13 mars 2024

Gaza, Ukraine, même impéritie

La guerre, dans toute son horreur, est à l'œuvre sur ces deux champs de bataille exposés depuis quelques mois au feu roulant des canons, mais aussi des médias. Nul ne peut contester l’atrocité des tueries qui s’y déroulent, nul ne peut s’exonérer d’un sentiment de révolte et de désolation face à ces conflits dont les victimes semblent s’accumuler sans fin. 
Mais une fois passée l’émotion, comment contribuer à l’émergence d’une solution susceptible de ramener la paix ? 

A chaque fois qu’il s’exprime sur le sujet, le Président de la République Emmanuel Macron manifeste décidément une courte vue navrante. Il est prompt à organiser des hommages a posteriori et très ronflant dans ses discours. Dans les actes, il révèle son impuissance et pire, une désespérante inconséquence. 

S’agissant de Gaza, tout en dénonçant “le plus grand massacre anti-sémite de notre siècle” et en affirmant soutenir sans équivoque Israël et son droit à l’autodéfense, il juge “intolérable” le bilan de la riposte aux atrocités du 7 octobre, et après plusieurs exhortations vaines, il exige de Benyamin Netanyahou qu’il mette fin aux opérations militaires
Mais quand a-t-il exigé la même chose du Hamas ? Quand a-t-il condamné la férocité sauvage de cette organisation qui depuis tant d’années se vante de vouloir éradiquer Israël et fait le malheur de son propre peuple, en le prenant en otage de ses desseins monstrueux ? Quelle solution propose-t-il pour briser l'acharnement démentiel des terroristes, qui retiennent encore plus d’une centaine d’otages ? Comment espère-t-il faire réellement pression, au moins verbalement, sur ces ignobles assassins pour qu’enfin ils libèrent sans condition ces malheureux et qu’ils rendent les armes, afin d’ouvrir enfin une perspective concrète à l’arrêt des combats ? 
 
S’agissant du conflit russo-ukrainien, la position du Chef de l’Etat est encore plus irrationnelle. Après s’être fait fort de régler le conflit par un vain bavardage avec Vladimir Poutine, le voici qui prend l’attitude d’un chef de guerre provoquant avec arrogance le président russe. Il n’est plus question de négocier, c’est la guerre totale dont il agite désormais le spectre. 
S’abandonne-t-il au jeu dangereux consistant à instrumentaliser la peur, ou est-ce une simple mais périlleuse provocation lorsqu’il évoque “la volonté d’agression russe contre l’Europe et la France”. Et qu’y a-t-il de concret derrière son vibrant appel à un “sursaut collectif", face au prétendu “changement de posture de la Russie”. 
Après le mini sommet de Paris, réunissant 21 chefs d’Etats, il a révélé que l’envoi de troupes occidentales était envisagé, avant d’être contredit urbi et orbi, de la Pologne aux Etats-Unis en passant par l’Allemagne. 
Quelle mouche l’a donc piqué pour faire ainsi cavalier seul, sans avoir le début des moyens de ses ambitions ? 
 
La réflexion et la cohérence, semblant décidément de plus en plus étrangères au Chef de l’Etat, quelques jours après ces vains coups d’épée dans le marigot, M. Macron réitère. 
Non seulement il n’amende pas sa position mais affirme l’assumer pleinement en clamant que “qu’on ne peut pas permettre à la Russie de gagner” et qu' il n'y a "aucune limite" ni "ligne rouge" au soutien de la France à l’Ukraine. Il s’agit d’une folle fuite en avant puisque la France est seule, et qu’aucun but de guerre n’est même suggéré. S’agit-il de consolider les lignes de défenses actuelles, de récupérer le terrain perdu au Donbass voire en Crimée, ou bien de contraindre la Russie à une défaite totale ? 

Au Proche-Orient comme à l’est de l’Europe, certains subodorent que les foucades déconcertantes du Président de la République n’ont in fine qu’un objectif bassement politicien. Il chercherait à se concilier l’électorat musulman, bien plus nombreux que le juif, tout en cherchant à rediaboliser le Rassemblement National en faisant de lourdes allusions sur ses supposées connivences avec Vladimir Poutine. 
Le Premier Ministre Gabriel Attal semble accréditer cette hypothèse lorsqu’il se livre à l’outrance langagière en affirmant que les troupes russes sont déjà en France, sous la bannière du RN. Pense-t-il vraiment inverser le cours des événements avec d’aussi piteux arguments ou bien cherche-t-il à cliver encore plus la nation française déjà déchirée entre factions rivales ? 
Il y a de quoi être inquiet car ce serait ajouter le cynisme à l’inconséquence, et laisserait penser que M. Macron et son premier ministre sont en train de perdre complètement les pédales…

11 mars 2024

Scellement

Après la panthéonisation, la constitutionnalisation.
On a les victoires qu’on peut…

Quand on n'a plus ni la volonté ni le courage d'agir pour tenter de sortir le pays de la très mauvaise passe dans laquelle il se trouve, il ne reste plus à offrir au bon peuple que des leurres et des ersatz. Le bétonnage constitutionnel sans risque, de lois que personne ne remet en cause, procure à peu de frais la pompe et la solennité dont les dignitaires de notre pays sont friands, à défaut d'honneur et de victoire.  Mais à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire…

Après moults hommages variés, on eut ainsi droit à la cérémonie grotesque du scellement du droit à l'interruption volontaire de grossesse (IVG). On se serait cru chez Ubu lors des consécrations officielles de l’inutile et de la vanité. Tous les satrapes gouvernementaux étaient réunis pour ce grandiose numéro de presse purée constitutionnelle, qualifié par les médias ébahis, tantôt d’émouvant, tantôt d’historique.

Personne au demeurant ne trouva anti démocratique la volonté fièrement affichée de ne plus jamais permettre au peuple de pouvoir changer d’avis.
Personne ne pointa le paradoxe consistant à consacrer le droit de tuer les fœtus après avoir scellé l'abrogation de la peine de mort pour les assassins (trouvera-t-on bientôt normal de pouvoir en finir avec les malades jugés incurables ?).
Personne ne trouva absurde cette glorification du droit à l'IVG au moment où la dénatalité est devenue un problème sociétal majeur. Avec un taux de fécondité tombé à 1,72 enfants par femme, il y a pourtant du souci à se faire pour l’avenir du système de retraite par répartition, entre autres... Du temps de Simone Veil, on comptait déjà 1 IVG pour 4 accouchements. Aujourd'hui c'est 1 pour 3…
Mais le pire de tout est que personne ne trouva insane de continuer à rembourser l’IVG à 100% par l’Assurance Maladie, au moment où du plus haut de l'État on nous dit qu’il devient urgent de faire des économies !

La cérémonie s’acheva aussi piteusement qu’elle avait commencé, par le camouflet infligé au Président par la chanteuse Catherine Ringer. Accouru pour la féliciter d’avoir massacré la Marseillaise, elle le repoussa, avec tout le dédain et la vulgarité qui la caractérisent, nullement gênée d’avoir accepté de participer à cette mascarade organisée par un Pouvoir qu’elle exècre manifestement…

04 mars 2024

Cérémoniaux républicains

A l’instar de Georges Brassens, on peut être rétif aux cérémonies et aux hommages, surtout quand ils tournent à l’habitude rituelle, et qu’ils sonnent comme une excuse pour n’avoir pu agir concrètement. Pire encore, lorsqu’ils s'inscrivent dans l'esprit de parti.

Comment ne pas éprouver de l’émotion en pensant aux victimes du pogrom du 7 octobre 2023 en Israël et aux otages retenus par les terroristes depuis cette date ? Il faudrait n’avoir pas de cœur et pas davantage d’esprit.
Le problème avec les manifestations mémorielles décrétées à cette occasion par le Président de la République est qu’elles ont consacré en quelque sorte l’impuissance des pouvoirs publics et plus généralement de la communauté internationale. Si l’attaque initiale du Hamas date déjà de quelques mois, les horreurs qui y sont liées se poursuivent en temps réel. Derrière les vibrants discours déplorant “le pire massacre antisémite de notre siècle”, que dire de l’incapacité à agir ? Il n’est plus possible de claironner comme pour les victimes du nazisme “plus jamais ça…”
L’impuissance des discoureurs est criante, et d’un tragique consternant lorsque ces derniers se révèlent incapables de donner à un moment de recueillement une portée universelle.
On peut comprendre les familles endeuillées jugeant indésirable la présence de certains, dont l’hypocrisie et les provocations ignobles furent manifestes lors de ce drame, mais il y va de la conscience de chacun. S’il y a un Dieu, lui seul peut distinguer les gens sincères des pharisiens.

