24 mars 2013

La fête des fous

Les Femen : des femelles d'êtres humains à qui on aurait coupé les L du désir pour les remplacer par le N du néant... Voilà ce que me suggèrent ces jeunes femmes auto-affublées d'un nom hideux, qui se baladent le poitrail à nu, exhibant leurs seins déprimés, peinturlurés de manière grotesque, en forme de slogans insensés.
Quelle audace ! Elles ont pénétré ainsi accoutrées, avec des cris de Sioux, dans la vénérable cathédrale Notre Dame. Elles se sont mises à taper frénétiquement sur les cloches toutes neuves, temporairement exposées dans l'allée centrale. Elles étaient posées là, en vue des festivités célébrant les 850 ans d'existence de ce lieu de culte qui entre nous, a dû en voir d'autres...
Quelle mouche a donc piqué ces harpies pour qu'elles s'acharnent sur ces carillons avec autant d'inutile véhémence ? Elles ne leur ont pourtant rien fait ces cloches qui au demeurant, sont restées d'airain, aussi imperturbables que des rocs...

Cette époque permet décidément tous les excès, toutes les outrances et toutes les sottises ! Est-ce donc ça la Liberté ? Fichtre, il y a des moments, on serait prêt à en faire le deuil pourvu qu'on nous laisse un peu tranquilles...
Peu importe les revendications dérisoires de ces folles d'un jour. Il ne s'agit en réalité que de spectacle. Une sorte de pantomime rappelant vaguement les anciens monômes d'étudiants, mais totalement dénuée de toute fantaisie et de toute dérision. C'est qu'elles se prennent au sérieux, ces mégères si bien apprivoisées par le barnum médiatique. Et elles veulent qu'on prenne au sérieux leurs simagrées. Triste constat : c'est ce cirque affligeant qui tient lieu désormais de débat dans nos sociétés « avancées ». On dirait la fête des fous !

Ce carnaval en plus d'être inepte hélas est sans doute au surplus, contre-productif. Les Femen, qui prétendent paraît-il défendre les droits des femmes n'ont pas trouvé mieux que de montrer une image on ne peut plus dégradée de leur corps pour accompagner les vagissements qui leur servent de discours. Qu'y a-t-il donc de plus avilissant pour évoquer la condition féminine : le voile-prison prôné par d'archaïques intégristes enturbannés, ou bien ces laborieuses exhibitions de chair triste soi-disant libérée ?

Décidément, il y a de quoi avoir le bourdon...

16 mars 2013

Hosto Blues

En ce début de mars, la Presse répand largement la nouvelle : la ministre de la santé s'apprête à entreprendre « La » réforme de l'Hôpital !
Et la teneur de ce projet, c'est le Figaro qui la révèle sans détour : « Marisol Touraine veut défaire la réforme Sarkozy.... »
Joli programme !

A peine la dernière loi mise sur les rails, voilà qu'on veut déjà stopper la machine pour lui faire prendre une direction opposée.
Mais pour aller où, que diable, puisqu'aucune direction n'était réellement définie ?

Le cœur du problème, n'est-ce pas précisément la monstrueuse avalanche de réformes et de contre-réformes qui se succédèrent en vain, depuis deux ou trois bonnes décennies ? N'est-ce pas cette folle ambiance de restructuration permanente, qui entretient le malaise généralisé, et qui « a mis l'hôpital en dérive », pour reprendre les termes employés récemment par un groupe de syndicats de médecins ?

***
Comme à l'accoutumé, un rapport vient préluder au chamboulement annoncé. De ce point de vue, les gouvernements se suivent, qui annoncent régulièrement « le changement », mais la méthode reste la même...
A chaque fois la réflexion préliminaire est menée par un de ces vénérables hiérarques qui peuplent notre Haute Administration, et qui n'ont pas leur pareil pour faire ronfler les concepts et reluire les objectifs.
On avait connu le rapport Larcher, précédant la loi Bachelot, on a aujourd'hui le Rapport Couty..
On avait eu droit au nébuleux projet « Hôpital, Patients, Santé, Terrritoire », qui donna la Loi Bachelot, on découvre désormais le « Pacte de Confiance pour l'Hôpital » derrière lequel transparaît déjà en filigrane la future loi « Touraine ».

Avec Nicolas Sarkozy, le leitmotiv était l'efficience : Il fallait faire mieux, tout en limitant l'inflation des dépenses. But louable, mais accompagné de mesures tellement théoriques ou nébuleuses, que rien ou presque n'a changé sur les deux fronts...
Aujourd'hui, avec la gauche on revient aux standards éculés, faisant appel avant tout aux slogans faciles parant de toutes les vertus le « Service Public », et appelant au rejet des mesures trop « gestionnaires ».

Ainsi, il est affirmé que pour avoir « considéré l’hôpital public comme une entreprise » la dernière réforme aurait fait de l'hôpital « un bateau ivre ayant quitté son sens premier de Service Public, et perdu les valeurs de solidarité, de respect et d’humanisme qui lui étaient vitales pour avancer. »
En pleine crise économique, alors que le modèle social s'effondre irrémédiablement, et que la France envers et contre tout reste le second pays parmi les plus dépensiers au monde en matière de santé, on nous laisse entendre qu'il ne serait plus indispensable de fonder le budget des hôpitaux sur la tarification des prestations, ni sur la maîtrise des coûts !

Par ailleurs, on fait croire que l'équilibre des pouvoirs au sein de l'invraisemblable brouillamini structurel hospitalier, pourrait évoluer en faisant la part meilleure aux médecins et aux usagers, et en réduisant celle des directeurs. Belle hypocrisie sans doute, car chacun sait qu'en réalité le pouvoir s'exerce et s'est toujours exercé dans notre pays, de manière centralisée, pyramidale, descendant du sommet à la base.
Tout se décide à Paris, même si on a progressivement obscurci le système, en interposant des relais régionaux, et en compliquant à plaisir les organisations locales.
Résumons les choses : la Direction Générale de l'Offre de Soins (DGOS) met en musique les directives gouvernementales, et les Agences Régionales de Santé (ARS) veillent à leur application sur le terrain en les organisant en vertu de plans quinquennaux rebaptisés Schémas Régionaux d'Organisation des Soins (SROS), selon un savant maillage « territorial » ! 
Le tout est encadré par une nébuleuse d'administrations et d'organismes étatisés, supposés doper la qualité et la performance : Haute Autorité en Santé (HAS), Agence Nationale d'Appui à la Performance (ANAP), Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM), Agence Technique de l'Information Hospitalière (ATIH), Institut National du CAncer (INCA), Agence des Systèmes d'Information partagés de Santé (ASIP)...
 
