2001, la Liberté a été frappée en plein coeur. Ceux qui ont proclamé la main sur le leur « Nous sommes tous des Américains » doivent être conscients du poids de leurs paroles. On ne se met pas à la place de ses amis pour un seul jour. Quand on scelle son destin au leur, ce n'est pas pour dénouer ces liens dès le lendemain.

L'Amérique blessée a réagi. Deux tyrannies sont tombées et la liberté s'est installée à leur place. Bien fragilement certes, mais rien ne dit qu'il soit impossible de progresser. Le combat n'est pas fini. Plus de 2600 soldats sont morts. Qui oserait prétendre qu'ils ne se battaient pas pour que l'Irak et l'Afghanistan puissent vivre libres et que leurs peuples n'aient plus peur de l'avenir ?

Le 11 septembre est un jour de tristesse, mais ce peut être un jour d'espoir s'il signifie qu'aucune personne n'est morte en vain. Séparées, l'Amérique et l'Europe risquent de s'engager sur des voies périlleuses ou sans issue. Le monde en souffrira. Ensemble elles peuvent faire avancer la lumière et la liberté. Leur fraternité sera sans nul doute un exemple pour d'autres. Le défi est gigantesque mais à portée de main. Puissions nous être à la hauteur... INDEX-PROPOS

08 septembre 2006

En France, l'opinion ne Bush guère...

Rediffusion hier soir par France 2 du pamphlet réalisé par William Karel, dirigé contre l'administration américaine actuelle, et subtilement intitulé « Le monde selon Bush ».
Faut-il croire qu'il soit encore nécessaire de renforcer le sentiment anti-américain qui étouffe déjà littéralement dans notre pays tout esprit critique depuis tant d'années ?

Le même Karel dans un précédent film, « Opération Lune », avait déjà montré comment on pouvait, grâce à un montage cinématographique habile, soutenir les thèses le plus abracadabrantes et donner l'apparence d'un documentaire objectif aux mensonges les plus gros.

Eh bien c'est sans aucune réserve qu'il faudrait lui faire confiance lorsqu'il entreprend de démolir le gouvernement américain en usant des mêmes recettes : assimilations grossières, raccourcis abrupts, basés sur des extraits vidéo coupés de leur contexte, des fragments d'interviews mis bout à bout.
L'essentiel de l'argumentaire se fonde sur des supputations et des insinuations parfois grotesques, allant par exemple jusqu'à qualifier les horribles attentats du 11 septembre de « cadeau » offert aux dirigeants américains pour leur permettre d'assouvir leur besoin obsessionnel d'en découdre avec l'Irak !
Quasi rien n'est dit sur l'intervention militaire en Afghanistan, qui permit grâce à une campagne éclair la chute du régime odieux des Talibans. En revanche, le film revient sans cesse sur l'illégitimité supposée de celle déclenchée en 2003 en Irak, présentant notamment ce dernier comme totalement étranger à la problématique moyen-orientale et cause « d'aucun danger imminent ».
Jamais il n'est rappelé que le tyran de Bagdad avait envahi le Koweit en 1991, que depuis cette date il narguait la Communauté Internationale, jusqu'à retenir en otage les inspecteurs de l'ONU, qu'il fut le seul chef d'état au monde à se réjouir publiquement des attentats de New-York, qu'il massacrait plusieurs dizaines de milliers de ses propres concitoyens par an, n'hésitant pas pour cette tâche, à utiliser d'atroces armes chimiques, enfin qu'il rêvait tout haut de détruire définitivement Israël...
Rien n'est dit non plus des longs mois de négociations pendant lesquels la chance fut laissée maintes fois à Saddam Hussein de trouver une porte de sortie honorable. Rien n'évoque l'intense débat démocratique contradictoire qui se déroula aux USA, et qui aboutit à un large consensus politique légitimant l'opération militaire.