Ce mois de février étant décidément propice aux célébrations, il y aurait beaucoup à redire sur celle décrétée par le Chef de l’Etat pour honorer l’ancien garde des sceaux Robert Badinter, disparu le 9.
Il est permis de s’interroger sur son principal fait d’armes qui est d’avoir aboli la peine de mort. Est-ce un vrai titre de gloire ? Qui se souviendrait vraiment de lui sans cette réforme sociétale ?
Quelle valeur revêt cette action sachant qu’elle fut réalisée sans prendre l’avis du peuple (dont on ne pouvait ignorer qu’il était majoritairement contre) ? A quel danger, à quel risque s’exposait le promoteur de cette décision, qualifiée de progrès humain fondamental par le chœur assourdissant des bien-pensants ? Toute réserve fut considérée comme réactionnaire. A plus forte raison, toute opposition fut décrétée nulle et non avenue.
Quelle responsabilité encourait le ministre de la justice de l'époque, qui ne proposa pas la moindre solution alternative à cette abrogation de principe ? Aucune évidemment. Une fois le politicien tranquillement rangé des voitures, et satisfait d’avoir gravé dans le marbre une loi à son nom, c’est toujours à d'autres de gérer les conséquences…
A force d’encenser à grand renfort de tambour médiatique les succédanés d'héroïsme, et de qualifier d’historique n’importe quoi, on dévalue le vrai courage et on insinue la confusion dans les esprits.
Mais le plus grave fut toutefois l’esprit partisan de la famille qui accepta lors de la disparition du cher homme le principe d’un hommage national tout en spécifiant qu’en soit exclue toute personne proche de ce qu’ils nomment l’extrême droite…

La panthéonisation est une vraie manie dans laquelle semble se complaire Emmanuel Macron. Faute d’avoir la volonté d’agir, faute d’avoir la capacité d’améliorer le quotidien de ses concitoyens, il se répand en discours théâtralisés et en pompeux cérémoniaux païens.
Aujourd’hui il intronise des militants communistes, en trompetant qu’ils sont “morts pour la France”. Mais qui sait pourquoi ils sont morts ?
L’idéal au nom duquel ils combattaient ne relevait-il pas d'une doctrine encore plus dévastatrice que le nazisme (bien qu’appartenant à la même nébuleuse socialiste) ?
Là encore, le Président de la République, s'épanchant dans le quotidien l’Humanité, largement subventionné par l’Etat, et qui ose encore se réclamer de nos jours du communisme, croit bon de préciser que "les forces d’extrême droite seraient inspirées de ne pas être présentes, compte tenu de la nature du combat des Manouchian". Pire encore, il enfonce le clou en soulignant que selon son opinion, ni le Rassemblement National ni Reconquête n'ont leur place dans l’arc républicain.
Plus partisan tu meurs…

28 février 2024

In Memoriam Alain Cribier

Derrière son sourire plein de bienveillance et d’humilité, le professeur
Alain Cribier (1945-2024) incarnait l’excellence française en matière médicale et scientifique.
Cardiologue émérite au Centre Hospitalier Universitaire de Rouen, il fut à l’origine d’innovations thérapeutiques majeures. Parmi celles-ci figure la technique de remplacement percutané de la valve aortique dite TAVI. Destiné aux patients, souvent âgés, souffrant de rétrécissement aortique calcifié, le TAVI a totalement bouleversé la prise en charge de cette affection fréquente.
Pour mesurer l’apport d’un tel acte, il faut savoir qu’il était nécessaire auparavant de pratiquer une opération chirurgicale à cœur ouvert, c’est-à-dire de fendre le thorax, de refroidir et d’arrêter le cœur puis d’installer une circulation extra-corporelle durant le temps de l’intervention.

L’idée du professeur Cribier fut de procéder par simple ponction de l’artère fémorale, permettant de faire progresser à contre courant un cathéter jusqu’à l’origine de l’aorte, de dilater la valve sténosée par expansion d’un ballonnet, puis de déplier in situ une bioprothèse, en écrasant en quelque sorte la valve originelle.
Il fallut beaucoup de patience, d’inventivité et d’opiniâtreté pour mettre au point cette technique extrêmement audacieuse.
Il fallut convaincre également beaucoup de partenaires potentiels pour tenter une telle aventure.
Le professeur eut à affronter beaucoup de scepticisme, de défiance, voire de sarcasmes. On qualifia même son invention “d’idée la plus stupide jamais soumise”.
Il persévéra toutefois mais il dut aller chercher en Israël et aux Etats-Unis les soutiens financiers, techniques et industriels indispensables, ce pourquoi les brevets ont échappé à notre pays. Il raconte ce parcours éprouvant dans un entretien passionnant.

Après plus de 10 années d’efforts, la première tentative mondiale de TAVI eut lieu à Rouen en 2002 et fut couronnée de succès. Réservé dans un premier temps aux patients très fragiles ou trop âgés pour être opérés, le TAVI fit rapidement la preuve de son efficacité extraordinaire. Il est désormais réalisé dans le monde entier et à ce jour près de 2 millions de personnes ont pu en bénéficier.
Malheureusement, le professeur Cribier qui tant fait pour tant de patients n’a pas eu le privilège d’avoir une longue vie. Il a toutefois montré qu’à force de volonté, on pouvait déplacer des montagnes comme dit l’adage. En plus d’être un grand médecin, il était un très bon pianiste. Il laisse donc le souvenir d’un scientifique accompli doublé d’un vrai humaniste. Il a montré enfin le potentiel fabuleux du génie français qui ne demande qu’à s’exprimer, pour peu qu’on lui facilite la tâche plutôt que de l’accabler de contraintes, de règles, de contrôles et de cadres asphyxiants…

22 février 2024

More Trump

Donald Trump
est toujours là. Sa silhouette massive de commandeur est plus que jamais omniprésente, malgré les innombrables tentatives entreprises par ses adversaires pour la faire choir dans la poussière.

En bien, mais surtout en mal, on parle de lui. C’est sans doute l’essentiel pour lui, mais ce doit être tout de même éprouvant à la longue. Cet homme n’est-il donc que maléfique ?
La liste des griefs qu’on lui reproche est si longue, si baroque, si fantaisiste qu’elle pourrait prêter à sourire si elle ne révélait une lame de fond anti-démocratique inquiétante.

Son plus grand péché, peut-être l’arme fatale pour le faire chuter, fut assurément la complaisance qu’il manifesta vis-à-vis de la mascarade du Capitole provoquée par sa défaite lors de l’élection bâclée de 2020. Son attitude fut certes fautive, doublement même, puisqu’elle ne pouvait espérer inverser le résultat et qu’elle ouvrait un boulevard à ses ennemis. Mais ses ennemis sont-ils plus vertueux ? Rien n’est moins sûr.
Les chochottes gauchies ont fait mine d’être effarouchées par “la tentative de putsch”, mais elles n’ont jamais été gênées par les tombereaux de qualificatifs orduriers dont on couvre en toute circonstance depuis des années le cher Donald. Ces gens n’ont rien vu de mal dans les manifestations vindicatives faisant suite à son élection fin 2016, lorsque des foules revanchardes firent le siège, des jours durant, de la Maison Blanche en arborant le slogan “Not My President”. Ils ne furent pas davantage troublés de voir des juridictions partisanes bloquer systématiquement tous les décrets émis par le nouveau président et entraver toutes ses actions, lesquelles figuraient pourtant dans le programme pour lequel il avait été élu…

Aujourd’hui on s’offusque dans les chaumières douillettes de la vieille Europe de son discours provocateur, affirmant que son pays ne pourrait plus garantir la sécurité de notre continent si nous n’y mettions pas du nôtre. Certains ont même fait semblant de croire qu’il nous livrait corps et biens à l’ogre russe. Quelle sottise !
Il y a déjà quelques années, Donald Trump président, avait sermonné les Européens et plus précisément les Français, qui évoquaient avec cynisme la “mort clinique” de l’OTAN, financée quasi exclusivement par les seuls Etats-Unis, tout en se complaisant dans une languide torpeur, à l’abri du parapluie de l'Oncle Sam.
Aujourd’hui, il enfonce le clou et la meilleure preuve qu’il a raison est que son discours a porté. On annonce que 17 pays membres de l’OTAN ont enfin porté leur budget à hauteur des 2% minimum qu’il réclamait (bientôt, même la France pourrait y parvenir…).