Rappelons que les hôpitaux quant à eux ont été sommés d'abandonner la structure organisationnelle qui les régissaient depuis des temps immémoriaux, et qui se fondait sur la notion de services de soins. Il leur a fallu arbitrairement et autoritairement regrouper ces derniers en pôles, dont le rôle n'a jamais été clairement précisé par les Pouvoirs Publics. Par voie de conséquence ces nouveaux organigrammes sont restés à ce jour à peu près inintelligibles au commun des mortels et même aux personnels travaillant dans les établissements ainsi « rénovés », et ils compliquent considérablement le travail des gestionnaires en empilant une nouvelle strate au mille-feuilles existant.

Toute cette lourde machinerie évolue dans un tourbillon centripète, qui lui même s'inscrit dans ce que l'on appelle « territoire de santé », étrange échelon géographique, créé de toutes pièces il y a quelques années, sans recouper aucun de ceux qui étaient en vigueur, notamment département ou canton.
Les territoires de santé sont depuis près de deux décennies, le siège d'un formidable mouvement de centralisation autour des grandes villes et des grands hôpitaux, dont le corollaire est la désertification des autres. Cette évolution n'a rien de spontané. Elle a été programmée, encouragée, organisée, au gré d'un planisme implacable sous-tendu par quantité d'artifices « restructurants »: normes de fonctionnement, seuils réglementaires d'activité, tarifications et enveloppes financières ciblées...
Aujourd'hui, on atteint la phase terminale de ce processus. Les gros hôpitaux sont en train de phagocyter les petits, les administrations quittent les unes après les autres les campagnes, et le reste naturellement est progressivement aspiré vers les mégalopoles. Bien que scrupuleusement planifiée, la répartition des médecins, généralistes aussi bien que spécialistes, accuse de son côté une hétérogénéité criante. La France ne manque pas de praticiens, mais à cause d'un cadre réglementaire trop rigide, ils ne sont pas dans les bonnes spécialités, ne sont pas installés là où on en a besoin, et sont débordés, puisqu'aucune délégation de tâches aux professionnels paramédicaux n'est permise.

Hélas, il n'y a guère à attendre du projet de réforme tel qu'il se présente à ce jour, puisqu'il envisage d'accentuer ce système en instituant un Service Public Territorial de Santé (une version modernisée du kolkhoze sans doute...), voire de rendre encore plus coercitives les réglementations...
Ce qui est merveilleux en la circonstance c'est l'adhésion béate de nombre d'acteurs hospitaliers, ce dont s'auto-congratule madame Touraine sur son blog. Je me souviens qu'en 1996, le Plan Juppé avait de la même manière été applaudi tous azimuts (ou presque)...

En définitive, en relisant un article réalisé au moment de l'élaboration de la loi HPST, je m'aperçois que je pourrais en reprendre la plus grande partie. Même si les propositions actuelles expriment une volonté de changement, il y a fort à parier que ce Pacte de Confiance n'apporte pas grand chose de nouveau, sauf encore un peu plus de confusion et de bureaucratie, derrière sa nuée de bons sentiments et de vertueux principes...
Jamais l'adage de Jaurès ne s'est mieux appliqué à notre époque en mal d'idées neuves et de détermination: « Quand les hommes ne peuvent plus changer les choses, ils changent les mots. »

09 mars 2013

Outside my window


Outside my window,
I just felt so free;
Today, Oh sorrow,
I mourn Alvin Lee.

The guy passed away.
He'd so much to tell.
The Blues goes its way,
And life is like hell...


08 mars 2013

A quand, la fonte des illusions ?

Les lecteurs de ce blog connaissent mon aversion pour le socialisme, et d'une manière générale, pour l'idéologie dite « de gauche ». C'est bien simple, à mes yeux, il s'agit au plan conceptuel, de la plus grande supercherie de tous les temps, et au plan pratique de la pire calamité dont les hommes aient eu à souffrir ! Rien moins...

Cela ne m'empêche pas d'avoir une certaine fascination pour les gens qui en défendent les thèses. Sans doute un peu par esprit de contradiction. Il est tellement stimulant de débattre avec des personnes d'avis contraire au sien...

Sans doute également par souci de roder ma conception du monde à l'épreuve de leurs théories. Sans doute enfin, parce que voir des gens que j'estime, et dont je suis certain de la probité, s'enferrer, par pur principe, dans cette voie si étroitement délimitée, relève pour moi d'un grand mystère.

« Je suis de gauche, c'est dans mes fibres » me rétorque-t-on souvent lorsque j'exprime mon incompréhension angoissée... Je ne parviens à me satisfaire de cette réponse. C'est une vraie souffrance et une source continue de désarroi. Comment peut-on accepter en toute conscience, de mettre ainsi en berne sa liberté, et s'assujettir à ce point à une idéologie ? N'y a-t-il donc rien à faire pour faire sortir ces gens de ce tunnel intellectuel, pour détourner leurs yeux de cet horizon irréfragable ?
Mais après tout, peut-être me trompé-je moi aussi, qui juge tout à l'aune du principe de liberté. Cet état d'esprit n'est-il pas paradoxalement, assimilable à un enfermement comparable ? M'empêche-t-il de voir certaines réalités ?
« Ne recevoir jamais aucune chose pour vraie que je ne la connusse évidemment être telle » professait Descartes...

En lisant récemment une interview donnée par Jean-Claude Michéa sur le très intéressant site pédagogique Bios Politikos, puis en écoutant récemment sur France Culture (6/3/13), le philosophe, réputé incarner « une autre gauche », j'avoue avoir été un peu émoustillé... et une fois encore plutôt déçu.