Bref, la manière se présenter les choses adoptée par Mr Karel et son co-scénariste Eric Laurent, dont on connaît la haine recuite pour la famille Bush, ne se distingue en rien de celle employée par Michael Moore. Le président américain est présenté à travers ces tripatouillages comme un véritable illuminé religieux, moitié idiot moitié naïf, entouré d'une horde de comploteurs intriguant dans son dos. La plus belle et ancienne démocratie du monde à qui tant de pays, dont le nôtre, doivent la liberté est assimilée à un peuple d'imbéciles prêts à gober n'importe quelle sornette.
Hélas force est de constater que c'est en France qu'on trouve tant de benêts capables d'avaler aussi goulûment de tels torrents d'insanités. Évidemment les médias y contribuent largement en ne montrant et remontrant qu'un seul point de vue, mais tout de même...
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Ah ! ça Iran, ça Iran, ça Iran...

Mr Douste-Blazy donne parfois l'impression de faire de la politique étrangère comme d'autres font du macramé : en amateur. Au sujet de l'Iran par exemple, on serait même prêt à lui reconnaître un certain sens du comique si ce n'était aussi grave.
En août 2005, il s'insurgeait courageusement sur France-Inter, affirmant « qu’il fallait empêcher l’Iran de fabriquer la bombe atomique » et qualifiant « d’inacceptables les pressions actuelles de Téhéran »
Au début de l'année 2006, alors qu'on pouvait encore espérer une négociation, il était encore plus explicite : «Aujourd'hui c'est très simple : aucun programme nucléaire civil ne peut expliquer le programme nucléaire iranien » avait-il déclaré, « donc, c'est un programme nucléaire militaire clandestin.»
Depuis le conflit au Liban, il semble curieusement avoir tourné casaque et son ardeur a fondu comme neige au soleil, alors que la situation est plus inquiétante que jamais. Chacun a compris en effet que le Hezbollah était la créature de l'Iran et que ses buts fièrement revendiqués sont la destruction d'Israël et la création d'une république islamique au Liban. Chacun a pu voir que cette organisation ne se contentait plus de menaces, mais qu'elle était passée à l'action, montrant dores et déjà la mesure de sa capacité de nuisance.
Chacun peut entendre enfin les propos agressifs et intolérants des dirigeants iraniens et constater qu'ils deviennent de plus en plus arrogants et déterminés.

Eh bien c'est ce moment précis que notre sémillant ministre choisit pour déclarer qu'il faut considérer l'Iran comme "un acteur respecté et important", qui joue un "rôle de stabilisation dans la région" !
Alors que George Bush alerte une fois encore la communauté internationale sur la menace représentée par un pays dirigé par des fanatiques, et qu'il tente de rameuter la cavalerie : « Les nations du monde libre ne permettront pas à l'Iran de produire l'arme nucléaire. », Mr Douste trouve très fin de se désolidariser par avance en minimisant le danger, mettant même en garde contre une dérive vers une « guerre de civilisations » entre les Occidentaux et le monde musulman, et ridiculisant à mots couverts le président américain : « Le mal et le bien ne sont pas décrétés par des Occidentaux dans un pays donné ».
Après Dominique de Villepin face à Saddam, Mr Douste volant au secours du président Ahmadinejad dans l'espoir de sauver la paix, cela rappelle de bien mauvais souvenirs.
En avril 1938, Daladier trouvait des accents martiaux pour illustrer la détermination de la France à défendre son alliée la Tchécoslovaquie : "Si la France et la Grande-Bretagne continuent de s'incliner devant la violence, si l'esprit politique qui leur est commun est inspiré par la faiblesse, elles ne feront que précipiter de nouveaux appels à la force et en préparer le succès". L'ennui c'est qu'en septembre de la même année, il s'inclinait piteusement avec Neville Chamberlain devant les exigences du Führer, évitant temporairement la guerre, mais oubliant les promesses faites aux Tchécoslovaques et préparant le séisme qui allait ravager l'Europe et le monde moins de 2 ans plus tard.
Churchill avait trouvé le 5 octobre 1938 devant les Communes, les mots justes, mais effroyables pour qualifier cette lâcheté :
« Tout est fini. La Tchécoslovaquie muette, triste, abandonnée et brisée s'enfonce dans les ténèbres », et parlant des brillants négociateurs : "Ils ont eu le choix entre le déshonneur et la guerre ; ils ont choisi le déshonneur, et ils auront la guerre"...
Daladier de son côté, quoique faible, n'était pas dupe. Il fut surpris du triomphe que la foule lui fit à son retour de Munich. Il laissa échapper dans un murmure qui n'échappa pas à son entourage immédiat : "Les cons, s'ils savaient..."
Certes l'Iran de 2006 n'est pas l'Allemagne de 1938 et Israël n'est pas la Tchécoslovaquie, mais tout de même, l'histoire a parfois un goût de déjà vu...
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Je fusionne, tu fusionnes, ils fusionnent...