Vladimir Poutine lors d'une interview vient de révéler qu’il préférait la victoire de Joe Biden à celle Donald Trump. Précisons qu’il fit cette réponse avant d’être traité de “crazy son of a bitch” par l’actuel président américain. Peu importe, car aussitôt les commentateurs avisés se sont empressés de déclarer qu’il s’agissait à l’évidence d’une manœuvre, une sorte de “baiser qui tue”, destiné à discréditer aux yeux des électeurs Joe Biden.
Ces mêmes auraient ils eu la même réaction si Poutine avait déclaré sa préférence pour Trump. La réponse est trop évidente…

17 février 2024

Vive CNEWS !

La petite chaîne de télévision CNEWS, née dans la douleur et malgré l’intolérance partisane en 2017, sur les décombres de ITélé, s’est en quelques années, hissée au premier plan du paysage audiovisuel français (le PAF…).
Elle a su créer un ton nouveau, et attirer quelques journalistes de talent, particulièrement charismatiques. On retient évidemment les prestations de Pascal Praud qui n’a pas son pareil pour animer en semaine, matin et soir, des débats et des controverses pétillantes, avec sa désormais fameuse “Heure des Pros”. On retient également le duo Christine Kelly - Eric Zemmour qui a largement contribué à doper les audiences. A leur suite, sont entrées en scène les professionnelles chevronnées que sont Laurence Ferrari, Sonia Mabrouk, et d’autres plus jeunes mais prometteurs tels Julien Pasquet ou Eliot Deval.
Le succès croissant de la chaîne témoigne de ce dynamisme éditorial et de l’originalité de ses contenus.

C’est sans doute un peu, si ce n’est beaucoup, pour ça qu’on cherche régulièrement à restreindre cette aura médiatique grandissante, détonant dans le pseudo consensus des idées reçues chères à Flaubert.
Comment expliquer sinon le zèle opiniâtre du CSA, devenu ARCOM, ou celui de ministres de la culture vindicatifs, et bien sûr de nombre d’organisations auto-proclamées progressistes, à flétrir l’intrus qualifié de partisan, de droite, voire d’extrême droite ou de complotiste ?
L’argument est tellement éculé qu’il pourrait prêter à sourire. Il pourrait même être qualifié de grotesque lorsqu’on voit l’orientation politique quasi monolithique de tous les canaux télévisés étatiques. Ceux dont on attendrait justement l’objectivité si ce n’est la neutralité…
Si l'on suit la logique insane de ces gens qui dénoncent la pensée de droite, c'est bien la preuve qu'ils sont du bord opposé ! D'ailleurs les a-t-on vu critiquer un organe de presse pour son orientation à gauche ? Nullement...

L’initiative récente de Reporters Sans Frontière (RSF) s’inscrit de manière édifiante dans ce concert des bien pensants à sens unique. Un média d’information et d’opinions mouchardé par ceux-là même qui ont fait vocation de défendre la liberté de la presse, quel paradoxe ! La machine à inverser les valeurs tourne décidément à plein régime…
Un malheur n’arrivant pas seul, le Conseil d’Etat, saisi par ces dérisoires censeurs de la pensée, leur donne raison et ordonne à l’ARCOM de mieux encadrer les faits et gestes de CNEWS, de mieux faire respecter “le pluralisme et l’indépendance de l’information” en tenant compte “des interventions de l’ensemble des participants des chaînes de la TNT”.../… “suivant des modalités qu’il lui appartient de définir”.
En d’autres termes, on comprend qu'on en viendra à ficher de manière arbitraire les orientations politiques des journalistes, des chroniqueurs, et de tous les intervenants, météo comprise, en leur collant une étiquette définitive, comme dans les plus odieux totalitarismes.
On en était déjà arrivé, dans notre pauvre pays, à minuter à la seconde près le temps de parole des politiciens. Faudra-t-il désormais, pour tenter de faire taire CNEWS, chronométrer tous les propos de toutes les personnes s’exprimant sur les plateaux des quelques centaines de chaînes télévisées, selon leur tonalité politique supposée de droite ou de gauche ?
Ubu et Kafka réunis sont dépassés par ce projet démentiel qui constitue une nouvelle attaque contre la liberté d’expression, qui témoigne de la manie de tout contrôler, et qui démontre l’emprise plus que jamais asphyxiante de la bureaucratie.
On peut bien nous parler de simplification ! Chaque jour hélas, on voit s'accroître le poids des réglementations édictées par l’Etat, ses nombreuses succursales, et les innombrables petits potentats et groupes de pression subventionnés, sans aucune légitimité populaire.

Moralité : avec ce nouvel ukase, c’est la télé, déjà mal en point, qu’on veut tuer.
Corollaire : on attend devant un tel affront une réaction ferme et unanime, témoignant de la solidarité journalistique…

08 février 2024

John Galt à Davos ?

Dans le flot chaotique de l’actualité, le
forum économique mondial de Davos (15-19/01/2024) est passé quasi inaperçu. Son objectif principal était pourtant de “Rebâtir la confiance et d’améliorer l’état du Monde ”. Quoi de plus nécessaire par les temps qui courent ?
On eut droit à un magnifique feu d’artifices de belles propositions et à une flopée d’ambitieux plans sur la comète (ou plutôt sur la planète). De dépenses nouvelles il fut largement question. D’économies et de bon sens beaucoup moins…
Plusieurs sujets étaient à l'ordre du jour. Bien sûr le réchauffement climatique avait une place de choix. L’émissaire américain John Kerry, rappela que l’administration dont il dépend avait, par le biais de l’IRA (Inflation Reduction Act), dépensé 369 milliards de dollars visant notamment à subventionner la fabrication de véhicules électriques et d'autres technologies vertes. Non content de ces sommes astronomiques, il souligna que pour rester dans l’impératif de hausse des températures de l’accord de Paris, il faudrait “de l’argent, de l’argent, de l’argent, de l’argent, de l’argent, de l’argent, de l’argent.”
Emmanuel Macron, qui n’est plus à un déficit près, s’est fait un plaisir de renchérir. Décidément à mille lieues des préoccupations des agriculteurs, il s’est fait le champion du climat et de la biodiversité, quoi qu’il en coûte. Il a notamment encouragé l’Europe à émettre à nouveau de la dette commune pour investir dans « de grandes priorités d’avenir », notamment l’intelligence artificielle et le verdissement de l’industrie.

Mais le clou de la cérémonie fut incontestablement le discours du président Javier Milei, très peu rapporté par les médias, alors qu’il valait assurément son pesant de cacahuètes. Fraîchement porté par son peuple à la présidence de la république argentine, il entend mener sa mission au pas de charge. Indifférent aux mirages climatiques, aux sirènes des taux d’intérêt et autres licornes de l’intelligence artificielle, il préféra porter le fer contre le "socialisme" dont l’idéologie règne encore selon lui un peu partout et qui "mène à la pauvreté".
Beaucoup verront évidemment les excès dérangeants d’un discours rompant avec les canons soporifiques du consensus. Beaucoup réduiront même le propos à ces outrances et le rangeront au mieux au rang des élucubrations ultra-libérales et au pire des délires populistes ou d’extrême droite.
Des exagérations il y en a assurément car le pavé est jeté avec force dans la mare, mais des vérités factuelles, il y en a également, qu’on le veuille ou non :

"Je suis ici aujourd’hui pour vous dire que l’Occident est en danger. Il est en danger parce que ceux qui sont censés défendre les valeurs de l’Occident sont cooptés par une vision du monde qui — inexorablement — conduit au socialisme, et par conséquent à la pauvreté.../...
Ayant adopté le modèle de la liberté — en 1860 — l’Argentine est devenue en 35 ans la première puissance mondiale, et qu’après avoir embrassé le collectivisme, elle a commencé à s’appauvrir systématiquement, jusqu’à tomber de nos jours au 140e rang mondial.../...