Il est difficile au demeurant, de mettre en cause l'honnêteté intellectuelle de Jean-Claude Michéa, dont l'humilité est la marque des vrais philosophes. Au surplus, enseigner la philosophie pour des étudiants qui seront tout sauf des philosophes, voilà un challenge plus que méritant !
Mais certains de ses propos peuvent toutefois susciter la controverse, car ils font du libéralisme et du capitalisme une critique quelque peu biaisée... Au surplus, ils témoignent, quoiqu'il s'en défende, d'une vision socialiste pas vraiment émancipée du dogme.

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Passons sur le dilemme classique proposant de « vivre ma liberté sans nuire à autrui » que M. Michéa illustre en évoquant l'opposition frontale entre les conceptions de Lady Gaga et celles des Musulmans indonésiens sur le mariage gay. La première, étant évidemment frénétiquement « pour », les seconds, fanatiquement « contre ». Il aurait pu trouver plus pertinent car ici se font face, d'un côté l'inconsistance versatile et niaise du showbiz, et de l'autre l'intolérance religieuse, tout ça pour juger d'un texte où l'on cherche à déconstruire par la loi ce que la loi avait érigé en repère social, et ce, par pur dévoiement « progressiste » pseudo « égalitariste ». Ubu serait ravi...

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Plus sérieusement, on peut reprocher à M. Michéa une certaine propension à assimiler le libéralisme au capitalisme marchand, tel que les marxistes l'entendaient. Cela lui fait dire des contre-vérités flagrantes, où malheureusement, l'idéologie affleure, bien davantage que le bon sens.

Un libéral peut s'interroger lorsqu'il lit par exemple, que « le défaut du libéralisme, est cette volonté de privatiser les valeurs morales et la philosophie comme on privatise l’eau, l’électricité ou l’école » ? Ne serait-ce pas a contrario son mérite, que de s'opposer au socialisme qui prétend lui, les régenter de manière étatisée, collective, irresponsable ?

Plus grave, lorsque M. Michéa affirme qu'il va falloir « choisir entre le marché ou le peuple », ou lorsqu'il s'écrie « qu'il est clair que le développement du libéralisme rend de moins en moins acceptable pour les élites l’intervention du peuple », il fait tout simplement fausse route.
La pluie de bienfaits du capitalisme a tellement bénéficié au peuple, qu'on pourrait désormais affirmer que les deux ont partie liée, en dépit de ce qu'on cherche à faire croire, et qu'il n'y a pas de marché sans peuple et réciproquement...

Aussi, considérer la croissance comme un « simple accroissement de capital », comme il le fait régulièrement, apparaît un tantinet réducteur. A l'évidence, c'est de richesses qu'il s'agit avant tout. Et en régime capitaliste, lorsque les richesses s'accroissent, tout le monde en profite, même si certains plus que d'autres. Dans cette optique, l'endettement, qu'il a tendance a fustiger, n'est donc pas tant « un moteur » pour la spéculation, qu'un outil. Il permet sans être immensément riche, d'acquérir des biens, avant d'en avoir les moyens, ce qui ne saurait a priori déplaire à un vrai ami du peuple. Chacun ou presque, a pu en faire l'expérience au moins une fois dans sa vie. Il s'agit d'une chance, à n'en pas douter, sous réserve de ne pas en abuser bien sûr...
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Souvent évoquée par les médias, et à ranger dans les lubies de la théorie du complot, « l'obsolescence programmée » des produits manufacturés, est reprise par M. Michéa comme un dévoiement du commerce libre, un procédé éhon des fabricants, destiné à doper la consommation. C'est pourtant un mythe qui attend toujours confirmation, même si la camelote a indéniablement tendance à proliférer dans les rayons des supermarchés. L'explication la plus simple quoique très prosaïque et pas très politiquement correcte, est qu'on ne peut vouloir acheter aux prix les plus bas, et dans le même temps exiger une qualité à toute épreuve...

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Pour terminer, qu'il soit permis enfin de douter du bien fondé de cette affirmation trop connue prétendant que « les comportements altruistes restent massivement plus répandus dans les quartiers populaires que dans les quartiers résidentiels ». Le moins que l'on puisse dire est que M. Michéa, comme beaucoup de gens de gauche, prend un peu ses désirs pour des réalités, et en l'occurrence, fait preuve dune certaine dose de subjectivité.

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Au total, la conception défendue par M. Michéa, est certes éloignée de celle des sycophantes Hollande, Mitterrand ou Mélenchon, mais elle l'est encore plus du libéralisme. Elle reste surtout ancrée dans le socialisme, dont il n'a hélas pas éliminé nombre d'archaïsmes. Sa réaction au récent décès d'Hugo Chavez en témoigne une fois encore : « En Amérique Latine, contrairement à la gauche occidentale, les différentes gauches ont su conserver un rapport minimal avec la vieille tradition socialiste, dans laquelle la notion de patrie joue un rôle central. »

On peut retenir toutefois comme positive, sa reconnaissance de l'universalité des valeurs marchandes : « C’est le marché qui va réunir des gens que tout divise par ailleurs ». Peut-être dans sa bouche s'agissait-il d'ironie, à moins que finalement, il rejoigne de manière inattendue Montesquieu, ce grand défenseur du commerce, dans lequel il voyait un vecteur de paix et de prospérité ?

Une autre gauche est-elle toutefois possible ? Décidément, je ne le crois pas...

28 février 2013

Exaltation marine

Nul en ce doux vagabondage
Sur des flots à peine ridés
N'échappait aux parfums iodés
D'une liqueur marine hors d'âge

A l'archaïque bastingage
Quelques voyageurs accoudés
Humaient l'air pur, dépossédés
De toute attache et de bagage

Au loin dans un ciel virginal
Montait une brillante aurore
Comme un effluve séminal,

Et une clarté de phosphore
Versait l'innocence et l'oubli
Sur ce qu'ils croyaient établi.

Illustration : Nicolas de Staël. Mer et nuages.

13 février 2013

Cette fleur qui s'ouvre...


Cette fleur qui s'ouvre au cœur de l'hiver,
Quel message muet nous envoie-t-elle ?
Et pour naître sous un ciel si couvert,
A quel sublime dessein répond-elle ?


Comme une rose au milieu du désert
Cela l'indiffère de sembler belle
Et son cœur de fleur à peine entrouvert
Souffre déjà d'avoir été rebelle.