Les députés sont de vrais gamins. Ils jouent au débat parlementaire en déposant pas moins de 137.449 amendements destinés à bloquer le projet de fusion GDF-Suez ! Vaine plaisanterie qui aura probablement l'effet inverse de celui recherché et conduira peut-être à renoncer à toute discussion puisque la loi permet de rejeter l'ensemble sans nuance par la procédure du vote bloqué ou sans vote du tout, en invoquant tout simplement le fameux 49.3... De toute manière, c'est vraiment pour rire, car ce qui est en cause, ce n'est pas la fusion, qui ne choque personne, mais la privatisation, synonyme d'horreur absolue dans notre pays.

C'est une vraie épidémie par les temps qui courent. Après Canalsat et TPS, ce soir c'est Alcatel et Lucent qui s'associent pour devenir un seul conglomérat : le numéro 2 mondial des équipementiers télécom ! C'est pourtant curieux, ni les actionnaires d'Alcatel, ni ceux de Lucent n'avaient l'air d'être convaincus du bien fondé de la manoeuvre à l'issue des assemblées générales entérinant ce choix (Le Monde 7/9/06)...

06 septembre 2006

God bless you, Bob

Dans un monde plein d'insipide sentimentalité, de platitudes ronflantes, d'urgences vaines, et d'ersatz démocratiques, Bob Dylan fait partie des quelques repères rassurants qui au dessus du tumulte mou, vous rappellent que l'existence est plus que tout cela et qu'elle vaut bien la peine d'être vécue.
Il n'affiche pas de grands sentiments, se garde de toute niaiserie intellectuelle et de tout engagement borné. Mais il est là. Il est rugueux comme la terre sur laquelle on peine, moelleux comme l'herbe où l'on s'allonge, humble et sauvage comme les fleurs qui peuplent le bord du chemin, et aussi libre que les voiles qui glissent l'été sur l'horizon ensoleillé. Son oeuvre baigne dans une intemporalité tranquille à la fois continue et sans cesse renouvelée. A l'image des palétuviers plongeant des milliers de racines dans la boue de la mangrove, son talent puise son inspiration à mille sources, et se nourrit du quotidien en le transcendant de mille façons.
Dans son dernier album intitulé tout simplement, et par tendre dérision « Modern Times », on trouve toutes les facettes de cet art à nul autre pareil. Le son est velouté, léger, aérien, parfaitement maîtrisé, la voix pincée tient du feulement mais son timbre est plus profond et magnifique que jamais. Cette musique apaisée, sereine, lumineuse emprunte tantôt au jazz, tantôt au blues (thunder on the mountain, rollin' and tumblin', someday baby), s'égare en ballades émouvantes (spirit on the water, when the deal goes down, workingman's blues #2, beyond the horizon), revient par moment à une scansion plus appuyée (Nettie Moore) et meurt en une douce et indicible complainte (ain't talkin'). Un vrai trésor.
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