Grâce au capitalisme de libre entreprise, le monde est aujourd’hui au mieux de sa forme. Dans toute l’histoire de l’humanité, il n’y a jamais eu de période de plus grande prospérité que celle que nous vivons aujourd’hui.
Par contraste, le socialisme s’est, toujours et partout, révélé un phénomène appauvrissant, qui a échoué dans tous les pays où il a été tenté. Ce fut un échec économique, un échec social, un échec culturel. Il a tué plus de 100 millions d’êtres humains.../...

Même dans ses versions les plus modérées, la solution proposée par les socio-démocrates n’est pas plus de liberté, mais plus de réglementation, générant une spirale descendante de réglementation jusqu’à ce que nous finissions tous plus pauvres et que la vie de chacun d’entre nous dépende d’un bureaucrate assis dans un bureau luxueux.
Les socialistes ont peu ou prou abandonné la lutte des classes, mais ils l’ont remplacée par d’autres prétendus conflits sociaux tout aussi nuisibles à la vie collective et à la croissance économique. La première de ces nouvelles batailles fut la lutte ridicule et contre nature entre les hommes et les femmes.
Un autre conflit déclenché récemment est celui de l’homme contre la nature. Ils affirment que les êtres humains endommagent la planète et qu’elle doit être protégée à tout prix, allant même jusqu’à préconiser des mécanismes de contrôle de la population ou l’agenda sanglant de l’avortement."

Après avoir martelé que "Le monde occidental est en danger" face à ces lubies idéologiques, le nouveau président argentin s’est livré à une ardente apologie des chefs d’entreprises et des hommes d’affaires :
“Ne vous laissez pas intimider par les parasites qui vivent de l’État”
"Vous êtes des bienfaiteurs sociaux. Vous êtes des héros. Vous êtes les créateurs de la période de prospérité la plus extraordinaire que nous ayons jamais connue. Que personne ne vous dise que votre ambition est immorale. Si vous gagnez de l’argent, c’est parce que vous offrez un meilleur produit à un meilleur prix, contribuant ainsi au bien-être général."

Vous imaginez l'ambiance à Davos pendant cet exposé rageur. Il paraît qu’il y eut tout de même quelques applaudissements…
Pour un amoureux de la liberté pragmatique, un discours ne fait pas tout, et il y a souvent loin des intentions aux actes. Mais il est plutôt rafraîchissant d’entendre à nouveau des intonations rappelant Reagan, Thatcher, et les grands penseurs du libéralisme tels Schumpeter, Hayek, Friedman, Sowell ou bien notre cher Tocqueville, qui inventa la notion d’Etat-Providence. On pense également à Ayn Rand et à son fabuleux roman Atlas Shrugged. Javier Milei serait-il l’incarnation du fameux John Galt ?
Quand on connaît l’état de l’Argentine, on ne peut que souhaiter ardemment qu’il réussisse, tout en pensant que son parcours sera semé d’embûches par les ennemis de la cause…

01 février 2024

Dans la nasse

La révolte paysanne ne peut surprendre que les gens qui ne voulaient pas en voir les prémices, au premier rang desquels figure le gouvernement, plus incapable de prévoir que jamais…
Il est bien temps de s’apitoyer sur le sort des agriculteurs comme M. Fesneau, leur ministre de tutelle. Il est bien temps de dire qu’il faut les écouter et les comprendre ! Il est bien temps enfin, de prétendre comme l’a fait le Premier Ministre, que l’agriculture est “au-dessus de tout”. Too late…
Le feu couvait depuis longtemps et l’épisode des Gilets Jaunes n’a de toute évidence pas servi de leçon. Pire, tout se passe comme si l’on avait tout fait pour provoquer ce ras le bol.

Premier constat, les aides et subventions n’ont été que des leurres, comme tant de dispositions prises au nom de la justice sociale. Force est de reconnaître que la fameuse Politique Agricole Commune (PAC), pourtant très généreuse avec la France, a déversé des milliards d’euros, en pure perte. Dans les campagnes, on ne veut plus de cette assistance déprimante parce qu’elle récompense la décroissance et l’improductivité.
Car le problème est là : on a voulu convertir de force les agriculteurs à l’écologie théorique et les protéger artificiellement de la concurrence internationale. Résultat, on les a découragés de travailler, en compliquant par mille contraintes administratives leur tâche, et en pénalisant lourdement la vente du fruit de leur travail. En raison de cette politique insane les récoltes sont dpeut-être devenues plus respectueuses de l’environnement, mais elles sont étiques, chères pour les consommateurs et loin de garantir un revenu décent aux producteurs.

Comment sortir de cette impasse ?
Augmenter encore les aides reviendrait à prodiguer des soins palliatifs à une agriculture à l’agonie et ne ferait que majorer la dette faramineuse du pays.
Recourir à plus de protectionnisme ne serait guère plus efficace, en exposant au péril inflationniste et en impactant défavorablement les secteurs parvenant encore à exporter.
Revenir sur les réglementations supposerait l’abandon en rase campagne du diktat écologique auquel sont attachés beaucoup d’électeurs, même s’ils n’en mesurent pas toujours toutes les conséquences pour le monde rural.
Il faut bien évoquer ici l’inconséquence des Français. Ils veulent toujours plus de “bio”, sans pesticide ni OGM, ils se disent prêts à payer plus cher pour des produits de qualité, et réclament des circuits courts, mais ils privilégient pour leurs achats les grandes surfaces et se ruent sur les promotions et les prix bas.

Dans un tel contexte, que peut faire le gouvernement ? Quoi qu’il propose, ce sera toujours insuffisant, contestable ou quasi infaisable, à l’instar des premières mesures annoncées par Gabriel Attal.
Certes il est bon de renoncer à la hausse des taxes sur le Gazole Non Routier (GNR), comme on gela la taxe carbone lors de l’épisode des Gilets Jaunes, mais le plus sage eut été d’y penser avant… Qui donc a eu cette idée inepte de prélever une taxe pour la redistribuer intégralement ?
Certes il est souhaitable de réduire le nombre de réglementations et de contrôles, concernant notamment l'entretien des haies (pas moins de 12 à ce jour). Mais la jungle administrative est telle qu’il faudrait y aller à la tronçonneuse à la manière du Président Milei en Argentine et non pas avec des ciseaux de dentellière comme le suggère le Premier Ministre !
Certes il est bienvenu de promettre de mieux gérer l’eau et l’irrigation des sols en organisant des retenues utiles en période de sécheresse mais comment mettre en œuvre ce programme face aux hordes altermondialistes qui s’y opposent avec violence ?
Certes, il est bénéfique de mieux indemniser les éleveurs affrontant la Maladie Hémorragique Epizootique (MHE) et bien intentionné de promettre une nouvelle subvention de 50 millions d’euros pour la filière bio, mais celle-ci ne sera pas sauvée si les consommateurs continuent à se détourner d’elle…
Au-delà de ces timides avancées, on peut craindre hélas qu’il n’y ait pas de remise en cause réelle de la pléthore administrative déversée au nom de la lubie climatique, et qu’on pointe une fois encore les méfaits supposés du libre-échange, associé dans beaucoup d'esprits au capitalisme honni.