Son destin est si bref que maints bourgeons
Juste éclos tombent en défloraisons
Encore enchâssés dans leur forme ronde.


Est-elle venue trop tôt ou trop tard
Est-ce la volition ou le hasard
Qui l'inscrivent dans l'harmonie du monde ?

08 février 2013

O mon île...


Le long du rivage, animé par une brise
La noble allée de palmiers me salue bien bas,
Tout en ouvrant gentiment ses mille et un bras
Qui me disent : Viens, c'est une terre exquise...

Au loin, la montagne est dans une brume grise
On voit poindre ici où là, sur ses contre-bas
Le rouge des toits de tôle et les vacoas
Qui déchirent en douceur cette heure indécise

S'agit-il d'un rêve ou de la réalité ?
Ce pays que j'aime est-il ma fatalité
Ou bien l'incarnation d'un éden impossible ?

Ses chaudes bleuités, ses parfums épicés,
Le rappel sensuel de moments insensés
Sont les échos diffus d'un remords indicible...

05 février 2013

Blitzkrieg

Avez-vous vu comme tout est simple avec François dit « Le Normal » ?
Il suffit qu'il le décrète et, comme par magie, le rêve se transforme en réalité. « Le changement, c'est maintenant »: on le voit tous les jours. « L'Etat impartial », c'est en cours, au fil des nominations, « la réussite éducative », c'est en très bonne voie, « le redressement productif », ça se profile doucement... Même la crise qui plombait de ses nuages noirs l'avenir n'est déjà plus qu'en demi teintes...

Et même en chef de guerre, ce qui n'était pourtant pas sa mission première telle qu'elle avait été claironnée au bon peuple, le nouveau président se révèle aussi brillant que perspicace.

Au Mali, il a suffi de trois petites semaines pour pacifier le pays ! Et quasi sans un coup de feu ! Tout juste eut-on le temps de voir passer deux ou trois véhicules militaires que l'affaire était réglée. Tombouctou est libérée !

Il n'est pas question ici de persifler sur les mérites de l'armée, dont on ne doute pas de la qualité. Juste s'émerveiller de la prescience extraordinaire du chef de l'Etat qui a senti à quel moment il fallait intervenir (au terme du désengagement courageux en Afghanistan, quelle coïncidence) et avec quelle stratégie.
Y eut-il des combats, on en douterait presque tant la victoire fut rapide, complète, écrasante. Et nul besoin d'aide de personne, ni de l'Europe, ni de l'ONU, ni de l'OTAN qui semblent indifférents ou bien abasourdis par tant de réussite. Mieux, en enrôlant à nos côtés les troupes panafricaines, c'est tout un continent qu'on entreprend de remettre sur pieds et de réorganiser... Le Monde n'a qu'à bien se tenir et en prendre de la graine !

Serait-ce si simple et si propre de faire la guerre « contre les terroristes » (qui sont-ils d'ailleurs exactement, puisque le chef de l'Etat a renoncé à les désigner clairement) ? Ou bien y a-t-il quelque chose qui nous aurait échappé dans cette épopée surprenante, commencée à la fumée des lampions fêtant la nouvelle année, et terminée sous les vivats ensoleillés d'une foule en liesse, le premier week-end de février ?

C'est à peine si l'on s'aperçut de la mésaventure en Somalie qui coûta la vie à deux soldats et à l'otage qu'ils venaient libérer (en plus d'une poignée de civils). A peine si l'on a compris ce qui s'était passé dans cette usine à gaz algérienne où l'on a vaguement entendu la rumeur d'un carnage, sans plus...

Tout ça est-il sérieux ou n'est-ce que du vent ? On veut pencher évidemment pour la première option, même si l'on ne peut s'empêcher de penser à un cerisier dont on éparpille les moineaux avec un pétard. Quelles seront les suites de cette opération surréaliste ? C'est bien là la question...

04 février 2013

Clivages

On se demande parfois ce qui pousse les politiciens, paraît-il bien intentionnés, à pondre au nom de grands principespublicains et sous l'étendard emblématique de la démocratie, tant de lois inutiles, ou tout simplement stupides.

La bouffonnerie du prétendu « mariage pour tous » est un exemple édifiant de ces piteux erstaz de justice sociale.

Tandis que le pays semble s'engager irréversiblement dans une crise économique et sociale de plus en plus profonde, le gouvernement prend le risque de le diviser gravement pour le seul plaisir d'imposer des réformettes insanes, faites au nom d'un égalitarisme des plus niaiseux.


On sait trop bien que la Gauche, si prompte à s'enorgueillir de toutes les vertus, notamment la solidarité, et si pieusement attachée au rassemblement, a toujours prospéré sur les divisions, qu'elle attise comme pour mieux régner.
La lutte des classes fut son concept fondateur, forgé dans le feu infernal des révolutions. Mais si le vieux leitmotiv marxiste est aujourd'hui en perdition à force d'avoir couvert tant d'agissements barbares, ses avatars à peine moins nauséabonds, se déclinent insidieusement à tous les étages de la société, comme pour en gommer les repères les plus établis, et en miner opiniâtrement les fondations.

Se payant de mots dont ils pervertissent à dessein les vraies significations, les socialistes ont tour à tour opposé en faisant mine de les défendre, les pauvres aux riches, les prolétaires aux bourgeois, les progressistes aux réactionnaires, les exploités aux exploiteurs, les xénophiles aux xénophobes, les émancipés aux aliénés, les antiracistes aux racistes, les immigrés aux gens de souche, le Service Public au secteur privé, les désintéressés fonctionnaires aux obsédés du profit...

Il n'est en somme guère étonnant de les voir orchestrer aujourd'hui avec autant de zèle la confrontation grotesque mettant face à face les gay friendly et les homophobes.

Ce conflit là tient certes davantage du carnaval que de la guerre sociale, mais il induit un nouveau clivage dans l'opinion publique. François Hollande qui accusait son prédécesseur d'avoir un comportement « clivant » est bien pire en somme que lui. On cherche à quelle nécessité répond un montage légal aussi oiseux, aussi scabreux alors que tant de sujets plus graves appellent d'autres solutions que les cataplasmes démagogiques auxquels on a droit.

