Bien sûr, il n’y a rien d’obligatoirement choquant à émettre une opinion négative sur son propre pays. Mais le caractère systématique, quasi prévisible, des diatribes finit paradoxalement par renforcer indirectement la thèse inverse à celle soutenue au départ. Le vrai risque est peut-être même de déclencher par effet de balancier, un mouvement en sens contraire tout aussi outrancier que le sien.
Sa vision manqua singulièrement de perspective et presque invariablement son opinion resta au ras des choses.
Il haissait les « bons Américains », ceux-la même qui malgré leurs défauts ont fait de l’Amérique ce qu’elle est, mais il fut un peu court dans les propositions alternatives. Pas de projet, guère d’aspiration précise et l’obligation de faire machine arrière, à chaque fois que le cours des évènements lui donna tort. Et les désaveux furent nombreux dans son parcours intellectuel ! Exemple, pour mieux porter son idéal de Gauche, il fut candidat à la mairie de New York, dont il qualifia lui-même les habitants de « gens biens » ; résultat, il fut battu à plate couture, ne réunissant qu’à peine 6% des suffrages.
Il se prétendit avant-gardiste mais il réussit à s’attirer les foudres des mouvements féministes, en raison de propos maladroits voire, de son propre aveu, idiots. Pire, il faillit même assassiner sa propre femme d'un coup de couteau un soir de beuverie (la seule action qu'il avoua regretter)...
Ses prises de position très critiques face au système judiciaire de son pays témoignèrent également du caractère hasardeux de son jugement. Il usa par exemple de toute son influence pour obtenir la libération conditionnelle d'un voyou, un certain Abbott, lequel ne trouva rien de mieux à faire que d’assassiner un homme de sang froid quinze jours après sa sortie de prison !
Pour s’excuser, l’écrivain utilisa alors des arguments qui font insulte à son intelligence tant ils sont éculés. C’est naturellement la société qu’il jugea responsable de ne pas avoir su « accompagner » l’individu, pour permettre sa réinsertion harmonieuse. Lui même ne nia pas d’ailleurs, sa propre responsabilité ! Il pensait que « cela se passerait bien » !
Il recommença le même type d'erreur lorsqu'il prit, de manière lyrique et quelque peu ampoulée, la défense de Gary Gilmore à la fin des années 70 (Le Chant du Bourreau). Faisant fi des sanglots attendris de l'écrivain qui prétendait plaider sa cause, le condamné choisit résolument, non sans panache, non sans courage, la peine de mort plutôt que l'emprisonnement à vie...
En revanche, pas un président républicain ne trouva grâce à ses yeux partisans; Nixon fut qualifié d’habile gangster, Reagan était « creux comme une calebasse »…
Il imaginait que tout n’est dans ce bas monde, que complots, calculs et manigances. A cause de celà, il passa à côté des réalités, les découvrant toujours après coup, dans le rétroviseur. Ou bien jamais. A 84 ans, quelques semaines avant sa mort, il restait persuadé que le communisme était un danger inventé de toutes pièces par son pays en mal d'ennemi ! Tout comme l'islamisme de nos jours, pour servir d'alibi à la « guerre sainte » de George Bush ! Il osa même qualifier les attentats du 11 septembre 2001 « d'égratignure sur la carapace » de son pays au motif qu'ils ne firent que 3000 morts sur 300 millions d'habitants !