Plutôt que de s’opposer au monde tel qu’il est, il serait pourtant urgent qu’on donne aux agriculteurs la liberté de s'organiser pour être compétitifs. Qu’on les laisse gérer leurs exploitations comme bon leur semble et qu’on revienne très rapidement sur nombre d’interdictions ineptes, en passe d’asphyxier des filières commerciales entières : moutarde, betterave, cerise, pomme, endive, colza…
Avant de s’attaquer à l’Europe, il paraît impératif d’arrêter la surtransposition française délirante des réglementations émanant de Bruxelles, et d'abroger en extrême urgence celles déja en vigueur.
Plutôt que d’interdire les produits étrangers ne respectant pas les normes françaises, il vaudrait mieux autoriser les agriculteurs français à s’aligner sur les normes des pays dont on accepte les importations
Les échanges commerciaux ne peuvent s'exercer à sens unique. Si le libre échange reste souhaitable, il ne se conçoit toutefois qu’avec des règles partagées et sûrement pas en plombant de handicaps son propre camp ou en surtaxant méchamment ses concurrents. Quant au protectionnisme, il n’a de légitimité qu’en représailles à des excès de taxes unilatérales.
Tout ceci semble relever du bon sens, et serait facile et peu coûteux à réaliser sans délai, mais se heurte au lobby climatique et environnementaliste omniprésent dans toutes les institutions, toutes les assemblées, les commissions, les médias et les partis politiques. Il est donc fort peu probable qu’on avance sur ce terrain miné.
Face au désastre, organisé si ce n’est planifié, il n’y a pas grand-chose à attendre du gouvernement et pas davantage de l’opposition.
Ne parlons pas de la gauche (écologistes inclus), qui a perdu toute crédibilité tant elle est indécrottablement attachée à ses vieux démons idéologiques.
Lorsqu’on entend les responsables du Rassemblement National attachés avant tout à la fermeture des frontières, on ne se fait pas trop d’illusions. Quant aux Républicains, représentés par M. Ciotti, c’est du pareil au même. Il accuse non sans raison M. Macron d’être “un pompier pyromane qui a lui-même déclenché l’incendie”, mais il oublie que son parti a voté la plupart des textes réglementaires en cause. Pire que tout, il affirme que sa priorité serait de “mettre fin aux accords de libre-échange qui menacent l'agriculture.”

Pendant que dans les campagnes la révolte gronde, que les tracteurs sont aux portes des grandes villes, que le conflit s’étend à l’Europe entière, à l’instar des byzantins penchés sur la question du sexe des anges pendant le siège de Constantinople, nos députés entreprennent de débattre de l’inscription de l’IVG dans la constitution et sur la réglementation technocratique de la fin de vie…

24 janvier 2024

Basic Economics 5

Conclusion

L'intérêt de l’ouvrage de Thomas Sowell ne réside pas tant dans l’originalité des démonstrations présentées, somme toute déjà connues, que dans l’illustration pratique qui en est donnée à partir de la réalité factuelle.
L’approche est donc avant tout pragmatique, contrairement à celle des théoriciens, cramponnés à des principes. Au surplus, la clarté du discours le rend plus percutant que les méandres idéologiques dans lesquels s’enlisent nombre de penseurs autoproclamés progressistes.
En bon économiste libéral, Sowell ne cherche pas à changer radicalement le monde sur la base de concepts théoriques mais à mieux le comprendre et à s’adapter à ses réalités incontournables, pour en tirer le meilleur parti.

Si l’intervention de l’Etat sur les prix s’avère en général néfaste, elle serait en toute logique évitable. Ce n’est pas le cas de beaucoup de facteurs, pas toujours prévisibles, susceptibles de faire évoluer les prix et de peser sur l’offre et la demande. A l’instar de Schumpeter, il est imperatif d'être réactif face à ces évènements afin d’évoluer voire d’organiser sans délai les mutations que les renversements de situation imposent.
Pour rester prospères, les entreprises doivent notamment prendre en considération les progrès techniques, les changements du contexte social ou géopolitique qui peuvent faire évoluer les comportements. On ne pratique pas par exemple, la même politique commerciale lorsque les consommateurs se concentrent dans des cités en forme de mégalopoles ou s’ils sont dispersés à la campagne ou dans des villes moyennes. Il est illusoire d'ignorer le bouleversement des habitudes induit par le réseau internet...
Sowell cite entre autres, l'exemple édifiant de la chaîne autrefois célèbre A & P, qui fut la plus grande entreprise de distribution alimentaire aux USA, comptant pas moins de 15.000 magasins en 1929, répartis sur tout le territoire américain. Le modèle, s'était imposé à la faveur de prix bas et d'un modèle bien adapté aux habitudes de consommation jusqu'au début des années 50. Le drame arriva lorsque l'exode rural concentra la clientèle dans des grandes villes et que l'essor de l'automobile permit aux gens de se déplacer facilement. Les grandes surfaces se mirent alors en place au nez et à la barbe d'A & P, trop assurée de sa position dominante. En quelques années, la firme périclita, faute d'avoir pu s'adapter à temps.
Si l'on ne peut continuer à proposer des produits, même de bonne qualité, lorsqu'ils sont remis en cause par une évolution du contexte social, il est tout aussi périlleux de ne pas être attentif aux avancées technologiques majeures.
On a ainsi vu disparaître en quelques années les écrans cathodiques les plus performants au profit des dalles plates utilisant des diodes électroluminescentes (LED), acculant les constructeurs à une alternative simple : s’adapter ou périr.
En matière de photographie, on a assisté à la révolution numérique qui a rapidement enterré envers et contre tout la technologie argentique. Les entreprises qui n’ont pas pris en marche le train de l’innovation ont été poussées à la faillite, aussi imposantes soient-elles, comme ce fut le cas de Kodak.
Lorsqu’un progrès technique se fait jour, il s’impose donc fatalement, et ne nécessite aucune aide en provenance de l'État. Pareillement, ce dernier ne peut espérer faire survivre longtemps à coup de subventions un secteur en voie d’obsolescence ni sauver des emplois devenus inutiles. On l’a vu avec le déclin de la sidérurgie, des filatures, du charbon…

L’intervention massive des gouvernements sur le marché automobile, guidée uniquement par un douteux souci écologique, risque d’aboutir à pareilles déconfitures. Si la voiture électrique représente un vrai progrès, elle doit s’imposer d’elle-même sans qu’il soit nécessaire d’en fausser le prix par de fallacieux bonus et de pénaliser tout ce qui peut lui faire concurrence.

On voit également les dérives frauduleuses des mesures incitatives à la rénovation énergétique des logements, telle la fameuse “ma prime renov”. Distribuée sans beaucoup de discernement et parfois en dépit du bon sens, elle conduit à faire monter les prix en attirant quantité d’aigrefins appâtés par des gains faciles, au dépens de gogos naïfs, victime d’une propagande délétère.
On a vu enfin l’absurdité des lois dites EGALIM. Dans la période d’inflation que nous connaissons, le gouvernement a réussi le tour de force d’interdire aux commerçants de la filière alimentaire d’appliquer des marges inférieures à 10%, tandis qu’il demandait à ceux qui vendaient du carburant de le céder à prix coûtant !

La morale de l’histoire selon Sowell, est qu’il vaut mieux, s’il on veut aider les entreprises, interférer le moins possible sur la loi de l'offre et la demande, et si l'on veut aider les gens modestes, intervenir le moins possible sur les prix, sur le libre échange et sur le marché du travail. En fin de compte, il vaudrait encore mieux donner de l'argent aux plus nécessiteux plutôt que de nuire à la société tout entière en faussant les prix par des artifices alambiqués ou des taxes dissuasives…

22 janvier 2024

Basic Economics 4

Des effets pervers du salaire minimum et du contrôle des rémunérations.

Thomas Sowell montre que le marché du travail répond, comme tout échange marchand, à loi de l’offre et la demande.

L’obligation légale d’un salaire minimum fausse donc le libre cours du marché de l’emploi. Pour beaucoup de gens, cela paraît une bonne chose, garantissant davantage de justice sociale. C’est donc une mesure politique très populaire. Économiquement, c’est autre chose.