Faut-il se lever pour défendre le mariage, qu'on achève ainsi de vider définitivement de sa substance, alors qu'il avait déjà perdu beaucoup de son sens ? Pas nécessairement si l'on a, chevillé au corps, l'amour de la liberté. Il n'est pas besoin en effet, de signer pour se lier, et quitte à être jugé, on peut préférer que cela soit sur des actes plutôt que sur des engagements...
Cela n'empêche d'être
peiné de voir, pour de sombres desseins idéologiques, dévoyer et même ridiculiser une institution à laquelle d'autres croient sincèrement et qui formait un pilier éprouvé de la société humaine. Et ce d'autant plus qu'il suffisait de peaufiner le fameux PACS, chef d'oeuvre du gouvernement Jospin, pour être consensuel. Ce dispositif a l'avantage d'être positionné clairement dans le champ laïc, de ne laisser planer aucune ambiguïté au sujet de la filiation des enfants rattachés au couple qu'il définit, et de dissocier les droits civiques des grandes problématiques éthiques posées par les progrès techniques. C'était trop simple sans doute...

Le mystère est qu'on évoque si peu le sort des gens qui avaient contracté sous ce régime, promis de fait à l'abandon, et qui voient par la même s'envoler tout espoir d'acquisition de nouveaux droits.

Il est certain, en dépit de vagues dénégations, qu'avec le barbouillage législatif en cours, on ouvre,  derrière un vague paravent de conformisme, la porte à toutes les dérives, à tous les bricolages, et aux tarabiscotages les plus saugrenus. Et comme souvent, ce sont les plus virulents des donneurs de leçons qu'on voit en tête de la cohorte des réformistes pense-petit. Ceux-là même qui au nom de l'écologie, se font les gardiens intransigeants du respect de la nature et des traditions...

25 janvier 2013

L'hallali

Après des mois, des années de pression médiatique, l'affaire Armstrong trouve enfin son épilogue, en forme de mea culpa douteux. Tellement préparé, tellement peu spontané qu'il évoque les parodies d'autocritiques préludant aux grands procès staliniens !

Non pas que le coureur américain soit innocent bien sûr. Personne n'y croyait vraiment et il ne l'est pas en effet puisque lui même le dit désormais.

Mais quelle valeur accorder aux aveux d'un suspect dans une affaire où il n'y a pas d'innocent ? Où les responsabilités sont multiples et connues de tous depuis si longtemps...

C'est l'arbre qui cache la forêt en somme. Ou bien le festival de l'hypocrisie.

Bien sûr, ça permet à la horde d'anti-américains et de pisse-vinaigre anti-élitiste de se déchaîner. Les premiers n'avaient plus grand chose à se mettre sous la dent depuis l'avènement du messie Obama, élu et réélu président des USA. Et pour les autres, c'est si commode de trouver un bouc émissaire aussi emblématique. Sept victoires au Tour de France ! Ça offre de belles perspectives en matière de vengeance. Le champion maudit peut désormais être traîné dans la boue, dégradé, humilié. Qu'il rende ses trophées et les montagnes d'argent honteusement gagné ! Que son nom même soit rayé de tous les palmarès et que son visage soit gommé des photos. Qu'on fasse comme s'il n'avait jamais existé !

Ainsi va la triste humanité. L'histoire de la femme adultère n'a pas servi de leçon.
Le procès en dopage est une moderne version de celui en sorcellerie en quelque sorte.

Avec ce lamentable épisode, ce n'est cependant pas tant Lance Armstrong, que le sport tout entier qui est remis en cause. A quoi bon les compétitions ? A quoi bon les records ? Pourquoi pédaler de manière aussi forcenée ? Pourquoi vouloir toujours sauter plus haut, courir plus vite, nager plus fort ?

Tout ça est dérisoire. Bientôt, grâce aux progrès technologiques, les handicapés bénéficieront de prothèses qui décupleront leurs possibilités et les rendront plus fort que les athlètes dits normaux. Pendant ce temps, ces derniers ont l'interdiction définitive et absolue de recourir à tout artifice susceptible d'augmenter leurs capacités. Il sont de plus en plus surveillés, épiés, contraints, et n'ont même pas le droit de soigner un rhume ! C'est à se mordre la joue...

Armstrong restera un grand champion malgré tout, en même temps qu'il est l'homme par qui le scandale arrive...
illustration : L'hallali du cerf par Gustave Courbet (1819-1877)

16 janvier 2013

François s'en va-t-en guerre

Ainsi, tel Malbrough, notre président a décidé de partir en guerre au Mali.
Tout seul, de son propre chef, et « ne sait quand reviendra », comme dit la chanson. A Pâques ou à la Trinité sans doute...

Le pays, l'Europe et le Monde le regardent ébahis. N'avait-il pas réclamé une implication de l'ONU, afin de permettre "aux Africains eux-mêmes d'organiser l'intervention" ? N'avait-il pas assuré il y a quelques semaines que l'intervention française se bornerait à un « soutien logistique », affirmant notamment qu'il n'y aurait « pas d'hommes au sol » ? Face à une menace terroriste islamique similaire en Afghanistan, n'avait-il pas prôné, puis mis en œuvre, une stratégie de retrait ?

Aujourd'hui, il engage les troupes françaises dans un pays à la dérive, en proie à une confusion généralisée, et avec des objectifs des plus vagues. Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki Moon avait mis en garde récemment sur les risques d'une intervention armée : "toute solution militaire pour résoudre la crise sécuritaire dans le nord du Mali devrait être envisagée avec une extrême prudence", car "elle pourrait avoir de graves conséquences humanitaires".

Dans un tel contexte, la complaisance du « peuple de gauche », qui suit comme un seul homme, est exquise. Comme est touchant le beau consensus dans le pays devant cette décision unilatérale et quelque peu hasardeuse. Fini le pacifisme angélique et bien pensant, finies les jérémiades sur l'inefficacité d'une politique visant à exporter la démocratie à la force des canons, ou bien sur l'absence d'armes de destruction massive.
Si ce n'était si tragique, on voudrait rire de bon cœur !