Les mêmes causes ayant les mêmes effets, le salaire minimum s’apparente à la surestimation des prix. La surproduction qui s’ensuit peut être mesurée à l’aune du taux de chômage, qui quantifie le nombre de personnes ne trouvant pas d’emploi. Si l’on se départit de tout a priori, la corrélation est évidente car le salaire minimum peut agir comme un seuil excédant, pour un emploi donné, généralement peu qualifié, le rapport coût/productivité. Cette problématique est aggravée par des montants élevés de charges sociales et une législation rendant les licenciements difficiles. Face à un risque jugé trop important, l’employeur se voit contraint de se priver d’un recrutement. Dans ces conditions, mécaniquement le taux de chômage reste élevé, voire augmente.
Si pour celui qui a la chance d’être embauché, le salaire minimum peut donc paraître bénéfique, pour ceux qui n’ont pas d’emploi, en dépit de toutes les lois bienfaitrices, le salaire minimum reste de zéro. En outre, la mesure est coûteuse pour les finances publiques, car pareillement à la surproduction des produits agricoles, l’Etat se fait un devoir de racheter cet excédent en versant aux chômeurs une allocation.

D’autres effets pervers se font jour, notamment lorsqu’il s’agit d’augmenter, souvent sous la pression des syndicats ou bien d’échéances électorales, voire sous l’effet de la simple inflation, le montant du salaire minimum (SMIC). Comme il n’est pas possible de faire croître simultanément tous les autres salaires, on assiste de facto à leur dévaluation relative, et un certain nombre de personnes se trouvent tôt ou tard rattrapés par le SMIC.
Pire, lorsque le marché de l'emploi est tendu, certains employeurs peu scrupuleux profitent de la loi pour proposer des emplois sous payés à des gens qui en tout état de cause mériteraient mieux. Enfin, Sowell suggère que les syndicats ont intérêt à exiger un SMIC le plus haut possible pour favoriser les emplois de leurs adhérents expérimentés et qualifiés, au détriment de jeunes novices...

Pour preuve de l’inefficacité d’un salaire minimum garanti par l’Etat, les pays qui ont résisté à la tentation de l’instaurer s’en portent plutôt bien : la Suisse avec ses 3,1% de chômage, Singapour avec 2%, les USA dont le taux de chômage ne dépassait pas 1,8% jusqu’à l’ère Coolidge.
En France, très généreuse en matière d’indemnisation du chômage, le nombre de demandeurs d’emploi reste constamment plus élevé qu’ailleurs. Même en période de plein emploi, il ne baisse pas en dessous de 7%.

Pour tenter de lutter contre les effets néfastes du SMIC, on a appris récemment de la bouche de madame Borne, ex Premier Ministre, la création d'une nouvelle commission, le "Haut Conseil des rémunérations". Il s’agit d’un rouage de plus dans la bureaucratie, qui comme le fait remarquer Marc Fiorentino "va booster avant tout les rémunérations de ceux qui vont y être nommés". A défaut d’assainir le marché de l'emploi, on va donner du travail aux fonctionnaires contrôleurs. Dans le même temps, le gouvernement promet des sanctions aux employeurs qui auraient des "minima salariaux de branche, inférieurs au SMIC". En dépit du nombre incroyable de réglementations, on apprend donc qu’il est toujours possible de les contourner !
Quelques jours plus tôt, dans un éclair de lucidité et de sincérité, et comme pour donner raison à Thomas Sowell, le ministre de l’Economie, M. Lemaire, avait révélé que le gouvernement ne pouvait procéder à une augmentation du SMIC qui risquerait de "menacer l'emploi des plus fragiles et des moins qualifiés" et créer un enchaînement néfaste sur les autres salaires… CQFD.

18 janvier 2024

Basic Economics 3

Thomas Sowell
met à jour avec beaucoup de clarté et de pertinence, les effets néfastes des mesures a priori bien intentionnées de contrôle et de régulation autoritaire des prix. Il y a deux manières de procéder en la matière. Soit en bloquant la hausse par des plafonds arbitraires, soit en fixant au contraire des seuils, ou "prix planchers", destinés à empêcher ce qu'on appelle le dumping, mais qui ne font rien d'autre qu'entraver le libre jeu de la concurrence. Les exemples abondent dans l'ouvrage, de ces pratiques toujours délétères. On pourrait facilement en trouver également dans les mesures prises par les gouvernements qui se sont succédé en France depuis des décennies.

Mesures à la baisse:
Selon la logique développée par Sowell, le plafonnement du montant des loyers immobiliers, décrété ex cathedra par le gouvernement, s’apparente à un leurre auquel il est tentant de croire, mais qui aboutit invariablement à l’aggravation des choses, surtout s’il s’accompagne de mesures hyper protectrices pour les locataires.
Ce qui pourrait sembler paradoxal ne l’est pas. En limitant le prix des loyers, l’Etat n’augmente en effet en aucune manière le parc immobilier offert à la location. Les gens qui imaginent avoir un accès plus facile à un logement, se heurtent donc à la foule de leurs pareils qui poursuivent le même dessein. Les files d’attente s'allongent pour le moindre appartement, et il s’ensuit un sentiment accru de pénurie d’autant plus frustrant que les loyers semblent à portée de bourse.
Les bailleurs, face à l’afflux de candidats et à l’embarras du choix, se montrent de plus en plus exigeants pour sélectionner leur locataire, ce qui contribue à exclure toute une catégorie de prétendants jugés trop peu sûrs et quasi indélogeables s’ils se révèlent indélicats. Mais ils n’estiment pas pour autant leur situation de propriétaire très enviable. Ils sont confrontés à une stagnation ou à une baisse de leurs revenus, et se voient poursuivis par des réglementations environnementales de plus en plus contraignantes et coûteuses, dont le tristement fameux Diagnostic de Performance Energétique (DPE). Face à cette avalanche d'obligations et d'interdits, ils sont amenés à surseoir à certaines dépenses de rénovation. Parfois, ils renoncent tout simplement à louer leur bien, ou cèdent à la tentation de la location de très courte durée, parfois sous le manteau…

On observe une situation analogue dans le domaine de la santé et notamment s’agissant du marché des médicaments. Dans le but illusoire d’amoindrir le déficit de la Sécurité Sociale, les Pouvoirs Publics ont mis en place un système bureaucratique de réglementation du prix des médicaments imposant aux laboratoires pharmaceutiques des conditions de vente draconiennes et des prix volontairement sous-estimés. La promotion des génériques à bas coûts est également à inscrire dans cette politique.
En conséquence, les trusts produisant les médicaments, pour la plupart étrangers, se détournent progressivement du marché français, au profit d’autres, plus rémunérateurs. C’est une des causes principales aux pénuries auxquelles on assiste depuis quelques mois, qui vont en s’aggravant puisque l’Etat persiste dans cette politique.
Parmi les mesures conduisant à falsifier les prix figure le tiers payant, grâce auquel les patients ne déboursent rien lorsqu’ils viennent chercher des médicaments en pharmacie. Mesure d’autant plus perverse qu’elle s’accompagne depuis quelques années de franchises, invisibles en temps réel, mais qui grèvent les remboursements à venir en provenance de l’Assurance Maladie. On vient d'apprendre que loin de disparaître ce montant restant à charge allait doubler. Ce système est à la fois hypocrite car dissimulé et infantilisant puisqu’il mime la gratuité. Une chose est sûre, il est 
inefficace pour juguler le monstrueux déficit de la Sécu et favorise la surconsommation des produits, autre facteur en cause dans les pénuries.

Mesures à la hausse:
Il est navrant de constater que la Politique Agricole Commune (PAC) mise en œuvre, “pour protéger les agriculteurs”, aboutit au résultat inverse de celui souhaité. Sous l’égide de cette politique, l'organisation des marchés fut construite autour de trois outils : les prélèvements (ou droits de douane), les prix garantis, et les restitutions (ou subventions à l'exportation). Selon les observateurs du think Tank BSI-economics, la PAC a remarquablement bien fonctionné dans un premier temps et a atteint rapidement ses objectifs, à tel point que l’Europe est entrée dans une période de surproduction. Au bout du compte, la situation des agriculteurs ne s’est pas améliorée durablement et les consommateurs se sont trouvés pénalisés par le maintien artificiel des prix à des niveaux trop élevés. Cette inflation quasi organisée fut récemment aggravée selon Michel Edouard Leclerc par le nouvel arsenal de lois dites EGALIM supposées limiter les offres promotionnelles dans les grandes surfaces, dans le souci toujours bien intentionné, de venir en aide aux producteurs en forçant les consommateurs à payer "le juste prix".

Sur le marché automobile enfin, la pléthore de règlementations destinées à diminuer l'utilisation des carburants fossiles et à favoriser le marché national, cumule tous les effets négatifs du contrôle des prix. Par le jeu de primes et de pénalités, on augmente artificiellement le prix des véhicules dits "thermiques", tandis qu’on fait mine de diminuer celui des voitures électriques. Mais dans les deux cas, cela s’apparente à une falsification des prix. S’agissant des véhicules frappés par les malus, c’est évident. Malgré les promotions faites par les constructeurs, le montant des pénalités, qui croît chaque année, dissuade de plus en plus les consommateurs d’acquérir des voitures thermiques neuves. Quant aux bonus incitatifs attribués aux véhicules électriques, de plus en plus tarabiscotés, ils permettent certes aux constructeurs de maintenir des prix élevés en atténuant, leur impact pour les acheteurs. Mais l’offre reste trop chère pour les gens modestes, et pas suffisamment attractive pour les autres, ce qui aboutit à la stagnation du marché à laquelle on assiste.
Dans les deux cas, on observe donc une surproduction de plus en plus difficile à gérer. Les consommateurs ne savent plus à quel saint se vouer, face à un marché cher et des contraintes réglementaires de circulation toujours plus folles. Ils ont tendance à reporter l’acquisition d’un véhicule neuf et se reportent plutôt sur le marché d’occasion.

Régulation incitative ou punitive des prix par l’Etat, transition énergétique à marche forcée, et mesures protectionnistes visant à limiter la concurrence asiatique, les effets pervers se conjuguent donc de manière vertigineuse. Comme beaucoup d’économistes avant lui, Thomas Sowell flétrit les politiques protectionnistes qui contribuent à l’inflation des prix, qui pénalisent les exportations, en raison des représailles de la part des pays visés, et qui sont souvent sans effet bénéfique sur les importations.
En matière de transition énergétique enfin, en poussant le marché automobile vers le tout électrique, on n’a hélas pas tiré les leçons de la planification ubuesque de la production d'électricité, conduisant à fermer les centrales nucléaires, à désinvestir dans le domaine des produits pétroliers, et aller jusqu’à démonter des parcs éoliens pour rouvrir des centrales à charbon.
En définitive, les règles érigées par l’Etat donnent parfois l’illusion d’une efficacité, très éphémère, mais elles deviennent tôt ou tard de vraies usines à gaz, pénalisantes et inintelligibles tant elles sont complexes et changeantes. Elles se révèlent toujours coûteuses pour la collectivité, notamment lorsqu’il s’agit de verser des primes et des bonus. Au surplus, elles nécessitent la mise en place d’armées de fonctionnaires, chargés de faire des hypothèses savantes, des calculs tarabiscotés et des contrôles tatillons, pour un résultat toujours chimérique...

11 janvier 2024

Basic Economics 2

De la nécessité du profit, des intérêts, de capitaux, de la concurrence.

Contrairement à la plupart des penseurs du socialisme, qui expriment une sainte horreur du profit, Thomas Sowell le considère comme quelque chose de naturel et même comme un moteur de la croissance. Selon lui, le profit, loin d’être du vol, est tout simplement nécessaire. C’est la condition indispensable à la pérennité d’une entreprise et à son développement, son adaptation ou sa modernisation via l’investissement. Sans contrôle, il peut certes donner lieu à des abus. Face à ce danger, la concurrence, honnie également par les gens de gauche, est hautement souhaitable car elle constitue la meilleure arme pour limiter tout excès. En l’occurrence, elle s’avère beaucoup plus efficace que l'étatisation et sa régulation autoritaire, toujours complexe, onéreuse, plombée par l’inertie bureaucratique.

Mais avant d’être profitable, une jeune entreprise a besoin de capitaux. Hélas, sauf à hériter d’une société déjà prospère, il ne faut pas espérer que les fonds nécessaires à toute création tombent du ciel, et pour démarrer, il est quasi inéluctable de recourir à des prêts accordés par des banques ou des investisseurs fortunés et audacieux, aussi appelés “capital riskers”. Dans ce contexte, les intérêts sur les sommes empruntées n’ont quant à eux rien d’immoral mais obéissent à une logique relevant de l’évidence. Ils équivalent à un loyer et leur montant est proportionnel au risque pris par le prêteur.

Ces notions, fondatrices du capitalisme, coulent de source et on comprend mal qu'elles fassent encore débat, au nom de principes nébuleux, et au mépris de la réalité la plus triviale. Soit on les accepte et on construit le progrès et la prospérité, soit on les refuse et on se condamne à végéter dans la désespérance et le dépérissement. Les régimes socialistes aboutissent invariablement à ce résultat, sauf à instiller dans le système une dose plus ou moins importante de capitalisme, à se résoudre à desserrer les verrous réglementaires et à alléger le boulet des taxes et des réglementations coercitives.
La Chine moderne représente de ce point de vue un exemple édifiant. Longtemps vitrifiée par le glacis maoïste, elle s’est brutalement réveillée lorsque les dirigeants qui ont succédé à l’ubuesque tyran, ont enfin ouvert le pays à la loi du marché, à l’initiative privée et à la propriété. L’expansion économique du pays a été foudroyante. L’absence de toute opposition, de tout syndicat et de tout système de protection sociale a permis au capitalisme de progresser sans obstacle et de faire preuve d’une efficacité quasi sauvage. Ce fut expérimental en quelque sorte.

La comparaison des niveaux de prospérité des deux Corées est également sans appel. Il s’agit en réalité du même pays, des mêmes populations, séparés seulement depuis la fin de la guerre par deux systèmes économiques opposés, l’un relevant du communisme le plus archaïque et intolérant, l’autre de la démocratie libérale d’inspiration capitaliste. Partant tous deux d’un niveau proche de la misère, l’évolution des deux camps a de quoi faire réfléchir. Malgré son surarmement, la Corée du Nord est restée dans un état de pauvreté inimaginable. Par contraste, le PIB de la Corée du Sud s’est hissé au 11ème rang mondial et le PIB par habitant dépasse les 30.000 dollars, soit plus de vingt fois supérieur à celui de la Corée du Nord.
L’Allemagne, divisée pareillement en deux à l’issue de la seconde guerre mondiale, a connu le même sort, avant sa réunification, sous l’égide et avec l’aide de la partition occidentale, parvenue à la prospérité grâce au capitalisme.

À suivre...

07 janvier 2024

Basic Economics 1

Thomas Sowell
est américain, il est noir, descendant d'esclaves, d'extraction on ne peut plus modeste, et pourtant, il n'a ni animosité de race, ni rancune de classe.
Mieux, ou pire, c’est selon, il est conservateur, et ardent défenseur du capitalisme !
Est-ce pour ça qu’il est inconnu en France malgré une belle notoriété outre-atlantique et une œuvre conséquente ? Allez savoir…

Parmi les nombreux ouvrages dont il est l’auteur figure un pavé de 900 pages consacré aux mécanismes de base de l’économie, tout simplement nommé Basic Economics.
Non traduit hélas en français, je m’y suis attaqué sur les conseils de mon bon ami Jeff. Malgré mes piètres capacités en anglais, quelle ne fut pas ma surprise de constater que je comprenais sans difficulté ce texte en apparence ardu.
Sous la plume de cet auteur, l'économie devient claire et transparente comme l’eau de roche.
A l'aide d'exemples concrets, dont l'ouvrage fourmille, la mécanique économique devient un jeu d'enfant. Rien à voir avec les pensums de Piketty, dont les laborieuses démonstrations se terminent en foireux slogans politiques, néo-marxistes, lorsqu’elles ne se noient pas dans l’absurdité des a priori idéologiques.