Mais la guerre, ce n'est jamais une synécure. En de telles circonstances, il serait malséant d'user des mêmes types d'arguments que ceux des adversaires politiques. Soyons beau joueur et faisons au chef de l'Etat crédit d'une décision peut-être nécessaire. La guerre, c'est un peu comme la cabane au fond du jardin : Quand faut y aller, faut y aller... Le problème est qu'il est parfois difficile de ne pas rester englué dans la m...

Espérons que la France ne restera pas seule face au défi de grande envergure auquel elle va se trouver confrontée. Espérons qu'elle engrangera bien vite quelques succès décisifs sur le terrain, démentant l'impression mitigée des premiers jours, et le fiasco dramatique de l'opération militaire menée en parallèle en Somalie pour libérer un otage.

Espérons enfin, que l'intervention commencée ira jusqu'à son terme. Comme le disait fort justement François Hollande en août 2011, à propos de l'opération en Libye : « Il n'aura servi à rien de chasser Kadhafi si, après Kadhafi, viendrait un régime qui n'aurait pas les principes de démocratie comme fondements de son action", a-t-il expliqué. "Nous n'avons pas terminé. Nous avons un devoir de solidarité vis-à-vis du peuple libyen pour qu'il accède à la démocratie..."

Illustration : Malbrough s'en va-t-en guerre. Yvonne Jean-Haffen

13 janvier 2013

Hapsatou Sy, merci !

Il n'y a guère d'occasions de se réjouir par les temps moroses qui courent. L'imagination, l'esprit critique et la fantaisie sont sous scellés. L'espérance même, "comme une chauve souris, s'en va, battant les murs de son aile timide, et se cognant la tête à des plafonds pourris.."

Aussi quand par un samedi soir (12/01/13) s'annonçant aussi morne que les autres, on vit à la télévision apparaître sans crier gare, une délicieuse déesse noire irradiant au milieu des habituels aréopages ronflants du show biz rassis, l'attention fut immédiatement captée (la mienne en tout cas).

Comment ne pas tomber sous le charme de cette jeune femme, invitée par Thierry Ardisson (rendons lui grâce), qui raconta une histoire comme on n'en entend guère, un vrai conte de Noël pourrait-on dire, avec un peu de retard. Une histoire, à peine croyable, qui est la sienne...

Née de parents originaires "du fin fond" du Sénégal, elle vit le jour dans la région parisienne, car son géniteur croyait au paradis français à ce qu'il paraît, et voulait en offrir les bienfaits à sa progéniture ! Dès l'âge de 12 ans, alors qu'elle et ses sept frères et soeurs vivaient, non sans peine, dans un appartement d'une résidence HLM comme on en connaît tant, elle eut une sorte de révélation de ce que pourrait être un service public bien conçu. Elle eut l'idée de développer une idée très neuve quoique empirique de la solidarité, en prenant l'initiative d'aider les personnes âgées de son entourage. Comme gratification à ces menus services, elle engrangea un peu de monnaie, qui fit rapidement grossir sa tirelire. Cela l'initia à la magie qui réside dans le fait d'entreprendre et lui donna l'envie d'aller plus loin.

Aujourd'hui, elle est à la tête d'une chaîne de salons de beauté, en pleine croissance, et le moins qu'on puisse dire est que sa silhouette élégante et radieuse est une réclame vivante pour ses prestations !

Quel régal ce fut de l'entendre prendre la parole ce soir là, juste après un long et ennuyeux exercice de langue de bois, débité sans conviction par un cacique du PS qui se vante d'être un ami intime de François Hollande.

Prenant le contrepied des lamentations et autres tergiversations que l'apparatchik récitait laborieusement comme un acte de contrition, elle lui rentra dans le lard sans ménagement, accusant tout à trac la gestion actuelle du gouvernement d'être le principal responsable des misères qu'il décrivait et notamment, « de tuer le rêve et de tuer l'ambition » !

Elle ne lui envoya pas dire. Il prit la claque en pleines gencives, ne parvenant d'une voix blanche, qu'à émettre quelques inaudibles et vaines dénégations. Elle avait l'avantage et continua son attaque de plus belle, critiquant sans ménagement la stratégie de taxation tous azimuts, frappant tous ceux qui réussissent, qu'elle jugea confiscatoire, en l'assimilant même à une chasse aux sorcières. Sans souci des conventions, sans arrogance non plus, mais en toute simplicité, elle affirma que ce qui la faisait rêver lorsqu'elle était petite, c'était « les belles maisons », « les belles voitures », et qu'elle ne voyait rien de mal à cela.

Elle qualifia la fiscalité aux entreprises d'assassinat et même de racket, déplora qu'on puisse s'acharner à ce point à vouloir tuer l'investissement et pousser les entrepreneurs à délocaliser leur siège social pour échapper à l'assommoir fiscal. Bref elle canarda le malheureux qui se tassait comme une chiffe à mesure qu'elle parlait. Un vrai régal pour des oreilles si fatiguées d'entendre les sempiternelles rodomontades des culs bénis de la justice sociale, qui savent pleurnicher mais n'ont pas plus d'imagination qu'il n'y a de beurre en branches...

Une bonne soirée donc, car après ce savoureux moment, on eut droit au petit show de Gaspard Proust dont les ébouriffantes satires au vitriol des travers de notre société, redonnent un vrai sens à l'humour. On croyait ce dernier définitivement cadenassé par les comiques troupiers dont les pieds de plomb résonnent à l'unisson de l'idéologie régnante. Et bien non ! Le pire n'est donc jamais certain...

10 janvier 2013

Oh l'andouille !

On pouvait espérer quelques belles surprises et quelques sourires en coin au seuil de cette nouvelle année hollandaise. Sitôt dit, sitôt fait, on est servi !
Dans le flot de lois, de réformettes et de projets, accouchés par le pouvoir en place, deux déjà prêtent franchement à rire : la fameuse taxe à 75% et la toute récente annonce de réforme du conseil constitutionnel.
Curieusement, les deux sont d'ailleurs liées, par l'absurde si je puis dire...

La première fit grand bruit, grâce à l'affaire Depardieu qui s'ensuivit, transformant aux yeux du monde entier, notre déjà piteuse république, en carnaval burlesque mais un tantinet humiliant.
Elle révèle évidemment une incroyable impréparation du gouvernement, mais elle démontre surtout l'inanité de ses forces législatives et exécutives. Alors qu'il détient la quasi totalité des pouvoirs – ce qui ferait honte à n'importe qu'elle démocratie digne de ce nom – il parvient encore à achopper sur une loi anodine, dont son chef d'escadrille avait pourtant fait le fer de lance de toute sa politique. Terrifiant !


Le Président de la République avait-il en tête de punir le Conseil Constitutionnel pour ce camouflet, lorsqu'il annonça en guise de voeux son intention de le réformer ?
Comme toujours, la mollesse naturelle du personnage était amidonnée par le costume étriqué, enserrant la carcasse grassouillette de notable, et le caractère intrépide du discours : "J'entends mettre fin au statut de membre de droit du Conseil Constitutionnel des anciens présidents de la République". Il est bien difficile d'affirmer ce que furent les intentions du vicaire en chef de l'église socialiste en faisant cette déclaration d'importance dérisoire (en eut-il vraiment ?), mais en tout cas le résultat est des plus comiques. Vu qu'il ne peut donner, comme il l'a reconnu lui-même, un caractère rétroactif à ce genre de mesure, le seul risque est qu'il soit la seule personne à être touchée par elle...
Il faut espérer donc que cette fois, il saura convaincre le Congrès de l'entériner !


Puisqu'il vaut mieux rire de nos malheurs, je ne peux résister au plaisir de proposer deux liens vers de récentes et hilarantes interventions de Fabrice Luchini à propos de l'hypocrisie socialiste.... Chez le crémeux Kerdru, fin 2011, et dans l'émission C à vous sur la 5, tout dernièrement.

06 janvier 2013

Résolutions, joies et voeux 2013

Bien que je sois né en Suisse, je ne songe pas à quitter la France pour payer moins d'impôts. J'en paie beaucoup trop à mon goût, mais pas encore assez pour m'engager dans une aventure à laquelle ma nature casanière répugne. Et bien qu'étant attaché au confort matériel, je n'ai pas d'attirance exacerbée pour l'argent, en tant que soi. Par pur souci pragmatique, dans un pays qui considère l'initiative privée comme un délit, j'ai choisi d'être fonctionnaire et m'en trouve assez bien. Je donne le meilleur de moi-même directement à mon pays comme ils disent, et dans le même temps, je récupère en salaire une partie de ce que je paie en impôts... Pas trop mauvais calcul en somme !

Ce n'est donc pas vraiment par intérêt personnel que je m'insurge contre cette impôt-mania, qui dévaste de ses pseudo bonnes intentions le débat politique dans notre beau pays. Elle apaise certes la mauvaise conscience des bourgeois (dont le secret espoir est d'y échapper malgré tout), et elle ouvre pour ceux qui n'en paient pas, l'illusion de jours plus heureux.
A mes yeux, elle s'avère surtout constamment néfaste aux intérêts de la nation, et c'est bien ça le plus triste.

Pour cette résolution qui n'a donc rien à voir avec le patriotisme, et dans un contexte de « crise » dont les premiers responsables sont les gouvernants, je ne demande aucune gratification, et surtout pas la légion d'honneur que monsieur Tardi a refusée au motif « qu'on n'est pas forcément content d'être reconnu par des gens qu'on n'estime pas... »

D'une manière générale, au chapitre des bonnes intentions, je m'efforcerai de raréfier mes critiques sur monsieur Hollande et son club très select du « Peuple de gauche ». Force est de reconnaître que nous sommes entrés pour de bon dans la grisaille généralisée du socialisme, comme l'avait prédit Schumpeter.
Comme il l'avait annoncé, nous y sommes arrivés par le capitalisme et non par la révolution, c'est toujours ça de gagné. Ils appellent ça la social-démocratie (cumulant les inconvénients de l'un et les désagréments de l'autre), mais nous y sommes, et jusqu'au cou. Autant attendre la décrue, plutôt que se débattre.

Mais faute de voir de sitôt cette idéologie perdre du terrain, je ne pourrai m'empêcher de jubiler in petto, à chaque fois que notre président « démocratiquement élu » fera le contraire de ce qu'il avait promis. Je ne pourrai m'empêcher d'éprouver un plaisir délicieusement pervers à le voir manger son chapeau face aux foules crédules qu'il avait embobinées avec son boniment creux de camelot. Aujourd'hui même, il assure les malheureux salariés de Petroplus de son soutien amical, en excluant toute implication directe de l'Etat, foin des déclarations enthousiastes d'hier. On se souvient de ses envolées grotesques, il y a quelques mois : "Où est l'État, où est le gouvernement, où est le président de la République ?" On se le demande en effet plus que jamais !

Ce n'est qu'un début...

Dans le même ordre d'idées, je ne peux m'empêcher de me délecter en voyant le CAC 40, qui caracole contre toute attente depuis l'élection de monsieur « Normal » (+15,6% depuis le 7 Mai 2012 !), alors qu'il avait juré solennellement que son principal ennemi était la finance. Je ne peux m'empêcher d'éprouver une subtile satisfaction au paradoxe faisant de l'industrie du luxe, le dernier phare du rayonnement français. Et de voir le président et sa troupe chaotique de bouffons grimaçants, obligés bon gré mal gré d'accompagner le mouvement, tandis qu'ils assistent impuissants à la montée inexorable de la pauvreté à laquelle ils tendent de manière pathétique les bras.

A quelque chose malheur est bon. La fuite des riches va abaisser le seuil de ladite pauvreté. Du coup, mécaniquement, bon nombre de ceux qui stagnaient en dessous vont se retrouver nantis du jour au lendemain, sans effort...
Pareillement, on pouvait se lamenter de voir les belles convictions et vibrantes intentions s'effilocher après l'élection de Nicolas Sarkozy. Après celle de François Hollande on risque d'avoir quelques bonnes surprises...

A part ça, je vais tant bien que mal continuer à faire vivre ce modeste blog, en remerciant les visiteurs qui ont la bonté d'y prêter quelque attention, et en leur adressant comme il est de coutume, tous mes vœux les plus sincères.