Contrairement à une idée reçue, Thomas Sowell montre en premier lieu que l'économie est une science au même titre que la physique. Le malheur selon lui est qu’on veuille trop souvent y mettre du sentiment, voire des passions, jusqu’à nier parfois l’évidence. Les catastrophes s'ensuivent en général, mais curieusement n'empêchent pas les croyances non fondées de perdurer.
L’idée est donc, à partir de quelques exemples, d’ouvrir la nouvelle année sur ce bain de jouvence bienfaiteur. Tout serait tellement simple et propice aux vrais progrès si les constats qu’offre la réalité s’imposaient d’eux-mêmes à la place des croyances et des illusions…

31 décembre 2023

Everblue

Le Blues, il n’y a pas d’heure pour en écouter, la preuve :

Blue’s Moods
A l'ombre des géants, le trompettiste Blue Mitchell a tracé sa voie très personnelle dans l'histoire du Jazz. Dans un style au demeurant plutôt cool et bluesy, il inscrivit des lignes mélodiques superbement dessinées, à la fois gracieuses et toniques. Cette petite session décapante enregistrée en 1960, permet de trouver le meilleur de cette musique jubilatoire. I'll Close My Eyes ouvre le programme avec des intonations assez proches de celles de Chet Baker. Avars ensuite, est plus pointu, avec une touche d'acidité rappelant Miles. Scrapple From The Apple est franchement bop, très aérien, du genre qu'on respire à pleins poumons.
Le reste du tonneau est à la mesure, si je puis dire. Il y a évidemment de belles inflexions soul dans When I Fall In Love. Wynton Kelly au piano, en profite pour instiller ses propres pulpeuses digressions. Puis on retrouve le swing avec Sweet Pumpkin et I Wish I Knew, où la section rythmique s'en donne à cœur joie : à la basse Sam Jones, excellent et Roy Brooks à la batterie, itou. Au total : un pur enchantement à savourer au coin du feu. Si vous éprouviez quelque peine, ce disque vous procurera un soulagement immédiat…

Nights of Ballads & Blues
Ce disque constitue un petit bijou de tendresse et de nostalgie. Le jazz dans ce qu'il a de meilleur : intimiste mais tellement prenant ! La réalisation est superbe, la prise de son datant de 1963 s’avère remarquable et équilibrée, l'interprétation est magnifique, sublimant l’art de McCoy Tyner, un pianiste inspiré, d'une sensibilité rare, parfaitement accompagné par Steve Davis à la basse et Lex Humphries à la batterie. L'illustration de la pochette, dans une tonalité rouge, profonde, et chaude, donne un reflet fidèle de l'émotion qui naît de cette musique.

Le retour du pilori

Il y a quelques années, pendant le mandat présidentiel du peu regretté François dit “Le Normal”, le microcosme socialiste, pétri d’aigreur, déversait sa haine recuite sur l’évadé fiscal Depardieu, ce qui me fit réagir. Cette antipathie à l’égard d’un des meilleurs acteurs contemporains prend désormais un tour moral et envahit à nouveau par son tintamarre assourdissant le quotidien. Impossible d’y échapper. Faut-il qu’on ait du temps à perdre dans notre pays, déclinant, rongé par toutes sortes de ruines et de vicissitudes, pour s’attacher à de pareilles billevesées.

Sur la foi d’accusations non démontrées jetées à dessein sur la place publique, et de quelques plaisanteries obscènes, rendues publiques non moins à dessein, les censeurs de la bienséance découvrent tout à coup, mais un peu tard, que Gérard Depardieu est un être excessif, grossier, parfois vulgaire. Mais Depardieu a toujours été Depardieu. Une sorte de colosse mal dégrossi (si l’on peut dire vu la boursouflure de sa silhouette). Un gros nounours mal léché en somme.
Il n’a pas d’éducation comme on disait autrefois lorsque l’éducation avait un sens. Petit voyou, il est devenu acteur et le génie lui est tombé dessus comme la foi sur d’autres. Emporté malgré lui par le tourbillon de la gloire, il est devenu une sorte de monstre jovial, jouisseur, à la fois sympathique et détestable, pratiquant avec une jubilation puérile l’outrance et la déraison. Sous la carapace de graisse, il resté l’enfant turbulent, mal élevé qu’il a toujours été. Si l'on connaît nombre de ses excès, on ne l’a jamais vu manifester de méchanceté et pas davantage de perversité. Dans l’intimité, ce serait autre chose à ce qu'il paraît.

L’infamie dont certains cherchent à le couvrir a quelque chose de cocasse si cela n’était l’expression du tragique de l’époque. On croit rêver devant les flots de salive, les tonnes d’encre répandues pour flétrir ce comédien de génie au sourire de garnement, pour fustiger ses écarts de conduite, pour le clouer au pilori, voire l’envoyer au bûcher. On propose même de l’effacer de la mémoire cinématographique ! France Television, qui se moque de l'avis du public comme d'une guigne, annonce, sans jugement et sans appel, dès à présent suspendre toutes les rediffusions de films avec Gérad Depardieu et cesser toute collaboration à venir avec lui.

Quelques dizaines de personnalités téméraires se sont élevées contre la curée dont l’acteur est victime. Elles ont bravé les foudres de la bien-pensance en signant une lettre de soutien et en invoquant cette foutue “présomption d’innocence” qui ne veut rien dire si ce n’est le contraire de ce qu’elle est supposée exprimer. Le Président de la République lui-même est descendu dans l’arène pour défendre le paria, après les menaces de retrait de la Légion d’Honneur, émises par l’inconsistante ministre de la cul-ture, petite sainte laïque besogneuse et grande prêtresse de l’art subventionné. Cela ne fit que redoubler l’ardeur des tribunaux populaires et provoquer l’hallali. Des centaines, puis des milliers de culs-bénits du consensus ont répliqué outragés en publiant un nouveau texte à charge. Dans le même temps, on a vu certains signataires de la motion initiale de soutien, essuyer la vindicte de puritains frénétiques et d’autres, pris de remords, sont revenus sur leur paraphe en y apportant moultes nuances pudibondes et réserves oiseuses.
On est en pleine bouffonnerie bourgeoise. Les précieux ridicules se gargarisent de belles phrases creuses, et de circonlocutions quintessenciées, les Sainte-Nitouche se dressent sur leurs petits ergots vengeurs.

On se souvient qu’il y a quelques décennies, c’était la liberté des mœurs qu’on réclamait à grands cris, et à la force de pétitions et de manifestations. On affirmait haut et fort qu’il était “interdit d’interdire”. De fait, tout devenait possible et on s’extasiait devant des œuvres répugnantes faisant l’apologie de la dépravation, d’obscénités en tous genres et de l’irresponsabilité. Au cinéma, Depardieu accédait à la célébrité en jouant une petite gouape lubrique dans Les Valseuses. Le Tout Paris était enchanté par ces lamentables pitreries faisant du viol un jeu. On fit de l’ignoble Dernier Tango à Paris un chef-d'œuvre, des immondes Nuits Fauves un hymne à la lutte contre le SIDA et de l’atroce Baise-Moi, "un bon petit film de genre qui efface la frontière entre porno stricto sensu et cinéma normal" (les Inrocks) !

Autre temps, autres mœurs. Désormais, il est devenu interdit d’interdire d’interdire. On brûle tout ce qu'on a adoré.
Éternel retour des choses, les chantres de l'émancipation sont devenus inquisiteurs intransigeants. Ils sévissent un peu partout, imposant leur exaltation destructrice au nom d’un wokisme confit jusqu’à l’absurde dans les principes. Fanatisme et nihilisme se rejoignent en un magma nauséabond dans lequel s’enlisent l’esprit et la liberté. Signe des temps, ces chasseurs de sorcières ne s’attaquent qu’aux faibles et aux héros morts ou sur le déclin. Le triste spectacle de l’actualité montre que les vrais salauds, les violeurs, les assassins, et les pervers continuent quant à eux de sévir impunément…