27 décembre 2012

L'Amérique de Hopper

Edward Hopper (1882-1967), c'est l'Amérique !
Une vision parmi d'autres sans doute, tant ce pays est protéiforme, mais une vision tout de même, et des plus rémanentes.
C'est à la fois l'originalité, la force et le mystère de ce peintre étonnant. Il n'est pour s'en convaincre que d'aller voir les toiles de l'artiste que le Grand Palais expose en une éblouissante rétrospective (du 10/10/12 au 28/01/13). 
Le fait est que les scènes et les paysages représentés par Hopper ne peuvent témoigner que de la vision d'un Américain. Aucun Européen sans doute, n'aurait pu traduire de cette manière ce Nouveau Monde étrange, déroutant, splendide, effrayant.
Hopper à mes yeux, c'est avant tout une lumière crue, qui tombe d'un seul bloc sur des formes bien nettes, quasi sans nuance. Il y a dans les scènes statiques et muettes que transcrit le peintre une clarté presque aveuglante, qui éclabousse et frappe d'un seul coup la rétine et l'esprit du spectateur. Le tableau prend immédiatement possession de celui qui le regarde.
C'est à cela, entre autre, sans doute, qu'on reconnaît le très grand artiste. Mais il y a également dans cette peinture, une part de mystère.

Comment classer Hopper ? A quel courant le rattacher ?
La question, quoique souvent posée, est probablement vaine. Comme le dit le petit discours de présentation de l'exposition: « Romantique, réaliste, symboliste, et même formaliste, Hopper a été enrôlé tour à tour sous toutes les bannières. » 


Il fit ses premières armes à Paris, à peu près au moment où l'impressionnisme jetait ses derniers feux.
Les toiles de cette époque s'inscrivent plutôt dans la lignée des paysages si simples et si puissants d'Albert Marquet (1875-1947).
Dans le rendu, dans les angles de vue, on sent qu'on se situe à la charnière entre deux mondes, l'ancien et le moderne. Il faut dire que la photographie est déjà là avec ses contrastes crus et ses cadrages lapidaires. Bientôt le cinéma viendra encore un peu plus bousculer les paradigmes picturaux. Cette révolution fut déroutante pour nombre de peintres qui s'égareront dans des fuites abstraites, des déconstructions cubistes, ou bien des chimères symbolistes ou maints délires évanescents.
Rien de cela avec Hopper. Il reste solidement accroché à un art classique, solide, mais dont l'académisme rigoureux ne ne le cède en rien à l'audace.
Hopper, lorsqu'il revint au pays natal, tout chargé des canons artistiques européens, eut quelques difficultés d'adaptation. « Tout m’a paru atrocement cru et grossier à mon retour. Il m’a fallu des années pour me remettre de l’Europe ».


Pourtant, un de ses éminents mérites fut de bâtir sur sa culture classique, un art novateur, et de contribuer grandement à l'émergence d'une forme d'expression nouvelle, typiquement américaine.

Il y a évidemment, parmi les oeuvres présentées à Paris, les célèbres compositions urbaines dans lesquelles la solitude prend une dimension « métaphysique » pour reprendre une expression si opportune trouvée par un ami blogueur.
Mais plus qu'à ces tableaux à la beauté immobile et glacée, si souvent commentés, j'ai été particulièrement sensible aux aquarelles, dont j'ignorais l'existence. C'est en elles me semble-t-il que la maturation d'un art nouveau s'est faite. Elles expriment avec force, élégance et simplicité, une nature rustique, mais généreuse et sereine.
Une fraîcheur et un dépouillement que n'auraient sans doute pas désavoués les poètes et philosophes transcendantalistes. Hopper est un peu à la peinture ce que Walt Whitman fut à la poésie. Un lyrisme puissant se dégage de ces œuvres, la confrontation de la nature sauvage avec la froideur arrogante du monde technique, et de ce choc, naît une étrange combinaison de solitude, d'égocentrisme, mais également de distance par rapport au monde :
"One's-self I sing, a simple separate person
Yet utter the word Democratic, the word En-Masse...
"

Il y a très peu de mouvement dans l'univers de Hopper. On ne voit pas âme qui vive dans ces robustes bâtisses dominant sereinement, tantôt de vastes et rudes plaines, tantôt une ample perspective maritime dont le bleu s'étale avec un curieux mélange d'opulence et de légèreté. Parfois un bateau esseulé tangue en glissant pesamment sur les nappes océanes...
Avec le temps, la palette de Hopper s'est chargée de substance. Le trait s'est alourdi à mesure qu'il cherchait à saisir à la manière d'un objectif, la fugacité de l'instant.
Curieusement le temps semble s'être étiré, ralenti, jusqu'à s'immobiliser, tandis que l'atmosphère exprime une théâtralité de plus en plus empesée


L'effet semble paradoxal pour décrire un pays en pleine effervescence, dont le mouvement et la rapidité de l'instant, figurent parmi les traits dominants.
A certains moments, l'artiste qui décrit si bien l'aspect massif et inquiétant des façades néo-victoriennes des lourds immeubles et villas, semble vouloir pénétrer les murailles à la recherche de la vie.
Comme le dit mon ami Jeff, on dirait qu'il ôte les murs pour nous montrer sous une lumière crue les gens qui vivent derrière.
Cela donne ces fameux noctambules (nighthawks) nonchalamment accoudés à un bar, comme dans un thriller crépusculaire, ou bien des scènes intimistes mettant en scène de pâles personnages, vus par son œil inquisiteur, comme figés dans l'hébétude.
La chair est ici triste et impersonnelle. Est-elle le reflet d'âmes en peine ? S'agit-il d'un miroir renvoyant l'inanité d'existences vouées au confort matériel ? Est-ce l'expression de l'étrangeté, voire de l'absurdité du monde ? Faut-il imaginer dans ces tableaux, de petits drames dérisoires tirés d'un quotidien trop banal, dans lequel les êtres ne parviennent plus à communiquer ? Ou bien faut-il voir dans des personnages en proie aux longs ennuis, le signe prémonitoire de la fin des romans, des épopées et des légendes ? Avec en filigrane la fin de l'Histoire, et l'asphyxie lente d'une société normalisée, assujettie à la technique et au progrès, mais ayant perdu toute fantaisie, toute aspiration...
En somme, le peintre n'a pas fini d'interroger. Et c'est très bien comme cela...